La suite de votre contenu après cette annonce
Depuis plusieurs mois, Fisker rencontre de grandes difficultés financières. Après une première faillite en 2013, le constructeur s’apprête à revivre une situation similaire. Nous avons échangé avec plusieurs propriétaires français de l’Ocean pour tenter de comprendre comment ils se préparent à cet éventuel crash, et l’impact que cela pourrait avoir sur leur utilisation du modèle.
Henrik Fisker est un éternel rêveur. Passé par Tesla, BMW ou encore Aston Martin, ce designer de renom a toujours voulu se lancer à son compte. En 2007, il officialise la création de Fisker Automotive. Une marque dont l’ambition est de concurrencer Tesla. Comme Elon Musk, M. Fisker a toujours été convaincu que les voitures électrifiées avaient le potentiel pour révolutionner l’industrie.
Cependant, son destin ne sera pas le même que celui de son ancien patron. Après avoir lancé la Karma en 2011, une berline hybride rechargeable avec une batterie de 22 kWh, Fisker fait faillite en 2013. Trois ans plus tard, Henrik Fisker revient avec Fisker Inc. et dévoile son premier SUV 100 % électrique en 2020, l’Ocean. Le modèle a fait ses débuts en 2023 sur plusieurs marchés, dont la France.
Aujourd’hui, à peine un an après les premières livraisons du Fisker Ocean, la marque n’arrive plus à joindre les deux bouts. Pour diverses raisons, Fisker rencontre des difficultés financières et son modèle est accusé de présenter de nombreux défauts. Nous avons voulu vérifier si ces rumeurs sont fondées et comprendre l’état d’esprit dans lequel se trouvent les propriétaires français de l’Ocean.
Automobile Propre a échangé avec trois propriétaires du Fisker Ocean et un actionnaire de l’entreprise. De nombreux points positifs ressortent. Selon Raf (nom d’emprunt), 42 ans, le modèle se démarque avant tout par son autonomie. Cet ancien propriétaire d’un Tesla Model X voyage régulièrement à travers l’Europe. Amateur de roadtrips, il se déplace avec une caravane et réalise quatre fois par an le trajet Paris-Madrid.
À lire aussiFisker Ocean : un nouveau problème de sécurité sur ce SUV électrique dans la tourmente ?« Pour une famille qui roule beaucoup, qui possède une caravane et qui souhaite absolument rouler en électrique, l’autonomie est très importante », me précise-t-il. « Nous avions besoin d’une voiture avec une grosse batterie, capable de se recharger rapidement ». Avec son Model X, Raf devait s’arrêter tous les 150 km. Depuis qu’il possède son Ocean, il peut pousser « jusqu’à 300 km ». Le tout, en tractant sa caravane.
Électromobiliste depuis 2016, Raf a eu l’occasion de posséder plusieurs modèles : Tesla Model 3, Model Y, Model X, Volkswagen e-Golf et Fiat 500 électrique. Attentif au retour de Fisker en 2016, il a sauté sur l’occasion avec les super remises proposées par la marque. Sur son Ocean, il apprécie également le confort, la fonctionnalité V2V (pour disposer d’une assurance électrique en itinérance), le toit ouvrant et le design.
J’ai aussi discuté avec Gab (nom d’emprunt), 56 ans, chirurgien et habitant de la région lyonnaise. Cet amateur de voitures et de sport mécanique s’est pareillement détourné de Tesla. Il a troqué sa Model S Long Range, non pas par déception, mais plus par « envie de changement ». Gab me précise tout de même que ses rares passages au service après-vente de Tesla ont été « catastrophiques ».
À la réception de son Ocean, il est séduit par le côté « très esthétique » du modèle. Dès les premiers kilomètres, cela se confirme : « c’est bien la première fois que je me fais autant arrêter et qu’on me demande de quelle voiture il s’agit ». Il relève également le confort de l’Ocean, « encore mieux que ma Model S », qui est déjà une bonne référence dans ce domaine. Selon lui, « la finition est au même niveau que chez Tesla ».
Habitué à rouler avec des charges lourdes, Gab n’a pas changé ses habitudes avec l’Ocean. Il a testé son SUV électrique avec une remorque chargée d’une voiture de circuit sur plus de 1 500 km. Selon lui, l’automobile de Fisker est une « excellente tractrice ». Il a relevé une consommation étonnamment raisonnable, de quoi lui permettre de faire 250 km avant de s’arrêter, « tant que la température ne descend pas sous les 10/15 °C ».
De 0 à 3 °C, « difficile de parcourir plus de 180 km », en étant chargé de cette manière. De manière générale, il a constaté que l’Ocean est plus sensible au froid que sa Tesla Model S. Plutôt content, Gab pointe tout de même du doigt quelques petits défauts. Il y a, par exemple, le manque de maintien des sièges qui se ressent particulièrement avec une conduite rapide dans les virages et l’absence de poignées pour les passagers.
Il soulève également le poids conséquent de la voiture. « Même si les possibilités d’accélération sont aussi importantes que celles de la Tesla Model S », d’après lui. Le freinage pose par ailleurs de vrais problèmes. « L’ABS se déclenche très tôt », d’une part, et « le freinage régénératif qui se relâche brusquement, ce qui peut être très surprenant, même si on s’y fait vite », d’autre part.
