La suite de votre contenu après cette annonce
Voici le dernier volet d’une série de 4 articles consacrés à l’évolution de la mobilité électrique en France entre 2 points dans le temps. Où en était-on en 2008, dans l’Hexagone, des réflexions et projets au sujet de l’impact des véhicules électriques sur l’environnement ? Quelle est la situation en 2018 ?
Les connaissances autour de l’impact sur l’environnement des véhicules électriques, depuis la fabrication jusqu’au recyclage, en passant par la phase théoriquement la plus longue de l’utilisation, sont en constante évolution. Les études se multiplient, pointant les problèmes, et listant des solutions pour les effacer totalement ou en partie. La plupart d’entre elles s’intéressent plus particulièrement aux batteries pour modérer le poids des VE sur la pollution. Seconde vie des batteries, réseaux intelligents exploitant les VE pour lisser la demande en électricité, association du développement des véhicules électriques avec celui des énergies renouvelables, recyclage des accumulateurs, etc. : tous ces points ont un rapport direct avec l’impact des véhicules électriques sur l’environnement.
La dernière épine dans le pneu arrière gauche de la voiture branchée, c’est ce constat qui peut paraître incroyable qu’elle produirait plus de particules sur son passage qu’un modèle équivalent thermique. Ce problème mis au jour assez récemment commence à intéresser quelques acteurs clés qui s’activent pour une meilleure qualité de l’air. Attention toutefois à ne pas tomber dans les ornières suivies par les détracteurs purs et durs de la mobilité électrique : là encore, ce problème est une photo de la situation actuelle.
Les développements pour y remédier débutent à peine. Il est à espérer qu’ils accoucheront de solutions efficaces. En outre, on ne connaît pas encore vraiment le degré de nocivité « chimique » des particules fines dues à l’abrasion des pneus, des garnitures de frein et du revêtement routier, par rapport à celles émises après l’échappement.
Ce quatrième et dernier volet fait suite à 3 précédents articles :
En 2008, on parle des voitures électriques comme véhicules « Zéro émission ». C’est d’ailleurs la signification du programme « Z.E. » de Renault qui sera lancé dans les concessions du Losange une toute petite poignée d’années plus tard. Pourquoi aller chercher plus loin, puisqu’il n’y a pas de pot d’échappement sur une voiture électrique. Il est donc clair qu’elle n’émet pas de CO2 ! C’est en tout cas ce que l’on pense alors.
Dix ans plus tard, plus question d’affirmer que la voiture électrique n’a pas d’impact carbone. Son cycle de vie est décortiqué. Le rapport publié par l’Europe en février dernier et intitulé « Research for TRAN Committee – Battery-powered electric vehicles : market development and lifecycle emissions » assure même : « Les voitures électriques n’ont pas d’avantages climatiques inconditionnels par rapport aux thermiques : ces avantages n’existent que dans certaines circonstances ».
Deux postes pèsent lourdement sur le bilan carbone des véhicules électriques : la production des cellules des batteries très énergivore et réalisée en Chine, au Japon et en Corée du Sud ou les mix énergétiques sont particulièrement carbonés et défavorables ; l’origine de l’électricité employée pour la recharge des batteries. D’où l’idée de rapatrier la fabrication des accumulateurs dans des pays mieux lotis à ce niveau.
Les rédacteurs du rapport sont toutefois positifs, s’appuyant sur l’exemple de la Gigafactory de Tesla qui devrait produire les cellules à la seule énergie électrique provenant de sources renouvelables, mais aussi sur le développement des parts de l’éolien, du solaire, et des autres solutions vertueuses dans le mix énergétique des Etats. Ces 2 conditions, si elles sont respectées, creuseront l’écart en faveur des véhicules électriques face aux modèles thermiques, ces derniers pouvant aussi améliorer leur situation, notamment par la généralisation du GNV. Le VE n’est donc pas englué dans des problèmes insolubles de CO2.
En 2008, on ne peut imaginer un instant qu’il puisse y avoir un problème sérieux qui touche à la santé publique du fait de l’abrasion des pneus, des garnitures des systèmes de freinage et du revêtement des routes. Ou plutôt si, à l’époque, on en parle pour le métro, qui en dépit des puissants extracteurs d’air, reste une forme de lieu confiné où elles s’accumulent dangereusement.
Aujourd’hui, on est en plein dans la découverte d’un phénomène : du fait du surpoids causé par les batteries et équipements associés, une voiture électrique produirait davantage de particules fines à l’utilisation que sont équivalent thermique. Et ce n’est pas négligeable a priori, puisque le delta dépasse de loin la part des résidus de même diamètre qui sortent ou se reforment encore à la sortie des pots d’échappement. Chez Airparif et à l’Agence européenne de l’environnement, on est au courant de ce phénomène. Alors, on jette la voiture électrique ? Non, bien sûr, car là encore le problème tel qu’il existe et est connu aujourd’hui n’est qu’une photo de la situation actuelle.
