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Maxime Fontanier est allé poser à Denis Le Vot vos questions concernant l’électrification, la pérennité d’une offre bon marché, les lieux de fabrication des Dacia et l’avenir du concept Manifesto. Inscrivant la marque dans une politique plus globale de groupe Renault, le directeur général a répondu sans détour. Leur bureau : La Dacia Spring restylée.
Directeur général de la marque Dacia depuis le 1er janvier 2021, Denis Le Vot est entré à la direction commerciale de Renault en 1990, après avoir poursuivi des études auprès de l’école des mines de Paris. Au cours de sa carrière, il a représenté le Losange dans différentes régions du monde, de la Russie à la Turquie, de l’Europe G9 à l’Eurasie.
Naviguer dans les marques de l’Alliance, il connaît aussi. En 2018, il était directeur général et président du comité de direction de Nissan Amérique du Nord. En plus de sa fonction actuelle chez Dacia, il est membre du conseil d’administration du groupe Renault.
Ce riche parcours dans la grande maison à des postes diversifiés de direction donne une légitimité toute particulière au patron de la marque d’origine roumaine pour répondre aux questions des lecteurs d’Automobile Propre et au public qui fréquente notre chaîne YouTube.
Une majorité des 78 questions posées par nos followers (suiveurs) concernait l’électrification de la gamme Dacia. Ainsi : « À quand une compacte familiale électrique ? » ; « Y aura-t-il une remplaçante de la Logan électrifiée avec un hayon ? » ; « Pouvez-vous nous en dire plus sur les futurs véhicules électriques prévus dans la gamme ? » ; « Pensez-vous faire évoluer la Spring avec davantage d’autonomie ? ».
Denis Le Vot a d’abord mis en avant la stratégie du groupe par laquelle « chaque marque est investie d’un rôle ». Renault, par exemple, « est en train de devenir le leader de l’électrique en Europe ».
Et Dacia ? « Son credo est de proposer des voitures essentielles, avec un choix dans les contenus, et donc d’avoir des modèles très abordables ». Sur le marché du neuf, les voitures coûtent toujours plus cher. « De plus en plus de clients viennent acheter des Dacia pour cette raison », a assuré le DG.
« La Spring est exactement une Dacia. C’est une voiture qui mesure 3,70 m, pèse 970 kg, ne monte pas au-dessus de 125 km/h, et c’est une électrique qui a juste 300 km d’autonomie. On pourrait dire que ce n’est pas bien. Mais c’est une voiture qui vaut moins de 20 000 euros. Personne ne fait ça », a exposé Denis Le Vot.
« Nous sommes super fiers d’offrir la mobilité électrique au plus grand nombre. Et ça, c’est exactement Dacia. Dacia fait des choix et rentre sur le marché quand il a quelque chose à proposer de différent et d’unique par son essentialité », a-t-il décrypté.
C’est ainsi que Dacia compte développer ses modèles à batterie de traction, à un rythme qui lui est propre, en récupérant les technologies du groupe pour électrifier ses voitures. « L’année prochaine, on verra arriver un hybride sur le Jogger », a promis à Maxime Fontanier le DG de la marque au nouveau logo DC.
« Est-ce qu’on va se dépêcher d’être les premiers à offrir des voitures électriques avec 600 km d’autonomie et une recharge complète en 17 minutes sur autoroute ? La réponse est non ! », a affirmé Denis Le Vot, en évoquant 2036 pour une gamme entièrement branchée.
Notre journaliste imaginait bien Dacia récupérant « la base déjà bien amortie de la Renault Zoé pour créer un véhicule essentiel, à moindre coût de fabrication, qui répondrait à la demande d’une compacte électrique ». Un scénario qui ne semble pas avoir été retenu en raison d’un choix technologique : « Dacia développe aujourd’hui sa gamme sur la plateforme CMF-B qui a servi de base à la Sandero 3 lancée il y a 18 mois ».
Et ce, au niveau mondial. Les Logan, Jogger, Duster et futur Bigster l’adoptent progressivement. « La génération d’après nous pose effectivement la question de l’électrification », a toutefois rapporté l’interlocuteur de Maxime Fontanier.
Des lecteurs d’Automobile Propre s’inquiètent de la montée en gamme constatée chez Dacia, alors qu’ils assument très bien leur choix d’acquérir une voiture low cost. Ils craignent un embourgeoisement de la marque, comme dans d’autres groupes. Ainsi, pour exemple, Skoda et Seat chez Volkswagen. « Dacia reste Dacia », a tenu à rassurer Denis Le Vot.
« C’est quoi la moins chère des voitures dans chaque gamme ? C’est une Dacia. C’est quoi l’électrique la moins chère du marché ? C’est une Dacia », a-t-il rappelé.
« On a à la fois les clients qui recherchent la voiture la moins chère – la partie low cost de Dacia, mais qui est en train de se faire surpasser en nombre par les clients qui disent “Ça suffit, les voitures coûtent beaucoup trop cher, maintenant on va faire des choix, on va acheter un truc simple, qui fonctionne bien”. Et donc, ils choisissent des Dacia », a-t-il opposé.
La Sandero, dont la déclinaison Stepway 4 000 euros plus chère était minoritaire il y a quelques années, représente désormais 75 % des ventes. Même constat avec le Jogger dont 85 % des exemplaires sont achetés « dans le mix le plus haut avec tous les équipements ».
