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A part la pionnière Nissan Leaf, seriez-vous capable de citer une autre voiture électrique japonaise ? Pas sûr que si l’on posait cette question à l’homme de la rue, celui-ci puisse répondre spontanément, même en étant un peu au fait de l’actualité automobile.
Que se passe-t-il au Japon avec la voiture électrique ? Dans un pays où la culture automobile et celle de l’innovation sont pourtant plutôt bien ancrées, comment se fait-il que l’industrie locale ait pris un tel retard dans l’électrification, là où même les américains, réputés assez conservateurs, possèdent les marques et les modèles parmi les plus répandus et performants du secteur ?
Il y a probablement plusieurs raisons à cela. Tentons d’y voir un peu plus clair. Mais avant, petit focus sur les forces en présence. Vous verrez que si les rangs ne sont pas aussi clairsemés que l’on pourrait le penser de prime abord, le choix n’est pas non plus très large. En fait, l’offre de voitures électriques japonaises disponibles sur le marché français en 2025 se compte pratiquement sur les doigts d’une main. Parmi les plus « connues » (ou les moins inconnues) on retrouve la Toyota bZ4X, la Nissan Ariya, la Subaru Solterra, ou encore la Lexus UX 300E. Et encore, deux parmi ces dernières figurent parmi les plus gros flops en termes de ventes, avec une diffusion tellement confidentielle qu’elles sont pratiquement inexistantes sur le marché. Côté efficience, autonomie et vitesse de recharge, si la Nissan Ariya s’en sort pas trop mal, cela s’avère assez décevant pour le Toyota bZ4X, a fortiori en regard de son tarif. Au passage, on se demande pourquoi Nissan, précurseur dans l’électrique, n’a pas équipé son Ariya de l’e-pedal tant apprécié par les possesseurs de Leaf. Mystère aussi autour de la très sympathique Mazda MX-30, dont l’autonomie catastrophique (environ 200 km et à peine 150 sur autoroute) a littéralement compromis son succès et limité celle-ci à de petits trajets urbains, ce qui n’a pas vraiment de sens pour un engin finalement assez gros et au confort de grande routière.
Toyota, par exemple, a longtemps refusé de considérer le VE comme l’avenir de l’automobile, et s’est longtemps appuyé sur leur expertise en matière de véhicules hybrides. Le modèle Prius, lancé par Toyota en 1997, a été un pionnier dans ce domaine. La marque a vendu des millions d’exemplaires à travers le monde, consolidant ainsi sa position de leader dans la technologie hybride. En effet, aujourd’hui, les immatriculations de modèles hybrides représentant désormais 32% du marché européen des voitures neuves, contre 25% l’année passée. Un segment en forte croissance, notamment en France, en Espagne et en Italie. La complaisance due à cet énorme succès semble avoir freiné l’innovation vers les VE, car l’entreprise estime avoir déjà trouvé une solution efficace pour diminuer les émissions sans aller entièrement vers l’électrique. Aux États-Unis, plus de 60% des hybrides vendus aux États-Unis proviennent de Toyota. Une réussite qui a rendu le constructeur japonais réticent à abandonner une technologie qu’il maîtrise totalement et qui lui a apporté tant de succès commerciaux, dans un monde qui ne jure aujourd’hui plus que par l’électrique. Pendant ce temps, le créateur de la Nissan Leaf s’insurge contre cette course à l’hybride. Allez donc y comprendre quelque chose.
Tous les spécialistes du secteur sont désormais d’accord sur le fait que l’hydrogène n’a aucun avenir dans la voiture particulière. Pourtant, Toyota a investi massivement dans la recherche et le développement des piles à hydrogène, un investissement qui ressemblerait presque à de l’acharnement, surtout quand on voit le résultat désastreux en termes de ventes, et la déception des (rares) propriétaires de Toyota Mirai. Cela étant, Toyota travaille aussi sur les batteries à état solide, qui pourraient redistribuer les cartes dans le secteur automobile grâce à ses promesses de densité énergétique supérieure, de sécurité accrue et de plus grande durabilité. Résultat, chez le leader nippon, l’électrique n’a même pas représenté 1% des ventes en 2023…
Par ailleurs, le gouvernement japonais a largement subventionné la recherche et le développement des technologies alternatives comme l’hydrogène. Les sommes investies dans ces secteurs témoignent de l’espoir mis dans une économie basée sur l’hydrogène plutôt que sur l’électricité via batterie. Ce soutien formel oriente naturellement les constructeurs à aligner leurs stratégies de R&D avec les priorités nationales.
