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Les voitures électriques sont souvent bardées de technologies et de fonctionnalités avancées. Mais est-ce réellement utile ?
La technologie constitue une part importante de l’ADN des voitures électriques. A l’instar de Tesla, qui a ouvert le bal, certaines sont même conçues et développées d’abord autour du logiciel, auquel on adjoint ensuite des roues, une batterie et un ou deux moteurs. Ce qui vaut à ce type de véhicule le sobriquet de tablette roulante ou d’ordinateur sur roue. C’est peut-être flatteur pour certains, mais en fait c’est souvent entendu dans un sens quelque peu péjoratif.
Les constructeurs, notamment dans le segment haut de gamme, ont fait le choix d’investir massivement dans des technologies coûteuses pour justifier des prix élevés. Cette stratégie, héritée d’un modèle traditionnel où l’innovation se dévoile d’abord dans les modèles de luxe avant de se démocratiser, s’avère rentable tant que les consommateurs sont prêts à payer pour un confort et une connectivité inédits.
De fait, nous nous sommes habitués au fait que la grande majorité des voitures électriques sont avant tout des concentrés de technologie et de connectivité, puisque celles-ci sont consubstantielles à ce mode d’énergie, et nécessaires à de nombreuses fonctionnalités. Ne serait-ce que pour recharger, la borne a besoin de communiquer avec la voiture afin de récupérer et analyser les données de la batterie, et gérer la charge, a fortiori dans le cas ou le Plug and Charge est opérationnel. C’est également le cas du planificateur d’itinéraire avec toutes les connexions que celui-ci exige pour son bon fonctionnement (batterie, GPS, odomètre, météo…).
Il y a donc dans une voiture électrique toute une armada de technologies qui sont tout simplement indispensables à son fonctionnement.
Soit. En bon geek qui se respecte, qui s’intéresse de près à l’innovation et qui aime jouer avec différents gadgets, je ne vais pas m’en plaindre.
Et pourtant ! Tout à leur enthousiasme digital, les constructeurs n’en ont-ils pas fait un peu trop ? Je veux dire, est-ce que certaines innovations sont réellement pertinentes, voire même tout simplement utiles. Allons plus loin : certains de ces équipements ne sont-ils pas contre-productifs, voire néfastes en termes d’ergonomie, de sécurité… et de coût ?
Prenons par exemple les différentes commandes à la disposition du conducteur. Même si la présence d’un grand écran tactile est désormais acquise et s’avère pratique et confortable dans la plupart des cas pour l’affichage de l’information, est-il vraiment pertinent de rassembler dans celui-ci toutes les fonctionnalités courantes que l’on active, règle et désactive très fréquemment à bord quand conduit ? Je parle des commandes de climatisation (froid, chaud, désembuage, dégivrage…), des essuie-glaces, du réglage du volume et autres options de l’audio, d’ouverture de la boite à gants ou encore le chauffage du siège. En fait, tout ce que vous pouvez ou devez faire sans quitter la route des yeux, d’un geste instinctif, au toucher.
On sait que les constructeurs, toujours dans le sillage de Tesla, ont compris que réunir toutes ces commandes dans une tablette fixée – ou plus ou moins bien intégrée – à la planche de bord, présentait deux avantages : renvoyer une image de modernité et de savoir-faire dans la gestion du minimalisme, mais surtout, faire des économies en raccourcissant au passage la liste des sous-traitants et autres équipementiers.
C’est beau, mais cette approche pose quand même quelques problèmes. Tout d’abord, en termes d’ergonomie, on a tendance à mélanger sur une même surface l’affichage d’informations, qui consiste seulement à faire apparaitre à l’écran des données utiles à la conduite qui se consultent simplement d’un regard sans interactions physiques, et les gestes que l’on peut faire pour lancer ou régler une fonction de la voiture. Deux types d’interactions qui peuvent s’entendre sur un smartphone, un peu moins au volant d’une voiture.
D’autre part, ce tout écran ne devrait pas seulement consister à installer un « iPad » sur le tableau de bord, mais nécessite en principe une intégration bien plus profonde de l’informatique dans la voiture, pensée par des armées de développeurs de haut rang, ce qui semble ne pas toujours être le cas, comme en témoignent certains retours d’utilisateurs avec des marques de Stellantis ou encore Volkswagen. On voit d’ailleurs que l’intégration n’est pas optimale quand une mise à jour OTA (par internet) ne fait évoluer d’un point de vue visuel ou ergonomique qu’une partie du système, et ne s’applique par exemple pas à l’écran face conducteur, mais seulement à la tablette centrale.
Enfin, en concentrant tout sur un écran, le constructeur s’expose au risque de panne « générale » au cas où celui-ci viendrait à bugger. Imaginez que toute votre maison dépende d’un seul ordinateur, et que celui-ci vous gratifie régulièrement d’un proverbial BSOD [*] si apprécié à une époque des utilisateurs de Windows…
Ça c’est pour la partie infodivertissement au sens très large.
