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Nous avons (enfin) pu approcher le Cybertruck lors de la première étape de sa tournée européenne, à Modène, en Italie.
Se retrouver face au Cybertruck, c’est un peu arriver à vélo au pied du Grand Colombier ou du Ventoux. C’est saisissant, on ne sait pas vraiment si l’on va aimer et cela risque d’être éprouvant à l’usage.
D’abord, les proportions américaines du pick-up (plus petit qu’un Ford F-150) demeurent étrangères à nos yeux d’européens.
Il est aussi moins lisible que ses confrères utilitaires avec sa coupe bicorps cachant la benne.
Et plus de quatre ans après sa présentation, le dessin de Franz von Holzhausen demeure toujours aussi clivant.
Les réactions entendues à Modène allaient de « che fi*a » (top) à « che merd* ». « Elle est bizarre », « un truc de fou »… Lors de son arrivée devant le palais ducal, l’engin drainait un essaim de gamins surexcités et les smartphones étaient en position verticale pour prendre des photos. Davantage que pour la Lamborghini Diablo ou l’Isotta Fraschini Tipo-6 avoisinantes. « Elle me fait peur », m’a-t-on également glissé, d’un air entendu.
Une dame âgée sur un fauteuil roulant m’a demandé avec le plus grand sérieux à quel(s) conflit(s) avait participé l’engin. La ligne anguleuse rappelle sans doute inconsciemment le F-117 « Nighthawk » rendu nettement moins furtif par les médias pendant la Guerre du Golfe de 1990-91. La métaphore du carrarmato (char) revenait d’ailleurs régulièrement à nos oreilles.
Beaucoup d’habitants de Modène étaient en revanche dans le flou concernant la marque. L’absence de logo Tesla et les inserts cryptiques de la version Cyberbeast (un loup à trois têtes pour trois moteurs ?) n’aident pas le grand public. Le sticker « Foundation Series » assure de plus le passant de votre volonté d’essuyer les plâtres.
Nous avons pu voir le Cybertruck évoluer dans les (étroites) rues. Pas facile avec 2,4 mètres de largeur en incluant les rétroviseurs extérieurs. Heureusement, les quatre roues directrices sont là pour venir en aide aux conducteurs et conductrices. Les roues arrière pivotent pour faciliter les manœuvres ou stabiliser l’engin à grande vitesse. Résultat : le rayon de braquage est « limité » à 13,25 mètres. Surprenant vu la taille de l’engin américain ! On s’en sort si l’on n’est pas trop regardant sur l’usage des trottoirs.
À lire aussiEssai longue durée – Tesla Model 3 Grande Autonomie 2024 : moins mais mieuxUne fois à bord, les proportions détonnent. Le pare-brise lisse est très loin. Et le Cybertruck se conduit via un petit volant à méplat, dont la forme évoque l’i-Cockpit de chez Peugeot (mais oui !), introduit au début des années 2010. Pas de « yoke » ici, sans doute au bénéfice de l’utilisation réelle. La direction steer-by-wire se passe de colonne de direction. Elle est remplacée par trois petits moteurs électriques agissant sur la crémaillère. Avec ce dispositif, le volant va de butée à butée en 0,94 tour.
Les activateurs de clignotants sont placés sur la branche gauche du volant, comme sur la récente Model 3 Highland. La position nécessite un temps d’ajustement, tout comme la lecture de la vitesse en temps réel sur l’écran central. Si l’on veut vraiment se passer de commodo, une configuration à la Ferrari – touches en relief situées à droite et à gauche du moyeu – nous semblerait plus judicieuse.
Si les rétros extérieurs de forme triangulaire assurent la continuité philosophique avec le véhicule, ils ne sont pas de dimension suffisante pour bien contrôler l’environnement. Quant au rétro intérieur, il est inutile si la ridelle est fermée. Il faut alors surveiller l’écran central… ce qui n’est pas très naturel. L’écran central de 19 pouces reprend les habitudes de Tesla (coussin péteur compris). Il devance une maxi-console centrale équipée d’un grand rangement. Les tapis en plastiques peuvent être nettoyés aux grandes eaux de Versailles.
À l’arrière, l’espace est correct. Le plancher est haut et la porte plutôt petite. Mais il s’agit là d’un classique sur les pick-up.
