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Le patron de Tesla devrait dévoiler le troisième volet de sa stratégie le 1er mars prochain. En attendant, Automobile Propre a vérifié si les promesses formulées dans ses précédents « master plans » ont été tenues. Et penchons-nous sur ce que ces documents racontent à propos de la pensée de son auteur et la trajectoire unique de la marque.
Parfois l’histoire est déjà écrite. Près de 20 ans après son lancement, Tesla vend aujourd’hui plus d’un million de voitures électriques par an dans le monde, influence le goût des consommateurs et massifie le véhicule électrique. Mais dès 2006, Elon Musk avait tracé le sillon dans un premier master plan (« plan directeur », en français, ndlr.). En 2016, il avait précisé ses intentions dans un deuxième document à destination des investisseurs et du public.
Que sont les master plans d’Elon Musk ?
Concrètement, il s’agit de deux billets de blog écrits par Elon Musk sur le site de Tesla. Le premier a été publié en août 2006 et le deuxième en juillet 2016. Dans ces textes, il affirme ses convictions quant à l’avenir de la mobilité, définit la raison d’être de Tesla et explique la stratégie qu’il entend déployer. Ces documents témoignent à la fois de clarté de la vision du dirigeant, mais aussi des limites qu’a rencontré la marque depuis une quinzaine d’années. Un troisième master plan devrait être présenté le 1er mars prochain. En attendant, Automobile Propre vous propose de revenir en arrière et de relire avec vous ce qu’a écrit Elon Musk à deux moments clés de l’histoire de Tesla.
Pour les deux Master Plan, publiés en 2006 et 2016, nous rappelons le contexte général au moment de la publication et analysons dans le détail les propos d’Elon Musk. Enfin, nous effectuons un bilan global des idées réalisées (ou non).
Le titre :
« Le plan directeur secret de Tesla Motors (ça reste entre nous) »
Le contexte :
Août 2006. Deux semaines plus tôt, Tesla Motors avait présenté son véhicule sportif et électrique nommé Roadster à Santa Monica (Etats-Unis). La cérémonie avait eu lieu en présence d’Arnold Schwarzenegger, alors gouverneur Républicain de Californie et pionnier des aides publiques aux véhicules plus propres. La jeune pousse comptait 20 salariés et beaucoup doutaient de sa capacité à produire les 100 premiers exemplaires promis. La voiture, bâtie sur un châssis de Lotus Elise, connaissait des soucis de jeunesse : transmission fragile, incendie de batterie, coûts de production délirants…
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Mon boulot au quotidien consiste à diriger une entreprise de transport spatial nommée SpaceX. Mais à côté de cela, je suis le président de Tesla Motors et j’aide à formuler le business plan et la stratégie produit avec Mark et toute l’équipe ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Vu d’aujourd’hui, cela peut paraître surprenant. Mais au début de l’aventure, Elon Musk n’était qu’un personnage secondaire pour les employés de Tesla. Certes, il en était le principal financeur, grâce à la revente de son premier site nommé Zip2 et à un astucieux placement dans la start-up qui allait devenir PayPal. Mais la gestion quotidienne était confiée aux auteurs originaux de l’idée d’une voiture sportive électrique nommée Tesla, Martin Eberhard et Marc Tarpenning. Le premier article du New York Times sur Tesla ne citait même pas Elon Musk… à son grand dépit.
Dans cette introduction, l’homme d’affaires d’origine sud-africaine réaffirmait sa confiance dans l’équipe… et rappelait qu’il a déjà investi 6 millions de dollars dans la boîte. Un bon moyen de rassurer les investisseurs et clients potentiels dont il cherchait à attirer les capitaux.
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Comme vous le savez, le produit initial de Tesla Motors est une voiture sportive électrique performante appelée Tesla Roadster. Cependant, certains lecteurs ne sont peut-être pas au courant du fait que notre plan à plus long terme consiste à créer une large gamme de modèles, y compris des voitures familiales à tarifs contenus »
L’analyse d’Automobile Propre :
Au milieu des années 2000, la création d’une gamme complète de véhicules électriques relevait encore de la science-fiction. General Motors avait vite enterré son unique projet EV1. Plus près de chez nous, Peugeot ou Renault avaient proposé quelques années plus tôt des dérivés de voitures thermiques (106, Clio…).