Gab ne désespère pas d’une éventuelle mise à jour du logiciel, « car c’est à ce niveau-là que cela se passe », me précise-t-il. Enfin, si l’autonomie est au rendez-vous, elle ne correspond pas exactement aux promesses faites par la marque. « Les 700 km annoncés ne sont pas du tout là », selon le propriétaire lyonnais. En revanche, il est quand même capable de faire 400 km sur l’autoroute, quand la température ne descend pas sous les 10/15 °C.
Une addition de petits défauts, mais Gab tient à me préciser qu’il « apprécie beaucoup » cette voiture. Très agréable à conduire et très confortable. Selon lui, la plupart des défaillances sont liées au logiciel mais « la base est très saine à mon sens ». Malgré la situation de la marque, les mises à jour devraient quand même continuer à arriver et le propriétaire « mise dessus » pour améliorer son utilisation de l’Ocean au quotidien.
Tous les propriétaires interrogés se disent inquiets quant à l’avenir de la marque. La plupart d’entre eux ont toutefois fait le choix de la location (LOA ou LLD), ce qui les protège d’une certaine manière, car c’est le financeur qui prend le risque. En revanche, ils sont conscients qu’ils peuvent être confrontés à une pénurie de pièces ou à l’absence de mises à jour OTA du logiciel.
Gab m’explique que son expérience des électriques montre qu’il « n’y a pas d’entretien particulier en dehors de l’usure des pneus » sur du court terme. Le seul risque, c’est l’accident. Si la voiture est réparable, il pourrait manquer des pièces, en revanche si elle ne l’est pas, il compte sur « l’assurance de pertes financières ». Cette garantie vise à protéger le locataire en cas d’événements imprévus pouvant entraîner une perte significative.
À lire aussiCe constructeur de voitures électriques va sûrement licencier tous ses salariésIl règne comme une certaine animosité vis-à-vis, non pas de Fisker en tant que société, mais plutôt de Henrik, le fondateur de la marque. Certains propriétaires français que nous avons interrogés estiment qu’il aurait « caché des éléments » et qu’il serait « responsable à titre personnel », en grande partie, de la situation actuelle. Ils s’accordent tous pour dire que la meilleure solution serait un rachat.
Un constructeur ayant pignon sur rue pourrait faire l’acquisition de Fisker. Cette situation a d’ailleurs failli se produire avec Nissan. Le japonais était en pourparlers avec la direction de la marque californienne, mais les discussions n’ont pas abouti. Sans un rachat, Fisker ne pourra pas retrouver la voie de la rentabilité. La question est désormais de savoir si un constructeur va se lancer avant la faillite ou attendre avant de racheter la marque.
Arthur (nom d’emprunt) s’apprête à recevoir son Ocean. Il a aussi profité des super remises et a donc acheté son SUV électrique en ayant parfaitement conscience des difficultés rencontrées par la marque. Livraison programmée à Buc (dans le département des Yvelines) le 25 mai 2024. Il a également pris son Ocean en LLD et m’explique qu’en cas de faillite, « la société de leasing a évoqué le fait que l’entretien se ferait chez Speedy ».
Il s’inquiète en revanche aussi sur le suivi des mises à jour du logiciel de la voiture. « Sur ce point, c’est l’inconnu », me précise-t-il. Si l’éventuelle faillite représente effectivement une menace, Arthur me dit que « les conditions d’achat » et « la bonne assurance » dont il dispose, l’ont convaincu de sauter le pas. Il me glisse un dernier mot sur les qualités d’écoute et de disponibilité de l’équipe parisienne.
Même ressenti pour Gab : « le service après-vente reste bien présent et joignable, même encore aujourd’hui ». Il me précise que la concession n’avait pas de tapis de sol au moment de la livraison. Cela n’a pas empêché les équipes de le rappeler plusieurs semaines après pour lui notifier que les tapis étaient arrivés au magasin et qu’ils s’apprêtaient à lui envoyer. C’est un détail, mais pour une marque dans cette situation, c’est positif.
J’ai également eu l’opportunité de discuter avec un actionnaire de la firme. Emmanuel, fondateur du groupe Facebook « Fisker Friends France », a toujours été admiratif de la philosophie de la marque. Il a acheté 600 actions au moment où elles valaient 10 dollars. Aujourd’hui, elles n’en valent plus que 0,057. Son portefeuille ne vaut presque rien, mais il a déjà « accepté la perte financière » et n’est plus vraiment inquiet pour la suite.
À lire aussiAu bord de la faillite, Fisker a livré des SUV électriques sans encaisser les chèques des clientsComme la plupart des propriétaires de l’Ocean, Emmanuel pense que la seule possibilité de s’en sortir est une reprise par un autre constructeur. « La société a besoin de fonds pour faire tourner la trésorerie, c’est le nerf de la guerre », m’explique-t-il. Avant de préciser que « la baisse des prix n’a pas été une bonne idée. Je trouve que cela envoie un signal négatif qui a fait perdre confiance dans la marque, sans faire beaucoup de ventes ».
Aux dernières nouvelles, Henrik Fisker a prévu de s’exprimer le 20 juin à l’occasion de l’ET AutoTech Summit 24, un événement automobile qui a lieu en Inde. Le président de Tata est également invité et tiendra une conférence le même jour. Faut-il y voir un signe d’un éventuel rapprochement entre les deux groupes ? Ce serait une excellente nouvelle pour Fisker. Nous en saurons plus d’ici à quelques jours.
La suite de votre contenu après cette annonce
Notre Newsletter
Faites le plein d'infos, pas d'essence !
S'inscrire gratuitement