Comment expliquer ce revirement ? « Dans la concurrence, un véhicule 7 places, ça commence à 25 000 euros environ. Notre premier prix est à 16 000 euros. La plupart des clients se disent, “Mais à ce prix-là, je prends les 7 places, le Wi-Fi, la réplication téléphonique, l’air conditionné, je prends tout” », a comparé Denis Le Vot.
« On n’est pas vraiment en train de monter en prix. Le prix d’accès reste toujours extrêmement compétitif par rapport à la concurrence, mais on est en train de monter en mix », a-t-il justifié.
À lire aussiEssai DACIA Spring : à ce prix, elle va faire un malheur !Dans les questions que vous nous avez transmises, est revenue plusieurs fois celle de la fabrication à l’étranger des modèles de la marque. Aujourd’hui, « 90 % des Dacia, comme les Sandero, les Jogger, les Duster, etc. sont fabriquées dans le même bassin que les Renault, parce que ce sont des voitures qui sont dérivées des plateformes de Renault, avec les mêmes fournisseurs, les mêmes usines de fabrication des composants ».
C’est pourquoi elles sont assemblées en grande partie en Roumanie et au Maroc aujourd’hui. Pour la Spring, c’est différent, car elle existait déjà. Le groupe Renault a hésité, puis a décidé de l’importer en France pour « donner l’accès de la mobilité électrique au plus grand nombre, en la faisant venir de Chine où elle est fabriquée ».
Un scénario « très Dacia et qui fait du bien au développement du marché électrique », a souligné le DG de la marque.
Qu’en est-il de l’empreinte carbone de la Spring importée de Chine ? « La carbonation complète de la chaîne est tellement complexe à calculer. Je pense quand même qu’une petite voiture de 970 kg avec une petite batterie comme la nôtre, en carbonation globale, bien qu’elle prenne le bateau, n’est pas nécessairement la pire des voitures sur le marché », a estimé Denis Le Vot.
Serait-il envisageable de rapatrier l’activité en Europe ou en France ? « On se pose tous les jours la question, pour le futur. Mais il faut juste comprendre que déplacer une usine, déjà c’est difficile à faire, et ça ne résout pas le problème. L’usine, c’est 6 % de la valeur de la voiture. Il y a des centaines de fournisseurs autour qui produisent les pièces », a-t-il plaidé.
Pour illustration : « Ce serait un peu comme acheter un frigo en pièces détachées et se faire livrer les pièces du monde entier pour l’assembler chez soi. Du point de vue du transport et du CO2, il vaut mieux acheter un frigo importé d’Asie, parce qu’il est difficile de faire se déplacer tous les fournisseurs ».
Se faisant l’avocat de nos lecteurs, Maxime Fontanier a insisté en évoquant la dépendance à l’Asie en raison de la fabrication des cellules de batteries. Son interlocuteur a invité à « regarder la question dans sa globalité », et à en débattre avec « tout le groupe Renault » et la marque éponyme en particulier.
Le Losange souhaitant devenir un champion de l’électrique, en dehors même de la France, de nombreuses interrogations sont discutées en interne : « Où est-ce que je fais les batteries ? La technologie des batteries ? La technologie des moteurs ? Le fait de remettre en France tout l’écosystème de la voiture électrique ? Ce qui a un rôle très clair sur le positionnement que la marque Renault est en train de prendre ».
« Dacia est une sorte d’assurance, ou de roue de secours de Renault. Et c’est important pour l’équilibre d’un groupe. Si l’électrification se déroule très vite sur le marché, alors tant mieux, Renault sera là. Mais si elle se passe un peu moins vite, parce que le prix des voitures, parce que la crise économique, alors Dacia est là avec le second rôle. Les 2 se répondent. C’est conçu, c’est construit comme un équilibre de marques », a développé le DG.
« Quand est-ce que Dacia va s’électrifier ? Quels types de cellules ? Quel sera le choix des technologies ? Toutes ces questions que vous vous posez auront des réponses venues des développements électriques du groupe Renault », a-t-il résumé. « Nous utiliserons le moment venu les technologies du groupe Renault. Tout en tant Dacia, Dacia fait des choix », a-t-il reformulé.
Vous avez été nombreux à apprécier le concept Manifesto, regrettant ou craignant qu’il ne trouve une suite commerciale chez Dacia. Maxime Fontanier a posé la question à Denis Le Vot de l’avenir de cet engin minimaliste très séduisant : « Un concurrent du Citroën Ami, ça aurait du sens chez Dacia ? ». Amusé, son interlocuteur a aussitôt lâché : « Je vous promets, cette question nous ne nous la sommes pas posée ».
« À la base, comme Dacia est à la croisée des chemins, qu’on vient de la voiture low cost où le design n’était pas si important que ça, et qu’on se rend compte maintenant qu’on a beaucoup de potentiel avec la plateforme CMF-B, qu’on va pouvoir aller vendre des crossovers, des véhicules de segment C en Allemagne dans 2 ans, on s’est dit qu’on ne peut pas se présenter sur le marché comme on l’a toujours fait », a-t-il rectifié.
« C’est pour ça qu’on a redessiné, qu’on a repeint la maison, on a refait le logo, on a tout refait. C’est pour expliquer ce qu’est Dacia et pourquoi on va chercher l’essentialité, montrer que l’essentialité, ça peut être cool en même temps. On s’est dit que pour l’expliquer, il fallait le faire, et sans limites, sans norme, sans règle », a-t-il illustré. « Le concours est ouvert : que va-devenir le Manifesto ? », a-t-il conclu.
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