En écrivant ce paragraphe, Elon Musk entendait également différencier son projet d’une autre start-up alors en phase de lancement : Venturi préparait sa Fetish, supercar électrique à 300 000 euros imaginée par l’homme d’affaires monégasque Gildo Pastor. Un véhicule logiquement réservé à quelques happy few.
Verdict : promesse tenue. Tesla est devenue la marque de référence sur le marché de l’électrique avec une gamme presque complète de modèles commercialisés et accessibles aux particuliers.
À lire aussiVoilà 15 ans qu’est apparue la première Tesla RoadsterCe qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Le but fixé à Tesla Motors (et la raison pour laquelle je donne des fonds à cette entreprise) est d’accélérer la transition d’une économie basée sur des ressources minières carbonées pour aller vers une économie fondée sur l’électricité solaire ».
L’analyse d’Automobile Propre :
S’il est un point sur lequel Elon Musk n’a jamais varié (voir notre analyse du deuxième « Master Plan »), c’est celui-ci. Pour lui, Tesla n’est qu’une brique d’un projet plus vaste, visant à sortir l’économie mondiale des énergies carbonées. De plus, l’entrepreneur voyait (et voit toujours) l’électricité produite par des panneaux solaires – par opposition au nucléaire, par exemple – comme source quasi-illimitée d’énergie permettant la survie de l’espèce humaine à long terme.
Verdict : promesse pas vraiment tenue (pour l’instant). Oui, Tesla a sans doute accéléré la transition vers le véhicule électrique. Mais pour ce qui est de l’énergie solaire, il va falloir encore attendre… On en reparle plus loin.
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Presque toute technologie nouvelle a dans un premier temps un coût unitaire élevé, avant qu’elle ne puisse être optimisée. Ceci est tout aussi vrai pour les voitures électriques. La stratégie de Tesla consiste à entrer par la frange supérieure du marché, où les consommateurs sont prêts à payer davantage, puis de descendre en gamme le plus vite possible pour augmenter les volumes et abaisser les prix à chaque nouveau modèle ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Après avoir défini l’objectif, Elon Musk évoquait ici la stratégie de Tesla. Il se basait sur un postulat alors pas si évident, même dans l’univers de la tech ; celui de la descente progressive en gamme grâce aux économies d’échelle. Rappelons-nous que le dirigeant écrit à une époque où Nokia et Motorola dominaient le marché mondial du téléphone portable et que l’iPhone – qui a popularisé l’idée – ne fut présenté que cinq mois plus tard.
Ce raisonnement surtout minoritaire dans l’univers automobile, où l’obsession du volume pesait sur les capacités d’innovation : avant de se lancer dans la conception d’un nouveau moteur – par exemple – les constructeurs classiques fixaient les outils de production pour des années. Seuls les nouveaux équipements « descendaient » ainsi en gamme, à l’image de l’airbag ou de l’ABS, inaugurés sur la prestigieuse Mercedes Classe S et gagnant progressivement en popularité.
Verdict : promesse tenue. Tesla a commercialisé des véhicules toujours moins chers en déployant les Roadster, Model S, Model X puis Model 3 et Y.
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Sans en dire trop, je peux dire que le second modèle Tesla sera une berline 4-portes vendue environ à la moitié du prix de la Tesla Roadster (89 000 dollars) et le troisième modèle sera encore moins coûteux. Tout en restant une entreprise technologique à croissance rapide, tout le cash flow est ramené vers la recherche et le développement pour réduire les coûts et livrer les produits suivants sur le marché aussi vite que possible. Quand quelqu’un achète une Tesla Roadster, cette personne paye le développement de la voiture familiale à bas coûts ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Vous les reconnaissez ? Il s’agit logiquement des Model S et Model 3, même si l’entrepreneur était ici très optimiste sur les tarifs. A sa sortie, le Roadster réclamait un virement de plus de 100 000 dollars et la grande berline fût finalement commercialisée en juin 2012 aux Etats-Unis, avec un tarif en entrée de gamme de 57 400 dollars. Avant de passer au troisième modèle plus grand public, la marque dériva également le Model X de la Model S.