Quelle toxicité des particules fines métalliques et de caoutchouc par rapport à celles issues de la combustion qui se produit dans les moteurs thermiques ? On ne sait pas ! Ou plutôt, rien n’a été encore rendu public de façon incontestable à ce sujet. Existe-t-il des pistes pour gommer ce problème ? Oui, mais balbutiantes pour la plupart. A moins de s’astreindre à des prises de positions radicales, comme faire une croix sur la voiture individuelle, ou choisir un modèle électrique, non pas par équivalence de service (confort, espace à bord, dimensions, etc.), mais sur un poids similaire.
Du côté des industriels et solutions techniques, signalons que l’expert en systèmes de filtration Mann + Hummel travaille sur le sujet avec DHL et Streetscooter. Le dispositif interviendrait, non pas directement sur les résidus émis par le véhicule qui l’embarque, mais sur l’air ambiant.
De son côté, Goodyear prétend pouvoir produire un pneu spécifique au VE qui annulerait les conséquences du surpoids sur le volume d’émissions de particules fines. Le prolongateur d’autonomie EP Tender pourrait aussi jouer un rôle, en s’invitant dans les quelques trajets annuels qu’une batterie de capacité réduite ne pourrait permettre de réaliser sereinement. Par ailleurs, les constructeurs vont de plus en plus vers un freinage avec immobilisation du véhicule sur le seul relâchement de la pédale d’accélérateur. Il en résulte une baisse considérable de la part des freins dans le cocktail des PM libérées par les voitures électriques. Là encore, on ne peut pas définitivement prétendre que le VE est englué dans des problèmes insolubles de particules fines.
A l’époque, la mobilité électrique est dans un creux entre 2 vagues. Quelle que soit la technologie des batteries de traction, on ne s’inquiète pas de la disponibilité des minerais et autres matériaux nécessaires à la fabrication des batteries.
A ce sujet, c’est le document européen vu au chapitre concernant le CO2 qui apporte également la synthèse la plus récente. Dans un contexte de décollage de la mobilité électrique, ses auteurs se sont interrogés sur différents types de risques, en particulier ceux en rapport avec l’épuisement des ressources et la fragilité des sources d’approvisionnement (peu de pays producteurs, situations politiques). Pour l’Europe, ce sont le lithium (1% des composants d’une batterie lithium-ion à cathode NCM) et le cobalt (3,1%) qui sont soumis aux risques les plus élevés.
Moins préoccupants mais à surveiller toute de même avec une grande vigilance : le manganèse (2,8%), le fer (9%), le nickel (3,1%), le cuivre (9,2%) et le graphite naturel (8,2%). La situation la moins préoccupante revient au matériau que l’on trouve en plus grande quantité dans ces batteries : l’aluminium (34,5%). L’Europe relativise ses appréciations en rappelant qu’un recyclage efficace devrait sérieusement atténuer les risques.
Ce que l’institution ne dit pas, c’est que la voiture électrique n’est pas mariée avec la technologie lithium. La pluralité des types de batteries, si elle se développe, aura un pouvoir important pour abaisser les risques de disponibilité des packs. Autre point sensible en rapport avec les matériaux : les conditions d’extraction, notamment du personnel employé à cette tache. Là, c’est Amnesty international qui veille, n’hésitant pas à interpeller directement les constructeurs de véhicules électriques, avant de publier régulièrement un état des lieux. La mobilité électrique n’est pas mise en péril par la disponibilité des composants qui entrent dans la fabrication des batteries de traction.
En 2008, à part pour quelques électromobiliens convaincus, le lien ne paraissait pas forcément logique entre les véhicules électriques et les énergies renouvelables. Cette absence de liaison a provoqué le rejet pur et simple des VE de la part de nombre de personnes à la sensibilité écologiste. Beaucoup y voyait une manœuvre, notamment de la part d’EDF et du gouvernement, de promouvoir l’énergie nucléaire. A l’extrême, les pionniers pouvaient s’entendre dire qu’utiliser les sources renouvelables pour recharger une voiture électrique, c’était en quelque sorte détourner cette énergie vertueuse d’une autre utilisation, notamment domestique.
Aujourd’hui, même les plus grandes entreprises indiquent que le lien entre véhicules électriques et énergies renouvelables est évident. Signe de cette évolution, EDF et le pétrolier Total, pour ne citer qu’eux, proposent une offre en électricité verte réservée aux électromobiliens. Tesla et BMW ont communiqué sur des ombrières solaires pour recharger les batteries des VE. Désormais, le constructeur américain, mais aussi Nissan et Renault, sont allés chercher des solutions qui ajoutent une batterie tampon dans l’installation électrique de la maison, entre le réseau national et des panneaux solaires.
Plus globalement, se diriger vers une mobilité électrique à grande échelle force les réflexions sur le développement des énergies renouvelables. Pas seulement en capacités de production, mais aussi en efficacité et diversité des systèmes. Le véhicule électrique, parce qu’il soulève des problèmes environnementaux, oblige les professionnels à trouver des solutions pour en réduire la portée.
