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Gino Paganelli est bien connu des pionniers de la mobilité électrique pour sa Citroën Méhari et sa Volkswagen Golf pickup converties à l’électrique à une époque où l’opération était quasiment impossible. Son parcours atypique et sa pugnacité lui ont permis de réussir là où d’autres se sont cassés les dents.
En Suisse depuis une vingtaine d’années, Gino Paganelli a grandi en France avec la ferme intention de ne pas rouler en voiture essence ou diesel. « Cette idée remonte à mes années au lycée. J’avais été marqué par un cours sur les moteurs électriques. Notre professeur en électrotechnique avait parlé d’un rendement de près de 100% quand il n’est que de 30% environ pour un bloc thermique », se souvient-il.
« Comme j’ai un profond respect pour la nature et cherche à éviter la pollution, j’ai ainsi décidé assez jeune de rouler en électrique, sachant que ce projet passerait par la conversion d’une voiture thermique. Dans les années 1980, il n’existait pas de modèle électrique commercialisé », poursuit-il.
« Rendons à César ce qui est à César : pour la Citroën Méhari, je ne suis pas à l’origine de la conversion. Elle a été réalisée par un certain monsieur Bourrière. La voiture date de 1979. La conversion a été effectuée dans les années 1980 par ses soins », rectifie d’emblée Gino Paganelli.
« J’ai rencontré ce monsieur lors d’un rallye en véhicules électriques à La Rochelle en 1994. Il avait plus de 80 ans et cherchait à mettre de l’ordre dans ses affaires avant son grand départ. Il souhaitait que sa Méhari homologuée électrique en France soit reprise par un passionné. Elle lui servait jusque-là sur son habituel lieu de vacances, à Biarritz, pour rejoindre la mer à quelques kilomètres », révèle-t-il.
« Monsieur Bourrière était ingénieur électricien dans le génie civil. Mais ce n’était pas un électronicien. Il n’y a pas de variateur dans la Méhari mais un gros contacteur. Le démarrage se faisait en direct en jouant sur l’embrayage et les vitesses pour ne pas trop brutaliser l’ensemble », détaille Gino Paganelli.
« Il y avait des pics électriques monstrueux. Ce qui explique que le moteur a rendu l’âme l’année dernière alors que la voiture a très peu roulé. L’autonomie n’était que de 30-40 km, obtenue d’un pack NiCd 96 V 40 Ah d’une capacité énergétique de 4 kWh », chiffre-t-il.
« Je suis en train de changer tout cela avec l’objectif que cette Méhari roule à nouveau en 2021. Je vais installer des batteries lithium 40 Ah sous 240 V pour une capacité de 9,6 kWh. Le rayon d’action sera ainsi doublé : 60-80 km. Le moteur, lui, est déjà monté. Il provient d’une Citroën Saxo électrique. Il me faut aussi concevoir une grosse partie électronique, dont le variateur », envisage-t-il.
« Avant de devenir propriétaire de cette Méhari, j’ai acheté la Golf pickup de 1987 pour la convertir à l’électrique. Je m’étais déjà inquiété auparavant des contraintes que m’imposerait le service des Mines. Ils m’ont d’abord retourné un ‘non’ catégorique », se rappelle Gino Paganelli.
« Devant mon insistance, et me trouvant certainement pénible, ils m’ont listé quelques obligations à respecter en m’assurant que l’opération serait très difficile à réaliser. La première, incontournable : respecter le poids total en charge par essieu. Il ne fallait pas que je touche à la direction, ni aux systèmes de freinage », continue-t-il.
« Je devais présenter un dossier sur ce projet. Je l’ai tapé à la machine à écrire, en espérant obtenir un avis favorable. J’ai fait le choix d’un petit utilitaire qui me permettrait de loger 500 kilos de batterie au plomb tout en pouvant disposer de 250 kg de charge utile. En débarrassant la Golf de l’échappement, de la roue de secours et du réservoir j’ai pu suspendre le pack sous la plateforme-benne du pickup sans qu’il soit visible », précise-t-il.
