AccueilArticlesMobilité électrique : quel avenir après le confinement ?

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Président du groupe d’études « Véhicules terrestres » à l’Assemblée nationale, Damien Adam se veut optimiste pour la mobilité électrique à l’issue du confinement. Lecteur d’Automobile Propre, il nous livre son analyse.

Un marché qui souffre

« Le CCFA [NDLR : Comité des constructeurs français d’automobiles] a constaté une baisse de 70% des ventes en mars, et s’attend à un marché proche de zéro en avril et à un mois de mai 2020 qui sera moins bon qu’en 2019. Mais je ne suis pas inquiet même si le marché automobile est problématique et souffre actuellement du fait du confinement », expose Damien Adam.

« L’introduction en début d’année des nouvelles contraintes d’émissions à 95 grammes de CO2 au kilomètre dans le cadre de la norme CAFE a déjà commencé à porter ses fruits. On le voit à la bonne dynamique de ventes en modèles électriques et hybrides rechargeables en janvier et février, même si les chiffres tiennent compte d’un report d’achats de véhicules effectués fin 2019 », rapporte-t-il. Pour exemple, ces véhicules branchés ont représenté en février 2020 13% des ventes, contre 6,6% au même mois l’année dernière.

30 octobre 2018 : Séance de Questions au Gouvernement
M. Damien Adam

Coup d’accélérateur

« Cette crise sanitaire et économique devrait donner un coup d’accélérateur aux voitures hybrides rechargeables, et aux électriques y compris celles fonctionnant à l’hydrogène », estime Damien Adam.

« Des signaux vont dans ce sens. Ainsi le recentrage de Renault en Chine sur les voitures électriques, et l’association de Daimler et Volvo pour développer des camions à hydrogène. En outre les constructeurs proposent aujourd’hui des portefeuilles très attractifs en modèles électriques, surtout sur les segments inférieurs », liste-t-il.

« L’avantage que nous avons aujourd’hui par rapport à la crise financière de 2008, c’est que la fabrication des voitures a été arrêtée, empêchant la formation de stocks importants à écouler. Il y a 12 ans, il avait fallu instaurer une prime à la casse de 1.000 euros pour soutenir la filière », se souvient-il.

Prioriser les modèles branchés

« La crise actuelle va obliger les constructeurs à faire des choix. Les voitures électriques et hybrides rechargeables vont être priorisées. Renault accélère sur sa Twingo électrique et Volkswagen tient à conserver sa feuille de route pour son ID.3 en dépit des problèmes de logiciels rencontrés », observe Damien Adam.

« Ces modèles forment une solution pour la mobilité individuelle à court et moyens termes. Cette perception est encore renforcée avec la crise », souligne-t-il.

Diminuer les aides…

« Aujourd’hui il existe 2 outils pour accompagner le grand public vers une mobilité plus vertueuse : le dispositif de bonus/malus et la prime à la conversion. Ils sont tous les 2 financés par les recettes perçues au titre du malus. Ces dernières vont être en retrait du fait du ralentissement des ventes en véhicules neufs. Il faudra donc trouver un moyen de combler le trou », indique Damien Adam.

Une récupération du budget de ces aides pour soutenir la relance de l’économie après le confinement ? « Non, car les besoins pour relancer l’économie se chiffrent en milliards d’euros alors que les recettes du malus s’élèvent à quelques centaines de millions », nous répond-il.

…ou les augmenter ?

Est-il envisagé d’aller plus loin dans les aides à l’achat des voitures électriques à la sortie du confinement ? « C’est trop tôt pour le dire, car on ne connaît pas les réactions des automobilistes à ce moment-là. Mon avis est cependant que ceux qui avaient prévu en février dernier d’acheter une voiture électrique devrait poursuivre leur projet après la fin du confinement », objecte le député LREM de la première circonscription de Seine-Maritime.

« Bien sûr le prix de l’essence et du gazole ont chuté de 20 centimes depuis le début mars, mais l’achat d’un nouveau véhicule se réfléchit sur le long terme. Les clients savent bien que la baisse du prix des carburants n’est que passagère », poursuit-il.

Des pistes éventuelles

« Si nous devions mettre un nouvel outil en place, ce serait une augmentation de la prime à la conversion. Ce serait pour aider les constructeurs à écouler leurs stocks. En 2019, 2 millions de véhicules ont été vendus en France. On estime déjà que cette année on assistera à une baisse de ces chiffres de l’ordre de 10 à 20% – qu’on ne rattrapera pas -, mais avec une bonne représentation des véhicules électriques », estime Damien Adam.

« Pour les entreprises, nous avons bien entendu que la baisse des aides concernant l’achat de véhicules électriques lors du renouvellement des flottes fait craindre aux professionnels que le TCO ne serait plus intéressant avec ces modèles. La secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher, en charge de l’industrie et des PME, a démontré le contraire : le TCO est au pire équivalent et souvent meilleur avec les VE », soutient-il.