Elon Musk a également tenu la promesse de réinvestir : les bénéfices du Roadster et l’entrée en bourse en 2010 permirent l’acquisition de l’usine californienne de Fremont. Et le développement de la Model 3 fut financé par les résultats prometteurs des Model S et X. Accessoirement, au moment d’écrire ces lignes, Tesla était alors toujours dans le rouge, avec près de 2 milliards de dollars de pertes en 2017, année précédant le lancement de la berline familiale.
Verdict : promesse à moitié tenue. Oui, Tesla a bien développé une gamme de véhicules moins coûteux. Mais pour l’heure, le constructeur ne propose pas de voiture très accessible. Peut-être aurons-nous du nouveau le 1er mars…
À lire aussiInterview : Sébastien, un des premiers propriétaires français de Tesla Model S, 200 000 km (et une batterie) plus tardCe qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Le terme hybride, appliqué aux voitures actuellement sur le marché, est abusif. Il ne s’agit que de voitures à essence avec une petite assistance par la batterie (…) qui doit être chargée par le moteur à essence. Donc, elles ne peuvent être considérées que comme des voitures thermiques un peu plus efficientes (…). Comme le dit l’un de mes amis : un monde composé à 100 % de conducteurs de Prius reste un monde accro au pétrole ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Ici, Elon Musk tentait de contrer un argument alors dominant. Pour lui, l’avenir était électrique et non hybride. Ce qui justifiait l’existence de Tesla face à des constructeurs historiques comme Toyota ou Honda, alors considérés comme des champions de l’hybridation et peu pressés d’opérer la transition vers le « zéro émission ».
De même, d’autres jeunes pousses automobiles regardaient l’univers de l’hybride rechargeable comme prochaine frontière de l’industrie. Exemple ? La Fisker Karma, lancée quelques années plus tard.
Rappelons également le contexte de l’époque : la guerre menée par les Etats-Unis et ses alliés en Irak (Royaume-Uni, Italie…) depuis 2003 avait remis les enjeux pétroliers au premier plan de l’actualité, générant d’important clivages dans la société américaine.
Verdict : promesse tenue. Tesla a réussi à devenir le constructeur automobile avec la plus haute valeur en bourse sans jamais proposer autre chose que des voitures électriques à son catalogue.
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Je dois ajouter que Tesla Motors fera la promotion d’autres produits durables d’autres entreprises avec la voiture. Par exemple, parmi d’autres choix, nous proposerons des panneaux solaires de taille modeste de SolarCity, une entreprise spécialisée dans le photovoltaïque (dont je suis aussi le principal investisseur). Ce système peut être installé sur votre toit (…) et pourra générer jusqu’à 80 km par jour d’électricité (…). Si vous faites moins de 500 km par semaine, vous serez alors « positifs en énergie » pour vos besoins en transport ».
L’analyse d’Automobile Propre :
C’est peut-être l’une des frustrations d’Elon Musk. S’il a réussi à lancer une marque automobile et étendre l’usage du véhicule électrique, Tesla n’a finalement eu que peu d’impact sur la production globale d’électricité.
Aujourd’hui, Tesla Energies propose sur certains marchés des panneaux solaires ou des solutions de stockage, mais l’impact demeure réduit. En 2022, l’entreprise a posé des systèmes capables de générer 348 mégawatts d’électricité, soit une puissance trois fois inférieure aux réacteurs nucléaires standards en France. Nous en reparlerons un peu plus loin…
Verdict : promesse pas vraiment tenue, puisque l’impact de Tesla sur le domaine demeure réduit.
Ce qu’écrivait Musk (en 2006) :
« Donc, en résumé, le plan général est :
Admiration ou détestation pour le personnage mise à part, ce texte de trois pages est sans doute le grand chef d’œuvre d’Elon Musk. En quelques lignes, il parvient à anticiper l’envol de la voiture électrique, à définir un modèle économique unique dans l’automobile et à dessiner l’avenir de sa marque jusqu’au lancement de la Model 3 (qui a eu lieu en 2018). En dehors des solutions de production d’électricité – on en reparlera plus loin – le contrat est plus que rempli…
Titre :
« Master Plan, Part Deux »
Le contexte :
A l’été 2016, Elon Musk n’était pas dans une situation facile. Après le Roadster (2008) puis la Model S (2012), Tesla venait de lancer le grand SUV Model X et travaillait en coulisses sur le lancement de la Model 3. Un développement qui coûtait cher, très cher, d’autant que l’usine californienne de Fremont tournait en sous-capacité. Sur l’exercice 2016, Tesla perdait près de 2 millions de dollars par jour (674 millions de dollars au total, contre 889 l’année précédente) pour 84 000 véhicules livrés dans le monde (contre 1,3 million en 2022).