« Au début des années 1990, je n’avais pas d’autre choix que de prendre des batteries au plomb. Les premiers éléments NiCd était surtout utilisés pour l’aérospatiale et coûtaient cher. A condition de rouler avec le pied très léger, j’arrivais à obtenir jusqu’à 100 km d’autonomie du pack 52 Ah sous 240 V et d’une capacité énergétique de 12,5 kWh. Il alimentait un moteur 50 kW développant un couple de 220 Nm », témoigne Gino Paganelli.
« Il s’est passé une année entre mon premier contact avec le service des Mines et l’obtention de la carte grise. Comme j’ai effectué cette conversion dans le cadre de mon projet de fin d’études d’ingénieur, j’ai travaillé sur la Golf à temps plein pendant 6 mois », rapporte-t-il.
« J’avais une échéance rigide : novembre 1994, pour pouvoir participer au rallye de La Rochelle. Elle a servi de levier pour faire bouger un peu les choses du côté du service des Mines. Plusieurs financeurs, dont l’Ademe a été le principal, ont supporté le coût de la transformation », se réjouit encore notre interlocuteur.
« A l’exception des longs trajets pour les vacances, la Golf électrique me servait pour tous mes déplacements jusqu’à l’arrivée des enfants. Des Renault Kangoo du début des années 2000, modèles Electri’Cité et Elect’Road, ont alors pris le relai », indique Gino Paganelli.
« J’ai parcouru 60.000 kilomètres avec la Volkswagen convertie dotée d’une vitesse maximale de 140 km/h. Elle a reçu 2 jeux de batteries au plomb qui ont chacun tenu environ 7 ans. En 2009, je l’ai passé au NiCd avec des éléments Saft STM 100 pour une capacité portée à 21,6 kWh qui me permettait de réaliser 130 km très confortablement sur une recharge. Je prépare une nouvelle architecture lithium. La capacité sera la même, mais la Golf bénéficiera d’une meilleure autonomie grâce à une diminution de 200 kg du poids du pack », projette-t-il.
« En Suisse, c’est très compliqué de convertir une voiture thermique à l’électrique. La réglementation se fait au niveau cantonal. Chaque canton a ses propres règles et ses propres dérogations. Le rétrofit n’est donc pas possible sauf à convaincre le bureau local. Je m’attends d’ailleurs à rencontrer des difficultés pour la Méhari qui est toujours immatriculée en France », expose Gino Paganelli.
« La Golf, elle, a déjà ses papiers suisses. En venant de l’étranger, quand on s’installe dans le pays, les véhicules sont considérés comme des effets : leur immatriculation en Suisse est donc systématique. C’est grâce à cela que des personnes arrivent à faire rentrer des voitures américaines sur le territoire, parfois en passant par des connaissances », ajoute-t-il.
Il y a encore quelques années, Gino Paganelli était ingénieur chez Michelin. Avec le rachat de Symbio, spécialiste du prolongateur d’autonomie à hydrogène, par une joint-venture créée par la manufacturier et Faurecia, il est devenu chercheur dans le domaine des véhicules électriques à PAC H2. « Physiquement, je suis toujours basé chez Michelin », commente-t-il.
« Vous m’apprenez la légalisation du rétrofit en France. Je trouve que cette évolution est très bien. La technologie est très mature pour les véhicules électriques à batterie », estime-t-il. « En revanche, je pense que c’est prématuré de permettre à des installateurs d’effectuer des transformations avec l’hydrogène. Il faut que ce soit très encadré. Il y a quelques questions de sécurité à ne pas traiter à la légère, notamment au niveau des réservoirs », modère-t-il.
Automobile Propre et moi-même remercions Gino Paganelli pour sa réactivité et le temps pris à répondre à nos questions.
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