Enfin, l’une des stars de la voiture est l’essuie-glace monobalai de près d’1,40 mètre de long. Nous l’avons vérifié, il est doté d’un racloir unique en caoutchouc. À la fois très voyant et immense, il a dû réclamer beaucoup de travail aux ingénieurs Tesla pour ne pas (trop) pénaliser l’aérodynamique tout en effectuant le mieux possible son boulot aussi modeste que nécessaire…
Cette petite virée, c’est aussi l’occasion d’évoquer quelques caractéristiques techniques. À commencer par l’amortissement. Des ressorts pneumatiques remplacent les traditionnels ressorts hélicoïdaux. On peut ainsi ajuster la hauteur d’une trentaine de centimètres en fonction des situations tout en bonifiant le confort. À l’avant comme à l’arrière, on retrouve une double triangulation. Une solution bien plus moderne que les sautillants ponts rigides des pickups traditionnels. Pour les amateurs de franchissement, une mise à jour à distance devrait prochainement permettre de bloquer les différentiels.
Le Cybertruck est pour l’heure proposé aux États-Unis avec deux chaînes de puissance. La première dite Dual Motor dispose d’une machine à induction à l’avant et d’un moteur synchrone à aimants permanents à l’arrière. Total : environ 600 ch. La version Cyberbeast devant nous possède une machine synchrone à aimants permanents à l’avant et deux moteurs à induction à l’arrière. Ici, la puissance dépasse les 850 ch et le 0 à 100 km/h est chronométré en 2,6 secondes. V max : 180 km/h.
Les piles sont plus que maousses. Le Cybertruck dispose des nouvelles cellules 4680 plus grosses et plus denses. Officieusement, la capacité est de 123 kWh. Tesla ne donne que rarement des chiffres officiels. On peut également rajouter 50 kWh de batterie sous la benne en option. Les autonomies s’échelonnent de 400 à 750 km selon la très très généreuse norme américaine EPA.
L’automne dernier, Elon Musk admettait avoir rencontré d’énormes difficultés dans l’industrialisation du Cybertruck. Cinq mois après, il en reste encore. Notre exemplaire du jour laissait entrevoir des ajustages très imprécis. On peut blâmer la carrosserie en inox – matière difficile à travailler – pour les écarts sur les flancs de la benne.
En revanche, les arêtes approximatives dans les passages de roue ou les plis dans les tissus du tableau de bord ne peuvent être imputés de la même manière. À Austin on doit s’arracher les cheveux… Rappelons que le travail de l’inox est l’une des raisons de l’échec de la DeLorean DMC-12. L’usine de Belfast ne parvenait pas à obtenir des cadences suffisantes et un niveau satisfaisant de qualité. L’hybris du fondateur, John Z. DeLorean, en fut une autre.
À lire aussiTesla Model Y vs Renault Scenic : le match du rapport prix/autonomie s’est-il inversé ?Le Cybertruck entame une tournée de deux mois en Europe. La première destination était donc Modène avant Padoue, Vérone, Florence et Rome (Italie) avant de rejoindre Bruxelles (Belgique) à partir du 17 mai. Il arrivera dans l’Hexagone à l’occasion du salon VivaTech à Paris du 22 au 25 mai avant de faire étape – toujours dans la capitale – à Station F le 28 mai. Il sera ensuite visible à Mulhouse les 30 et 31 mai, à Lyon les 2 et 3 juin, à Monaco du 4 au 9 juin, près de Marseille du 7 au 9 juin, à Bordeaux du 10 au 12 juin, à Lausanne du 12 au 15 juin, à La Rochelle les 14 et 15 juin.
Le lancement annoncé pour 2021 a finalement eu lieu à la fin de l’année dernière. Celui-ci n’a pas été de tout repos. Certains conducteurs ont pointé des problèmes de direction tandis qu’un rappel concernant des pédales d’accélérateur bloquées a été lancé…
Rappelons qu’aux États-Unis, le prix plancher pour la version deux moteurs est juste en dessous de 80 000 dollars, soit 75 000 euros. Comptez 100 000 dollars pour le Cyberbeast.
Et l’Europe ? Pour l’heure, les représentants de Tesla ne confirment ni n’infirment l’arrivée du pickup chez nous. Pour passer les homologations continentales, il devrait subir de nombreuses modifications, notamment en vue d’améliorer la sécurité des piétons en cas de choc. On peut raisonnablement se demander si Elon Musk n’a pas d’autres affaires plus urgentes à régler…
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