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« La raison pour laquelle j’ai fait l’étape 1 était que c’était tout ce que je pouvais me permettre avec l’argent que j’avais généré avec PayPal. Je pense que nos chances de succès étaient si faibles que je ne voulais pas risquer les fonds de quelqu’un d’autre. La liste des start ups automobiles est courte. En cette année 2016, le nombre de constructeurs automobiles américains n’ayant jamais fait faillite se monte au total flamboyant de deux : Ford et Tesla. Démarrer un nouveau constructeur est idiot et un constructeur de voitures électriques, c’est de l’idiotie au carré ».
« De même, être un petit constructeur induit une usine plus petite, plus simple, où la plupart des opérations sont réalisées à la main. Sans économies d’échelle, tout ce que nous pouvions produire serait coûteux, que ce soit une berline efficiente ou une voiture de sport. Alors que certains étaient prêts à payer beaucoup pour une voiture de sport, personne ne voulait payer 100 000 dollars pour une Honda Civic électrique, peu importe si elle était très belle ».
« Une partie des raisons pour lesquelles j’ai écrit le premier Master Plan était pour nous défendre contre les attaques inévitables sur le fait que Tesla ne voulait faire des voitures que pour les riches (…). Malheureusement, ce billet n’a pas stoppé ces nombreuses attaques, donc l’objectif n’a pas été atteint ».
« Le but était d’expliquer en quoi nos actions étaient une partie d’un ensemble plus grand, afin qu’elles soient perçues comme moins irrationnelles. Le but était, et reste, d’accélérer les progrès des énergies renouvelables afin que l’on puisse s’imaginer un futur lointain et que la vie soit toujours agréable. C’est cela que veut dire « durable ». Ce n’est pas un truc stupide d’hippy – ça concerne tout le monde. Par définition, nous devons atteindre à un moment donné une économie fondée sur l’énergie durable ou bien nous n’aurons plus de pétrole à bruler et la civilisation s’effondrera. Etant donné que nous devrons de toute manière nous passer des carburants fossiles et que presque tous les scientifiques s’accordent sur le fait que les niveaux de carbone dans l’atmosphère ou dans les mers sont fous, plus nous serons rapidement durables, mieux c’est ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Ce (long) préambule rédigé par Elon Musk avait une qualité. Il rappelait la raison d’être de Tesla (« Le but était, et reste, d’accélérer les progrès des énergies renouvelables ») et évoquait les difficultés rencontrées pendant la décennie précédente.
Après avoir écarté les fondateurs Martin Eberhard et Marc Tarpenning, Elon Musk avait connu des heures difficiles. Il a notamment été contraint d’adapter l’outil de production – jusqu’ici livré au montage d’une chaîne de puissance électrique sur un châssis préexistant – à des contraintes et des volumes plus importants pour le lancement de la Model S, première voiture 100 % maison. Après avoir envisagé la construction d’un site à Albuquerque (Nouveau-Mexique) puis d’une usine ex-nihilo à San José (Californie), le choix s’était finalement porté sur le rachat de l’assemblage de Fremont, jusqu’ici piloté par une co-entreprise General Motors/Toyota.
Ceci justifiait à ses yeux les « retards » dans son premier plan, le coût final plus élevé que prévu de ses véhicules, mais aussi les pertes importantes essuyées par le constructeur. Rappelons que Tesla Motors (son nom de l’époque) était entré en bourse en 2010, notamment pour autoriser le rachat de Fremont. Dès lors, Elon Musk devait justifier ses actions (et ses résultats nets) auprès de petits et de gros porteurs…
En passant, il taclait les constructeurs américain historiques comme General Motors et Chrysler, qui avaient bénéficié de la protection de l’Etat fédéral après leur faillite partielle en 2009-11 sans remettre fondamentalement en cause leur modèle économique.