Ce n’est que dans quelques articles aux visées futuristes que l’ont mettait au cœur de réseaux électriques intelligents des voitures électriques afin d’apporter une stabilité entre demandes et productions instantanées d’électricité, et en particulier aux heures de pointe. L’idée paraissait intéressante, mais on n’imaginait qu’elle n’aurait pas d’applications dans les 2 ou 3 dizaines d’années à venir.
Les démonstrateurs V2G (Vehicle to Grid), V2H (Vehicle to Home) et V2B (Vehicle to Building) se multiplient. Rien de vraiment concret et massif encore. Mais pour les constructeurs de VE, les fabricants de batterie, les producteurs et transporteurs d’électricité, et les pouvoirs publics, les scénarios de smart grid qui utilisent les batteries des voitures électriques immobilisées pendant plusieurs heures apparaissent désormais comme nécessaires et incontournables pour la stabilité de la distribution de l’électricité. Et ce, dans un contexte où le réseau est de plus en plus alimenté par des sources renouvelables fluctuantes.
En France, l’Ademe a soutenu nombre de projets expérimentaux à travers le Programme des investissements d’avenir. Outre-Manche, une enveloppe de 34 millions d’euros vient d’être constituée afin de développer 21 projets V2G au Royaume-Uni. La mise en service de ces systèmes ne peut cependant pas aller plus vite que les ventes des voitures électriques qui en sont au cœur. Ces dernières bénéficieront, sans qu’on puisse le quantifier facilement, d’une réduction de leur bilan carbone par les moyens fossiles de production d’électricité qu’elles remplaceront.
La seconde vie des batteries n’est pas une question que l’on se pose en 2008. En revanche, la voiture électrique a déjà donné à cette époque au sujet de son implication dans la pollution causée par les batteries de traction. C’est d’ailleurs à cause de cela que la technologie NiCd a été interdite pour la mobilité électrique individuelle, selon la directive européenne 2002/95/CE. En l’absence d’une filière organisée pour les recycler, il a été mis en évidence, sur le fil du dernier changement de siècle, que des batteries NiCd étaient purement abandonnées dans la nature en dépit des conséquences sur la faune, la flore et de l’empoisonnement de sources d’eau potable.
La seconde vie des batteries s’est un peu imposée d’elle-même afin de donner le temps à la filière de recyclage des accumulateurs lithium de s’organiser. Après 5 à 8 ans à propulser des véhicules électriques, ces accumulateurs restent suffisamment fiables pendant une durée de vie à peine moindre dans un rôle tampon stationnaire de stockage d’énergie.
Forcément, ce scénario allège encore le bilan carbone des véhicules électriques. Nissan s’est distingué des autres constructeurs de VE en communiquant très tôt sur le sujet, démonstrateurs à l’appui, et en ajoutant à son catalogue la station domestique de maîtrise de l’énergie xStorage Home qui réemploie des batteries de Leaf. Renault a depuis rejoint son allié, et tous les 2 imaginent exploiter aussi ces accumulateurs dans des bornes de recharge rapide. Finalement, ce qui va coincer ces prochaines années pour développer ces pistes, c’est tout simplement d’avoir à disposition en suffisance de telles batteries.
Du côté du recyclage, la situation est moins nette, comme l’a rappelé l’instance européenne dans le document en référence en début d’article. Il y a encore un important manque de communication à ce sujet. Des objectifs sur les matières à récupérer ont été fixés par l’Europe, mais les procédure sont complexes, et parfois énergivores et particulièrement polluantes. Elles commencent par un broyage des batteries. A l’issue de celui-ci, dans la technique de l’hydrométallurgie, les métaux ferreux vont être magnétiquement séparés des non ferreux. Les premiers vont être exploités en aciéries. Les autres vont subir un traitement chimique via une solution acide qui permettra de distinguer les différents éléments à destination du secteur de la métallurgie.
Par la méthode de la pyrométallurgie, les déchets d’accumulateurs lithium sont introduits dans un four avec l’objectif de séparer les métaux par condensation. Trois produits en ressortent : les laitiers qui vont servir de remblais routier et à la fabrication de laines de roche ; les métaux ferreux que l’on retrouve en coutellerie de luxe, dans les disques de frein des TGV et dans les barres anti-stationnement ; les résidus non ferreux à affiner.
En France, c’est le Registre national des producteurs de piles et accumulateurs qui est chargé de suivre la filière en pleine organisation de son activité. C’est seulement après quelques années de développement, que les acteurs dédiés, – tels Recupyl, la SNAM, Euro Dieuze, BatRec, Accurec, Umicore -, pourront connaître un régime de croisière. Il sera alors pertinent de juger de l’efficacité du recyclage et d’exiger des taux moyens concernant les batteries lithium, composant par composant.
Ce dernier article de la série touche aux sujets les plus sensibles en rapport avec la mobilité électrique : ceux qui, en particulier, sont exploités par ses détracteurs. Nul doute qu’il sera suivi de nombreux commentaires qu’il appelle forcément.
La suite de votre contenu après cette annonce
Notre Newsletter
Faites le plein d'infos, pas d'essence !
S'inscrire gratuitement