Enfin, il y a le contexte de l’industrie pétrolière et des brevets. Les constructeurs japonais avaient pourtant été les premiers à développer des VE, comme la Honda EV Plus lancée en 1997. Mais l’acquisition du brevet des batteries NiMH par le groupe pétrolier Chevron, qui a intenté des procès contre Toyota et les fabricants de batteries pour véhicules électriques, a conduit à l’abandon de ces programmes.
Au Japon, les infrastructures pour les voitures électriques restent limitées comparativement à celles des autres pays développés. L’approvisionnement en électricité pour répondre à une demande massive de VE constitue également un défi. En effet, le réseau électrique japonais, bien que très fiable, n’est pas forcément optimisé pour des charges rapides et fréquentes requises par une flotte importante de voitures électriques. De plus, une grande partie des ménages japonais vit dans des configurations urbaines telles que des appartements où la mise en place de stations de recharge individuelles reste difficile. Cela explique en partie pourquoi les Japonais préfèrent encore largement les solutions hybrides ou les transports en commun bien développés. Le coût exorbitant de l’infrastructure nécessaire pour supporter une conversion massive aux VE dissuade aussi bien les consommateurs que le gouvernement.
Alors que beaucoup critiquent la lenteur des constructeurs japonais, ceux-ci semblent vouloir nous dire que l’innovation envers et contre tout et dans la précipitation n’est pas synonyme de succès pérenne. Ils sont probablement en train de jouer une carte prudente, en attendant des percées technologiques ou des conditions de marché plus favorables pour déployer leurs technologies avancées. Cette stratégie pourrait soit retarder leur entrée sur le marché VE, soit leur permettre de faire une entrée fracassante avec des solutions réellement avancées et optimisées pour les consommateurs. Mais ce ne sont que des conjectures, et rien de démontre aujourd’hui que le retard des japonais dans l’électrique ne soit rien d’autre qu’un… retard sans véritables motivations stratégiques.
Cela étant, face à la pression internationale, les constructeurs japonais semblent toutefois prendre conscience de la nécessité de s’adapter au marché du VE. Toyota a ainsi annoncé le lancement de six nouveaux modèles électriques d’ici 2026. Honda, de son côté, a présenté sa nouvelle gamme de VE, la série Honda 0, dont la production est prévue pour 2026. Nissan s’est engagé à ne vendre que des véhicules électriques en Europe d’ici 2030. Les constructeurs japonais investissent également massivement dans des usines de batteries, afin de devenir autonomes dans ce domaine. Il est possible que des alliances entre constructeurs japonais et les fabricants de batteries, comme Panasonic, donnent des résultats probants, sans parler de cette fusion en cours entre Honda, Nissan et Mitsubishi, qui laisse les analystes assez circonspects. Étonnamment, aux États-Unis, pays ou la voiture électrique représente encore une part de marché très faible, le très élégant Honda Prologue, un SUV électrique de taille moyenne, surprend par son succès phénoménal. Honda avait déjà marqué son territoire dans l’électrique avec la petite Honda e, trop chère, aux ventes également confidentielles, et dont la production a été très vite stoppée.
Néanmoins, la concurrence est féroce, notamment face à des constructeurs chinois comme BYD, qui lancent de nouveaux modèles à un rythme effréné. Certains observateurs s’interrogent sur la capacité des constructeurs japonais à rattraper leur retard. Les constructeurs japonais ont calculé le moment exact où il fallait se lancer sur le marché du VE, mais il est possible que ce soit trop tard car les concurrents n’ont pas attendu.
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