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« Intégrer la production d’énergie et le stockage »
« Créer un produit panneau-solaire-et-batterie qui s’intègre et fonctionne bien (…) et lui donner une ampleur mondiale. Une seule commande, une installation, un seul contact pour l’après-vente, une seule application mobile. On ne peut pas réaliser cela si Tesla et SolarCity sont des entreprises différentes. Voilà pourquoi nous devons les fusionner et effacer les barrières inhérentes à leur séparation. Le fait qu’elles soient séparées, même si elles participent au même objectif d’énergie durable, est principalement un accident de l’histoire. Maintenant que Tesla est à même de généraliser Powerwall et que SolarCity est en mesure de fournir des panneaux à forte valeur ajoutée, le temps est venu de les rapprocher »
L’analyse d’Automobile Propre :
Ici, Elon Musk prenait acte de l’échec de ses plans (expliqués dans le premier master plan) concernant la production d’électricité. Il explicitait également les raisons du rachat de SolarCity – annoncé la veille de la publication.
L’affaire n’était pas une bagatelle : Tesla – via un échange d’actions à 2,6 milliards de dollars – prenait le contrôle de cette entreprise de pose de panneaux solaires fondée en 2006 par le cousin de Musk, Lyndon Rive. Elle comptait 12 000 salariés. L’opération pouvait faire grincer des actionnaires au moment où Tesla engloutissait 2 millions de dollars par jour.
Dans le texte, le boss de Tesla expliquait que les développements des solutions de production de panneaux solaires, de stockage dans des batteries domestiques et de déploiement des véhicules électriques étaient donc liés et répondaient à l’objectif commun de développement des énergies renouvelables. Et il comptait bien se servir du levier de la voiture électrique pour encourager l’adoption des panneaux solaires chez ses clients…
Verdict : promesse tenue mais… Les solutions Powerwall (stockage d’électricité pour les particuliers) et SolarCity (pose de panneaux solaires sur les toits) ont effectivement été fusionnées sous l’appellation Tesla Energy. S’y est ajoutée la commercialisation de moyens de stockage pour les entreprises et les collectivités. Mais le déploiement de tous ces produits reste restreint à l’échelle mondiale. En 2022, le chiffre d’affaires de la filiale s’élevait à 3,9 milliards de dollars, soit 5 % des revenus mondiaux de la maison-mère.
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« S’étendre pour couvrir toutes les formes majeures de transport terrestres »
« Aujourd’hui, Tesla ne répond aux besoins que de deux petits segments de berlines et de SUV. Avec notre Model 3, un futur SUV compact et un nouveau genre de pick-up, nous prévoyons de couvrir l’ensemble du marché. Un véhicule moins coûteux que la Model 3 ne sera vraisemblablement pas nécessaire, en raison de la troisième partie explicitée ci-dessous ».
L’analyse d’Automobile Propre :
Ici aussi, Elon Musk jouait les pompiers. Il souhaitait rassurer sur la capacité de la marque à effectivement lancer une gamme complète de véhicules… et appâtait le lecteur pour une troisième partie (détaillée ci-dessous).
Par ailleurs, il était ici victime d’un tropisme américain. Aux Etats-Unis, une Tesla Model 3 de 4,69 m de longueur est considérée comme une berline de taille moyenne. En Europe ou en Asie, nous sommes habitués à des véhicules nettement plus compacts. La nécessité d’une Tesla Model 2 ne lui paraissait donc pas évidente.
Verdict : Promesse tenue, mais… Les Model 3, Y et bientôt Cybertruck ont vu ou verront le jour. Mais l’offre Tesla ne couvre pas (encore ?) l’ensemble des besoins mondiaux.
À lire aussiPlus que millionnaire, Tesla explose les compteurs de ventesCe qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« Ce qui est vraiment essentiel pour accélérer un futur durable, c’est d’augmenter aussi rapidement que possible notre production. C’est pourquoi nos équipes d’ingénierie ont basculé massivement vers la conception de l’outil de production, faisant de notre usine même un produit. Une première analyse des moyens de production automobile suggère qu’une multiplication de 5 à 10 de nos volumes est possible dès un troisième cycle sur une trajectoire de deux ans. La chaîne de production de la Model 3 doit être pensée comme une version 0.5, avec une version 1 probablement en 2018 »
L’analyse d’Automobile Propre :
Pour devenir rentable, le modèle économique prôné par Tesla avait besoin d’une progression ultra-rapide des livraisons, afin de générer des fonds et de conquérir immédiatement des parts de marché.