Des primes pour le rétrofit électrique ?

« Le rétrofit électrique est un sujet que nous avons poussé dans le cadre des travaux sur la loi d’orientation des mobilités. Il était inexistant au départ et les constructeurs étaient réticents. Le sujet a pris beaucoup de temps pour émerger », rappelle Damien Adam.

« Un moteur électrique dure bien plus longtemps qu’un bloc thermique. Je sais qu’une entreprise près d’Orléans [NDLR : Transition One] espère pouvoir effectuer des conversions pour 5.000 euros. Mais faut-il accorder une prime ou des avantages fiscaux pour une telle opération ? La question se pose d’ailleurs aussi pour le montage de kit afin de faire fonctionner un moteur à l’E85 », associe le président du groupe d’études « Véhicules terrestres ».

« Bien sûr, le rétrofit électrique entre dans le cadre d’une économie circulaire et permet d’utiliser moins de ressources, mais cette solution n’est viable que si son coût est attractif par rapport à un modèle comme celui que Renault va proposer en France sous la marque Dacia à partir de la K-ZE », affirme Damien Adam. « La conversion ne devrait donc pas excéder un budget de 10.000 euros », chiffre-t-il.

« Faut-il pour autant attribuer des aides pour cette opération ? », se demande le député qui met en perspective d’autres interrogations : Quel usage sera fait des véhicules convertis ? Pour quel kilométrage annuel ? Quelle durée de fonctionnement ? Etc. La question d’une aide du gouvernement au rétrofit n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour.

Aide à la recharge

Pour le député, la priorité est à « l’accès à la recharge ». Il est d’ailleurs lui-même concerné : « Il faut résoudre les problèmes de droit à la prise en copropriété. Je galère moi-même dans la mienne depuis plus de 2 ans. Lors d’assemblées des copropriétaires on entend encore : ‘N’achetez pas de voitures électriques’ », se désole-t-il.

« Il faut qu’on revoit notre copie à ce sujet, dépasser les problèmes juridiques. Nous avons la possibilité de faire quelque chose là-dessus. C’est un sujet sur lequel Bercy travaille avec la collaboration du Premier ministre », se réjouit-il.

Bornes dans l’espace public

« J’ai conscience des problèmes rencontrés sur le Corri-Door d’Izivia et de l’augmentation des prix du réseau Ionity. La loi LOM impose que suffisamment de bornes soient en service par rapport au nombre des véhicules électriques en circulation », pose Damien Adam. « Avant la crise du coronavirus, nous savions déjà que l’objectif pour 2022 serait difficile à tenir. Le confinement n’arrange pas les choses », evalue-t-il.

« Nous sommes en train de réfléchir à une augmentation de la part de rémunération, en particulier pour Enedis et les collectivités, à la création de nouveaux points de recharge », révèle-t-il.

Le problème Corri-Door

« Qu’une entreprise spécialisée dans l’énergie, et censée être experte de la recharge des véhicules électriques, n’arrivent pas à résoudre un problème de borne, ça m’interpelle », met en avant le député.

« Chaque borne compte et on doit pouvoir faire quelque chose pour que celles du réseau Corri-Door ne disparaissent pas, quitte à soutenir une rétrocession à des collectivités locales ou à un autre opérateur. Ca me paraît impossible de ne rien faire ! », s’engage-t-il. « Quand on lit les explications d’Izivia, on ne comprend pas bien le problème », avoue-t-il.

« Nous avions prévu une audition de l’entreprise à l’Assemblée national, mais nous devions respecter une pause du fait des élections municipales, et le confinement est arrivé. Nous irons au bout de cette idée à la sortie de cette période », promet-il.

Remise en cause de la norme CAFE ?

« Je sais que les constructeurs réclament une remise en cause de la norme CAFE. Je suis contre cette idée. Les constructeurs doivent respecter les 95 grammes de CO2 par kilomètre. Nous ne renonçons pas à la transitions écologique », rassure l’élu en charge du groupe d’études « Véhicules terrestres ».

« Certains voudraient encore faire croire qu’une voiture électrique ne serait pas plus vertueuse pour la planète qu’une thermique équivalente. Or un véhicule électrique émet 2 fois moins de CO2 sur sa durée de vie complète », rapporte-t-il.

« On le sait, c’est la batterie qui alourdit leur empreinte carbone. C’est pourquoi il est très intéressant de produire les accumulateurs en France où l’électricité est obtenue du nucléaire, plutôt qu’en Chine où le charbon alimente encore beaucoup trop les centrales. Voilà pourquoi je soutiens la construction d’usines en Europe et la régionalisation des produits. Les voitures électriques pour l’Europe doivent être fabriquées en Europe », conclut-il.

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup le député Damien Adam pour sa grande réactivité et sa disponibilité.

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