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(image : Mohamedramadanabdalstar – Wikimedia Creative Commons)
Le législateur devrait se pencher sérieusement sur certains trous dans la raquette qui plombent la confiance dans l’électrique.
Même s’il est désormais sur les rails et en forte progression, le secteur de la voiture électrique est encore récent. Ce qui implique qu’il soit toujours dans sa courbe d’apprentissage, autant du côté des constructeurs que des clients, mais aussi du législateur. Avec ce que cela suppose d’approximations, de méconnaissance, de trous dans la raquette… et parfois de malentendus.
Il est encore de (trop) nombreux domaines où l’électromobiliste a parfois l’impression d’évoluer comme un pionnier en caravane dans une sorte de Far West où l’ennemi peut surgir à tout moment, prêt à le plumer à la moindre seconde d’inattention.
Caricature ? Pas vraiment. Les exemples et les situations sont nombreux où un peu de contrôle et de reprise en main par les autorités du commerce et de la concurrence ne feraient pas de mal, pour le bien de tous. Alors bien sûr, toutes les lacunes que nous allons voir maintenant en détail ne sont pas également rédhibitoires, et certaines sont même plutôt anodines, mais elles participent toutes d’un système qui a tendance à ne pas favoriser la confiance du grand public dans la voiture électrique, et peut-être à retarder la décision de certains acheteurs potentiels de franchir le pas de la transition vers le zéro émission.
Il n’est pas question ici de réclamer encore plus d’administration, surtout pas ! Mais seulement de rappeler que ce que vivent parfois certains électromobilistes serait inconcevable et probablement fortement réprimé dans d’autres domaines de la consommation et du commerce. Alors que dans l’état actuel c’est plutôt open bar. Et que par conséquent il ne serait peut-être pas inutile d’y remédier sans trop tarder, notamment sur les points suivants.
Il y a les stations de recharge, et il y a les aires de services avec stations essence proposant en plus une ou deux bornes de recharge électrique. Si les prix de l’essence sont affichés par obligation réglementaire, il n’en va pas de même pour le tarif du kWh. Pourquoi ne pas s’inspirer de l’initiative de cette station et imposer un affichage clair et visible sur tous les points de recharge ? Bien sûr c’est généralement affiché sur les bornes et – parfois – dans les applications, mais si le législateur a jugé utile de l’imposer pour le prix du litre de carburant, pourquoi ne le ferait-il pas pour le prix du kWh ?
L’efficience de la recharge électrique dépend de nombreux éléments extérieurs sur lesquels le client n’a aucune maîtrise. Il s’agit entre autres de la température (ou plus globalement, de la météo), mais aussi de la puissance de charge et de la disponibilité du réseau à un instant T. Sans parler de la puissance acceptée, très variable selon les véhicules. Ce qui peut entraîner des variations énormes de tarif – parfois du simple au double – pour une même charge, si celle-ci est facturée au temps et non pas à la quantité d’énergie délivrée. Vous voyez bien sûr à qui je pense. Ionity est à ma connaissance le seul opérateur à facturer sa prestation à la minute et non pas au kWh, ce qui crée une injustice et des situations vraiment fâcheuses en termes de prix « à la pompe ». Bien sûr, ceux qui possèdent des voitures acceptant une forte puissance de charge s’en réjouissent, mais cela pose vraiment problème, d’autant que ce sont généralement les voitures électriques les plus chères qui chargent le plus vite. La tranche la moins aisée des électromobilistes est donc doublement pénalisée. En imposant une facturation au kWh partout et pour tous, on résoudrait tous les problèmes liés à la versatilité des conditions de recharge.
On a déjà connu cela durant des décennies avec les consommations d’essence annoncées par les constructeurs, toujours très optimistes. Malgré les normes drastiques mises en place (WLTP ou EPA), il semble que cela continue dans l’ère de l’électrique. Les constructeurs ne sont pas totalement responsables de cette situation créée d’abord par ceux qui créent ces normes, mais leur enthousiasme systématique à annoncer des consommations totalement irréalistes dans la plupart des usages de la vraie vie devrait finir par interpeller le législateur, car on n’est parfois pas très loin de l’arnaque pure et simple. Or, si au temps de l’essence, le delta entre annonces marketing et réalité était juste agaçant mais n’avait pas de conséquences autres que sur le portefeuille, il n’en va pas de même avec l’électrique, où la différence peut avoir de sérieuses répercussions concrètes et pratiques sur la vie quotidienne de l’électromobiliste.
Tous les électromobilistes ont eu au moins une fois dans leur vie à faire face à cette situation d’incivisme flagrant, de ne pas pouvoir charger parce que les places réservées devant les bornes étaient occupées par des voitures thermiques. Si les propriétaires de ces dernières sont clairement à blâmer pour leur manque de respect, ils ne sont pas les seuls, car la responsabilité d’un marquage clair et dissuasif incombe aux opérateurs, qui semblent s’en soucier comme de leur première recharge. Le problème est d’autant plus épineux qu’il concerne souvent des espaces installés sur des parkings privés, où l’intervention de la maréchaussée semble difficile, a fortiori celle de la fourrière. Ici aussi, l’absence de réglementation claire cause un préjudice certain.
Si vous connaissez un peu le sujet, vous voyez à qui et à quoi je fais allusion. Si une simple mise à jour gratuite permet d’obtenir d’un coup 5 % de puissance supplémentaire, et que celle-ci se renouvelle, c’est très sympa pour les propriétaires du modèle en question, mais est-ce que cela ne pose pas un problème de conformité vis-à-vis notamment de la police d’assurance, et du service des mines chargé de l’homologation des voitures ? Autrement dit, qu’il s’agisse de la puissance ou d’une autre fonction, la loi est-elle prévue pour des adaptations à géométrie variable des caractéristiques d’une voiture pouvant transformer sensiblement son comportement et ses performances au fil des mises à jour ? On ne parle pas ici de bidouillages ou de « gonflages » réalisés par des particuliers de leur propre initiative en changeant la cartographie de la voiture, mais de mises à jour officielles poussées par les constructeurs.
On pourrait mentionner encore de nombreux exemples (et j’en oublie sûrement), comme l’arrivée tardive de l’AVAS qui fait que nombre de voitures électriques commercialisées avant juillet 2019 n’émettent aucun son, ce qui crée une disparité à l’usage, ou encore les voies dédiées au covoiturage et aux véhicules électriques et hybrides ou transportant au moins deux passagers, empruntées massivement par d’autres voitures non éligibles, pour le moment la plupart du temps en toute impunité.
Autant de sujets que le législateur devrait prendre au sérieux en se penchant sur cette inconstance réglementaire et ces vides juridiques afin de créer un contexte favorable à la transition électrique, pour enfin sortir des interminables discussions et polémiques que celle-ci suscite encore.
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