Or, l’industrie automobile était sceptique devant la capacité de la marque alors dotée d’un seul site d’assemblage final (Fremont, en Californie) à faire croître au même rythme ses capacités. Ici, Elon Musk affirmait que l’outil industriel pouvait croître à des vitesses jusqu’ici inconnues, notamment à l’occasion du lancement de la Model 3. Celui-ci a eu lieu en 2018 pour le marché américain et non en 2017 comme annoncé initialement.
Verdict : promesse tenue. Malgré les difficultés d’approvisionnement et un marché atone en raison de la pandémie de Covid-19, Tesla a multiplié par 17 sa production en six ans. Pour cela, il a également fallu ouvrir de nouveaux sites d’assemblage final à Shanghai (Chine), Austin (Etats-Unis) et Berlin (Allemagne). Et la qualité des véhicules livrés a parfois laissé à désirer, notamment dans les phases de lancement.
Livraisons Tesla dans le monde
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« En plus de ces véhicules individuels, deux autres types de véhicules sont nécessaires : un poids-lourd et une solution de transport urbain pour des passagers. Ils sont au début de leur développement chez Tesla et devraient être prêts pour une présentation l’an prochain. Nous pensons que le Tesla Semi devra offrir une réduction substantielle des coûts de transport tout en augmentant le niveau de sécurité et en le rendant fun à utiliser »
« Avec l’avènement de l’autonomie, réduire la taille des bus aura du sens, tout comme la transition du rôle de chauffeur de bus en gestionnaire de flotte. Les embouteillages devraient se réduire grâce à la densité accrue en passagers en éliminant le couloir central et en mettant des sièges là où se trouvent normalement les entrées. En calquant son accélération et son freinage sur celle des autres usagers de la route, nous éviterions les inerties qui génèrent les bouchons derrière les bus. L’engin pourrait aussi amener les gens directement à leur destination finale. Des boutons d’appel situés aux arrêts actuels permettraient de maintenir le service pour ceux qui n’ont pas de téléphone. Nos études prennent en compte les fauteuils roulants, les poussettes et les vélos »
L’analyse d’Automobile Propre :
Le Tesla Semi a effectivement été dévoilé le 16 novembre 2017, seize mois après cette publication. Mais les premières livraisons du camion ont eu lieu fin 2022, notamment auprès du groupe PepsiCo. La viabilité du projet – lié en grande partie au déploiement des Megachargers – est encore à démontrer.
Pas de trace en revanche du robotaxi/mini-bus dessiné dans ces lignes au cours de cette année 2017. Mais le projet existe toujours en interne, a récemment rappelé Elon Musk, à l’occasion d’une conférence téléphonique avec des investisseurs : « Il sera optimisé pour la conduite autonome – cela veut dire qu’il n’y aura ni volant, ni pédale (…). Le produit sera fondamentalement optimisé pour atteindre un coût par km le plus faible possible ». Le patron a également annoncé une présentation en 2023 et un lancement en 2024. Sera-t-il la grande révélation du 1er mars ?
Verdict : le poids-lourd Semi arrive sur la route et le robotaxi sera bientôt présenté. Le calendrier, en revanche, n’a vraiment pas été tenu…
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« Alors que la technologie mûrit, tous les véhicules Tesla auront les équipements (hardware dans le texte en anglais, ndlr.) nécessaires pour être pleinement autonomes (self-driving) avec la capacité à être opérationnels en cas de panne (fail-operational capability). Cela signifie que si un système de la voiture est défaillant, elle sera capable de conduire elle-même en toute sécurité. Il est important de souligner que perfectionner et valider les logiciels prendra plus longtemps que d’installer les caméras, radars, sonars et les capacités informatiques »
« Même une fois que le logiciel sera très sophistiqué et bien meilleur qu’un conducteur humain, il y aura encore un temps important (significant time gap), variant énormément en fonction des Etats, avant que la vraie conduite autonome ne soit autorisée par les régulateurs. Nous estimons que cette autorisation mondiale interviendra lorsque l’on aura atteint la barre des 6 milliards de miles (10 milliards de km). Aujourd’hui, le niveau d’apprentissage des flottes est juste au-dessus de 3 millions de miles (5 millions de km) par jour »
L’analyse d’Automobile Propre :
Ici, Elon Musk soufflait le chaud et le froid. Oui, ses véhicules seront bien prêts pour le jour où les Etats donneront le go à la conduite autonome massive. Mais il rappellait aussi que ceci n’interviendrait pas tout de suite, même si le quota de kilomètres évoqué à la fin de ce paragraphe a été à ce jour atteint.
