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Cela commence à se savoir, rien ne va plus dans l’industrie automobile européenne. Et, bien sûr, cela inclut notre sujet de prédilection, la voiture électrique.
Nous avions récemment tenté d’identifier les points de frictions qui existent encore dans le secteur, et qui freinent probablement un développement régulier du secteur de la voiture électrique. Mais, au-delà de ces résistances, il y a d’autres phénomènes, davantage liés à l’économie, et même parfois à la politique – voire à la géopolitique -, qui entrent dans l’équation, et qui interrogent. Entre l’explosion des normes environnementales, la méfiance croissante des consommateurs, et la concurrence féroce des acteurs chinois, le secteur est en pleine mutation. Si l’électrification semblait initialement représenter une bouée de sauvetage, elle est aujourd’hui au cœur des débats, divisant constructeurs, législateurs et utilisateurs. Que se passe-t-il réellement dans les coulisses de cette crise ? En réalité, c’est tout un écheveau de causes qui, accumulées, font que le secteur de l’automobile traverse une violente zone de turbulences. Essayons d’y voir un peu plus clair.
L’Union européenne a imposé un calendrier serré pour l’électrification, avec l’interdiction des ventes de véhicules thermiques prévue pour 2035. Pourtant, cette ambition se heurte à une réalité complexe. Les constructeurs doivent jongler avec une avalanche de normes, souvent perçues comme déconnectées des capacités industrielles et des attentes des consommateurs.
Depuis 2020, les objectifs de réduction des émissions de CO₂ se sont intensifiés. Résultat : des investissements massifs dans la recherche et le développement, mais aussi une explosion des coûts de production. Pour les consommateurs, le prix élevé des véhicules électriques reste un frein majeur. Le coût moyen d’une voiture électrique neuve en Europe dépasse les 40 000 €, un montant inabordable pour de nombreux ménages, surtout dans un contexte d’inflation généralisée.
L’Union Européenne est aussi accusée de vouloir aller trop vite, et de mettre la charrue électrique avant les bœufs thermiques, au lieu de laisser le marché s’organiser. Résultat, les consommateurs sont atteints par l’attentisme, puisque les voitures électriques sont considérées encore trop chères, et qu’il reste 10 ans pour y passer de force. Dans ce climat de défiance généralisée, on pourrait même assister à une réaction qui consisterait à ce que les européens attendent le dernier moment fin 2034 pour acheter une voiture thermique qu’ils feraient durer vingt ans. Sauf si bien sûr, d’ici là, les quatre conditions idéales du développement massif de l’électrique étaient réunies : des voitures à moins de 30 000 euros avec une autonomie à quatre personnes sur autoroute de 500 km, un temps de recharge de 10 à 80% en moins de 10 minutes et des bornes de recharge sur toutes les places de tous les parkings d’habitat collectif. Nous avons 10 ans pour que ces souhaits se réalisent, c’est possible mais il ne faudra pas traîner en route…
Autre reproche fait à la bureaucratie européenne, celle d’avoir créé un immense appel d’air pour les constructeurs chinois en imposant un calendrier aussi serré pour le passage à l’électrique, alors que l’industrie européenne n’était pas encore prête pour la mutation, ou n’a pas fait le nécessaire pour l’être.
Enfin, concernant l’autonomie et le poids des voitures électriques, nous sommes dans une équation à deux variables qui semblent pour le moment incompatibles, et qui créent aussi de la confusion dans l’esprit des non-initiés : il faut faire des voitures légères, ce qui suppose des batteries plus petites. Oui mais qui dit batteries plus petites dit autonomie moindre. Or le consommateur lambda veut d’abord de l’autonomie, et se soucie peu du poids. C’est la quadrature du cercle, version électromobile.
Et du coup, c’est une situation qui alimente une certaine méfiance. En octobre 2024, les ventes de véhicules électriques n’ont progressé que de 2,4 % sur un an en Europe, contre… 54 % en Chine. Les acheteurs potentiels hésitent face à des infrastructures de recharge encore insuffisantes et à des incertitudes sur la valeur résiduelle des véhicules.
Face à ces défis, certains constructeurs européens revoient leur stratégie, ralentissant leurs ambitions électriques. Stellantis, par exemple, a récemment annoncé une réduction de ses investissements dans les VE, tandis que Volkswagen réévalue ses objectifs de production. Mais ils ne sont pas les seuls. La plupart des grands groupes européens revoient leurs ambitions conquérantes dans l’électrique à la baisse, qu’il s’agisse de Porsche, Mercedes, Ford, Audi et même Lotus. Ces reculs, motivés par des résultats financiers décevants, envoient un signal contradictoire au marché, fragilisant encore davantage la transition. Des reculs, ou en tout cas des coups d’arrêt étonnants quand on sait que l’échéance de 2035 arrive à grands pas. Difficile de comprendre comment des entreprises aussi importantes peuvent envisager de continuer à investir dans une technologie de motorisation qui sera obsolète et interdite dans 10 ans. Voilà déjà peut-être un première cause identifiée du marasme actuel : au lieu de traverser le gué en regardant loin devant, on s’arrête au milieu en regardant derrière. Non seulement les constructeurs ne se facilitent pas la tâchent, mais ils envoient un signal assez négatif, ou en tout cas pu clair aux consommateurs. Personnellement, je n’y comprends plus grand chose alors que je pense être assez au fait du sujet, alors imaginez le consommateur moyen…
Pendant ce temps, les constructeurs chinois, soutenus par des politiques publiques agressives et des subventions généreuses, gagnent du terrain. Des marques comme BYD, MG ou Xpeng s’imposent avec des modèles compétitifs, souvent moins chers et dotés de technologies avancées. En 2024, la part de marché des constructeurs chinois en Europe a franchi la barre des 10 %, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2030. Les mesures européennes visant à taxer ces importations, en les qualifiant de concurrence déloyale, peinent à inverser la tendance. La question se pose : l’Europe est-elle en train de perdre la bataille technologique face à la Chine ?
Avec près de 14 millions de salariés directement ou indirectement liés au secteur automobile en Europe, les répercussions d’une telle crise pourraient être dramatiques. Les sous-traitants, souvent spécialisés dans les composants des moteurs thermiques, sont particulièrement vulnérables. Certaines politiques nationales, comme la suppression progressive des bonus écologiques en France (ou brutale en Allemagne), ou la fin possible de la recharge gratuite sur les lieux de travail (merci l’URSSAF, toujours au top quand il s’agit de stimuler l’économie[1]) amplifient la méfiance. Ces décisions, prises dans un contexte budgétaire tendu, envoient un message négatif aux consommateurs et aux industriels.
Par ailleurs, autre effet de bord possible et redoutable, le ralentissement des ventes pourrait possiblement entrainer une baisse des investissements dans les infrastructures de recharge, créant un cercle vicieux.
Bref, la version optimiste veut que nous soyons seulement en train de traverser un trou d’air. Espérons-le, car si l’Europe veut atteindre ses objectifs climatiques tout en préservant son tissu industriel, elle devra trouver un équilibre entre régulation et incitation, tout en repensant sa compétitivité face à la Chine.
[1] Oui je sais, ce n’est pas le rôle de l’URSSAF de stimuler l’économie, on avait compris
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