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Onze investisseurs, dont La Banque Postale Asset Management et le Crédit Mutuel, dans une action coordonnée par la société de gestion Meeschaert, avaient inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale du groupe une résolution, rejetée, qui aurait imposé à Total de définir des objectifs climatiques plus ambitieux au niveau mondial.
Total communique très largement sur une feuille de route par laquelle l’entreprise atteindrait la neutralité carbone vers 2050. Ce programme comprendrait bien l’utilisation par le consommateur final des produits commercialisés par le groupe, mais seulement pour l’Europe.
A l’échelle mondiale, les rejets indirects, c’est-à-dire la part constituée par la consommation de ces productions, représente 85% des émissions de gaz à effet de serre du pétrolier.
Les 11 investisseurs demandaient que l’ensemble de ces émanations fassent l’objet d’un plan d’action contraignant. Concrètement, il s’agissait « de modifier les statuts du groupe pétrolier afin de renforcer la contribution de son modèle économique à l’atteinte de l’Accord de Paris sur le climat ».
PDG du groupe, Patrick Pouyanné, comme 83,20% des voix, s’est positionné contre cette résolution, justifiant, en ouverture de l’Assemblée générale des actionnaires, au sujet des émissions carbonnées indirectes : « Nous n’en sommes pas responsables car elles dépendent des choix de consommation d’énergie de nos client ».
Il a ajouté : « Total ne fabrique pas d’avions, ne fabrique pas de voitures, ne fabrique pas de ciment et ce n’est pas Total qui décide si un avion va utiliser du kérosène ou de l’électricité ou de l’hydrogène pour voler ».
De son côté, le conseil d’administration validait ainsi cette prise de position : « L’adoption de la résolution proposée conduirait à rendre votre société responsable d’émissions sur lesquelles elle n’est pas en capacité d’agir, seuls les clients en ayant la maîtrise directe ».
Le rejet de la résolution portée par le collectif mené par Meeschaert a été très diversement accueilli. C’est « une énorme occasion manquée », selon Greenpeace France.
Mais diverses ONG et autre structures estiment au contraire que réunir 16,8% d’actionnaires autour de cette proposition constitue une véritable avancée. C’est également l’avis des 11 investisseurs qui comptent bien poursuivre leur action afin de convaincre de plus en plus de porteurs des titres Total.
Aux Etats-Unis, d’autres pétroliers comme Chevron, ExxonMobil, Shell et BP avaient pris une posture commune similaire en 2018. Le média Web The Verge avait alors bien résumé dans le titre de son article sur le sujet : « L’avocat de Chevron, s’exprimant au nom des grandes compagnies pétrolières, affirme que le changement climatique est réel et que c’est de votre faute ».
Au fur et à mesure que le dérèglement climatique s’installe, avec son lot de catastrophes qui imposent jusqu’à des exodes importantes à travers le monde, les responsabilités vont être rejetées de tête en tête.
Ce sont les jeunes générations, celles qui vont subir les crises à répétition sans avoir pu véritablement profiter de l’insouciante consommation, qui se prononceront d’une manière ou d’une autre sur le sujet, avec, devant eux, 3 groupes d’acteurs : les Etats et structures les réunissant (Union européenne, par exemple), le secteur industriel, les consommateurs.
Les Etats qui auront tenté de réorienter la consommation à grands coups d’aides aux entreprises et aux ménages auront de quoi se retourner vers eux tous. Les industriels rejetteront la faute sur les consommateurs et, s’ils le peuvent, sur les Etats. Et même vers d’autres entreprises, comme Total vient de le faire.
Du côté de Total, le message est clair : renvoi direct vers les consommateurs de la responsabilité des émissions de CO2 à l’utilisation de ses produits en rapport avec l’énergie. Une stratégie que le groupe peut d’ailleurs se permettre avec une apparente légitimité que nombre de ses concurrents n’ont pas.
Le groupe produit bien du pétrole et du gaz, mais est aussi un fournisseur d’une électricité qui peut être garantie de sources vertes, de bioGNV et de superéthanol E85. Son offre aux automobilistes est donc particulièrement variée et déjà en cours de réorientation vers la mobilité durable. Total peut se permettre d’aligner des arguments le dédouanant au moins partiellement de la responsabilités des émissions indirectes de CO2 à l’utilisation de ses produits.
Est-ce cependant légitime et acceptable de vouloir se placer en entité extérieure au problème ? Et d’avoir une position vertueuse pour l’Europe différente du reste du monde pour des enjeux qui ne connaissent pas de frontières ?
Pas sûr que les constructeurs apprécient le renvoi de la balle en carbone dans leur camp. Total ne fabrique pas de voitures ni d’avions, ou de véhicules en général, c’est (presque) vrai, mais cet argument est à peine recevable de la part d’une entreprise qui se réjouit d’un partenariat de plus de 50 ans avec Citroën, la grande marque française à la traîne sur la mobilité durable, face à Renault, et, désormais, à Peugeot.
Le geste manque en tout cas d’élégance, et chacun appréciera l’absence de solidarité avec une industrie qui lui donne sa raison d’exister et de se développer depuis des dizaines d’années.
La récente alliance de Total avec Gaussin pour développer un tracteur électrique capable de déplacer 2 citernes de 30 tonnes de carburant pour l’avitaillement des gros porteurs est positivement notable. Voilà un argument susceptible d’expliquer que le groupe s’ouvre en permanence de nouvelles perspectives dans un écosystème en développement !
Quoi qu’il en soit, le message de Total est on ne peut plus clair : aux consommateurs d’adopter au plus vite de nouvelles habitudes de mobilité pour limiter le dérèglement climatique !
Les automobilistes et voyageurs se doivent bien sûr de développer une conscience qui les pousse à faire de bons choix pour leurs déplacements. De très nombreuses formules existent désormais qui permettent de ne plus ou de moins griller de pétrole.
Au fait, quel est le pourcentage des actionnaires qui se sont prononcés contre la résolution des 11 investisseurs et qui ont entamé une véritable démarche vertueuse personnelle pour leur mobilité ? N’est-ce pas à ce niveau qu’il faut chercher la véritable raison du tout récent couac de communication ?
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