Rappelons où nous en sommes aujourd’hui concernant l’autonomie des véhicules : Mercedes vient d’homologuer un système de niveau 3, dont l’usage en Europe est très restreint. Ford et Volkswagen ont réduit leurs investissements.
Côté Tesla, le mode « FSD » (full self driving) en est à sa version 11. Il est utilisé par certains testeurs aux Etats-Unis en attendant une déclinaison européenne. Il se présente sous la forme d’un « ordinateur de conduite entièrement autonome » et non comme une « voiture autonome ».
Verdict : il n’y a avait pas vraiment promesse ici… mais les progrès de l’autonomie semblent plus lents qu’espéré par Elon Musk.
À lire aussiTesla : la vidéo de promotion de l’Autopilot en 2016 serait un fakeCe qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« Une fois que l’autonomie complète (true self-driving) sera validée par les régulateurs, cela voudra dire que vous pourrez faire venir votre voiture d’à peu près n’importe où. Une fois que vous monterez à bord, vous pourrez dormir, lire ou faire ce que vous voulez sur la route de votre destination »
« Vous serez également en mesure d’ajouter votre véhicule à la flotte d’autopartage Tesla en appuyant sur un bouton sur l’application Tesla. Votre voiture générera un revenu pour vous pendant que vous travaillez ou pendant que vous êtes en vacances, compensant voire dépassant le coût de location. Ceci amenuise énormément le coût de propriété jusqu’à un point où presque tout le monde pourra posséder une Tesla. Etant donné que la plupart des voitures ne sont utilisées que 5 à 10 % du temps sur une journée, l’utilité économique d’une voiture autonome sera probablement démultiplié par rapport à un véhicule qui ne possède pas cette fonction »
« Dans les villes où la demande dépasse l’offre de véhicules possédés par des particuliers, Tesla opérera sa propre flotte, assurant que vous pourrez toujours commander un trajet, peu importe où vous êtes »
L’analyse d’Automobile Propre :
C’était peut-être la proposition la plus spectaculaire du deuxième master plan : ici, Elon Musk envisageait la création d’une flotte de robotaxis. Celle-ci s’appuie sur les propriétaires de Tesla « prêtant » leurs véhicules autonomes lorsqu’ils ne sont pas à bord.
Ce faisant, il anticipait un monde où les propriétaires de Tesla verraient le coût de leur véhicule effacé par ce mécanisme.
Ceci avait deux conséquences concrètes :
D’abord, Tesla n’avait pas besoin de commercialiser un véhicule moins coûteux que la Model 3, alors en gestation.
Ensuite, toute la chaîne de création de valeur de l’automobile allait être transformée par l’autonomie. En plus de constructeur, Tesla pouvait devenir un « super-Uber », dominant le marché de la mobilité individuelle.
Verdict : promesse non tenue, mais… Conséquence logique des progrès ralentis de la voiture autonome, cette idée demeure – pour l’instant – lettre morte. Mais est-elle pour autant à rejeter à long terme ? Automobile propre n’a pas le don de lire dans le futur…
Ce qu’écrivait Elon Musk (en 2016) :
« Donc, en résumé, Master Plan Part Deux, c’est :
Le bilan est ici nettement plus contrasté. Tesla a réussi à la surprise générale à réaliser la quasi-totalité de son premier master plan. Le deuxième volet donne davantage un goût d’inachevé, notamment en se heurtant à la question de la production d’électricité ou à la progression très lente de l’autonomisation des véhicules.
A sa décharge, Elon Musk n’a eu que sept ans et demi (contre 10 ans) pour réaliser son « programme ». De plus, Tesla, comme l’ensemble de l’industrie automobile, a subi les effets de la pandémie de Covid-19 et des pénuries de pièces.
N’empêche. Ce document demeure une fenêtre inestimable sur l’activité se déroulant dans la cervelle de l’entrepreneur qui a popularisé la voiture électrique. Et sa relecture met l’eau à la bouche à l’approche de la présentation du troisième master plan. Que va-t-il nous promettre cette fois ?La suite de votre contenu après cette annonce
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