Mais il y a bien plus encore. Tout à leur passion pour la technologie, et suivant cette sorte de doxa selon laquelle une électrique est forcément le prolongement de votre smartphone jusque dans ses moindres recoins, les constructeurs se sont un peu enflammés à blinder leurs productions de gadgets souvent inutiles, voire pénibles à utiliser. Je vous passe les boutons de clignotants sur le volant des Tesla (qui semble d’ailleurs faire marche arrière sur la nouvelle version du Model Y et certainement de la Model 3 à venir), les touches haptiques ici ou là qui génèrent régulièrement des actions non désirées (comme couper le son alors qu’on effleure juste le volant dans un virage) ou encore la nécessité de fouiller dans les menus pour dégivrer la lunette arrière. Sans parler de l’annulation des alertes de sécurité des systèmes d’aide à la conduite (très mal nommée) à chaque démarrage. J’ai compté : dans une BYD Seal c’est exactement 9 taps sur l’écran chaque fois que je m’assois derrière le volant. Vous n’avez pas intérêt à oublier de le faire avant de partir sinon c’est mort jusqu’au prochain arrêt. Certes il y a parfois des raccourcis mais ils sont parfois tellement fastidieux à programmer que vous repoussez chaque fois à la prochaine utilisation.
Quant aux voitures bardées d’écrans, incluant notamment cette très dispensable dalle en face du passager avant, est-ce vraiment ce que demande l’électromobiliste ? Pas sûr. Et je ne vous parle pas des systèmes de conduite autonome, qui sont imposés par certains constructeurs alors qu’une partie de leur clients n’en ont cure et ne les utilisent certainement pas très souvent. Est-ce vraiment indispensable, à part pour entretenir une guerre d’égos entre marques ? Ne serait-il pas plus judicieux de proposer des versions moins chères qui laissent le conducteur conduire ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Les constructeurs blindent leurs modèles de fonctionnalités digitales dans une espèce de course à la modernité, alors qu’au final il semblerait que les consommateurs appellent de leurs vœux des voitures plus simples, ergonomiques et fonctionnelles, et sans gadgets et fonctions inutiles. Il serait peut-être alors intéressant de se demander si la sobriété tant évoquée quand on parle de transports ne pourrait pas aussi être appliquée aux équipements des voitures électriques, afin – et c’est le nerf de la guerre – que celles-ci coûtent un peu moins cher ?
Car il y a là aussi une question de coût et de maintenance, et si la sophistication technologique peut séduire, elle n’est pas sans inconvénients :
Peut-être finalement qu’une grande partie des automobilistes se contenteraient d’une voiture électrique « analogique » et un peu rustique, proposant évidemment l’essentiel et la base des équipements nécessaires et obligatoires, mais délaissant le superflu. Je suis même convaincu depuis longtemps que le constructeur qui proposerait des modèles avec un joli habitacle offrant un cockpit bien intégré avec un mix parfaitement équilibré entre boutons physiques et commandes tactiles, assorti d’un « vrai » tableau de bord muni de cadrans ronds (à affichage digital ou pas) aurait certainement son petit succès. Il n’est pas là question de régression ou de low cost, mais de revenir à des basiques, pour le bien de tous, autant du point de vue financier que fonctionnel.
Une marque comme Porsche, très sensible au respect de son héritage, semble avoir intégré cette approche dans le tableau de bord de ses Taycan et Macan EV, et même de la toute dernière version de la 911, sans sacrifier au tout tactile ni aux dalles géantes (même s’ils ont inauguré la mode de l’écran face passager, en option évidemment). Mais cela reste une sorte d’exception, et vu le positionnement tarifaire de la marque, on ne peut pas considérer que ce soit vraiment représentatif. Renault semble également faire un effort de frugalité, notamment avec la Megane E-Tech et surtout la R5 E-Tech.
Alors, sera-t-il possible de revenir à des choses simples dans un marché où l’innovation technologique semble régner en maître ? Peut-on imaginer que, dans un avenir proche, les constructeurs osent rompre avec la logique de la surcharge technologique pour proposer des véhicules épurés, axés sur la praticité, la simplicité et le plaisir de conduire ? Avons-nous vraiment besoin d’un véhicule qui se transforme en salle de cinéma ambulante, ou est-ce que l’essence même de la mobilité réside dans la simplicité, dans l’harmonie entre l’homme et la machine ? Si l’on se remémore les grandes heures de l’automobile, on se souvient de voitures qui, malgré leur manque de technologies superflues, ont su marquer leur époque par leur design épuré et leurs performances exceptionnelles.
Revenir à des choses simples ne signifie pas renoncer à l’innovation. Au contraire, il s’agit de redéfinir ce que l’innovation doit être : une innovation qui sert avant tout le plaisir de la conduite, qui allège le véhicule pour mieux libérer ses performances, et qui, en fin de compte, rend la mobilité électrique accessible à tous, sans compromis sur l’essence même de l’expérience automobile.
[*] BSOD = « Blue Screen Of the Death » ou « Écran Bleu de la Mort ».
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