AccueilArticlesLa voiture électrique pourrait-elle finalement rester un marché de niche à l'échelle mondiale ?

La voiture électrique pourrait-elle finalement rester un marché de niche à l'échelle mondiale ?

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Xpeng G6 MY2025
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La révolution de la mobilité électrique, si souvent présentée comme inéluctable et imminente, semble aujourd’hui confrontée à une réalité bien plus complexe. Explications.

Si vous consultez ces pages, c’est qu’il est probable que vous rouliez en voiture électrique, que vous projetez de le faire dans un avenir assez proche, ou que votre curiosité naturelle vous incite à vous intéresser au sujet.

Chez Automobile Propre, nous sommes déjà nombreux à avoir franchi le pas, et à rouler électrique pour certains depuis plus d’une décennie. Sans envisager une seule seconde un retour en arrière. Cette évidence et cette immersion permanente dans l’écosystème de l’électromobilité automobile nous font peut-être parfois perdre de vue une réalité que nous connaissons pourtant très bien : pour le moment, la voiture électrique ne représente qu’une infime part de marché du secteur automobile. Si l’on se fie aux chiffres, on parle de 17% des immatriculations de voitures neuves en France en 2024, et à peine 3% du parc roulant total.

Bien sûr, ces chiffres sont encourageants, car, à quelques trous d’air près, ils montrent une progression constante depuis plusieurs années, la France faisant d’ailleurs partie des meilleurs élèves en Europe, et même à l’échelle mondiale. Autre signal fort, le développement massif et impressionnant des infrastructures de recharge en Europe et plus particulièrement chez nous, puisque le pays compte 36 000 points de recharge à date, et près de 160 000 bornes de recharge. Un chiffre à mettre en parallèle avec le nombre de stations service de carburant, qui vient de passer en dessous de la barre des 10 000 (9 700 au dernier recensement).

Pour autant, si ces chiffres montrent donc une progression constante, il convient de ne pas se voiler la face : la voiture électrique reste encore un marché de niche au niveau mondial. Certains signaux montrent même que cela pourrait être encore le cas pour de longues années. Malgré les annonces ambitieuses des constructeurs automobiles et les engagements politiques de certains pays, plusieurs indicateurs suggèrent que le véhicule électrique pourrait demeurer un segment minoritaire du marché automobile mondial pendant encore plusieurs décennies. Cette perspective s’appuie sur des tendances de fond, comme le revirement stratégique de nombreux constructeurs vers des solutions hybrides, la rareté des pays ayant véritablement programmé la fin des véhicules thermiques, la persistance d’une forte résistance des consommateurs, et l’efficacité limitée de l’argument écologique face aux contraintes pratiques et économiques. Voyons cela plus en détail.

Ces constructeurs qui freinent, voire qui font marche arrière sur la voiture électrique

Nous en avons déjà souvent parlé, et même remis une bonne couche dans le dernier épisode de notre podcast, nombreux sont les constructeurs, ou plus encore, les groupes détenant plusieurs marques, qui ont annoncé faire une pause sur l’électrification de leurs gammes pour se concentrer de nouveau sur les motorisations thermiques. Un signal particulièrement révélateur du scepticisme grandissant envers le « tout électrique ». Après une période d’annonces ambitieuses sur l’électrification complète de leurs gammes, nombreux sont ceux qui recalibrent aujourd’hui leurs objectifs et réintroduisent des technologies hybrides dans leur vision à moyen terme. En fait, ces annonces révélatrices d’atermoiements sur l’électrique se sont enchaînées à un rythme constant depuis quelques mois, presque exclusivement de la part de constructeurs européens. Mercedes, Porsche, Stellantis, Volkswagen, Volvo et même des marques de niche comme Lotus et Aston-Martin ont indiqué qu’elles se remettaient sur le métier du thermique, en tout cas pour quelques années encore. Seul BMW semble progressivement, mais résolument tourner la page du moteur à combustion sans trop d’états d’âme, et même avec un certain succès. Ce changement de cap constitue un indicateur fort de la perception par l’industrie des limites actuelles du marché purement électrique.

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Une interdiction des véhicules thermiques encore très limitée géographiquement

Si l’on observe attentivement la carte mondiale des pays ayant annoncé l’interdiction future des véhicules thermiques, un constat s’impose : ces initiatives restent géographiquement très concentrées, principalement en Europe occidentale. Actuellement, 60 pays et territoires à travers le monde ont établi des objectifs, pris des engagements ou dévoilé des plans visant à interdire progressivement les voitures à essence et diesel à partir d’une date donnée. Et ils sont en très grande majorité situés en Europe. La Norvège fait figure de pionnier avec une interdiction programmée dès 2025, tandis que d’autres nations comme les Pays-Bas, la Slovénie, la Suède, l’Islande ou l’Irlande ont fixé l’échéance à 2030. L’Union européenne, dans son ensemble, a adopté l’objectif d’interdire la vente des véhicules à moteur thermique à partir de 2035, en exemptant toutefois la filière automobile de luxe jusqu’en 2036. Cette décision, bien que significative, ne concerne qu’une partie du marché automobile mondial.

La grande majorité des pays, y compris les géants comme les États-Unis, l’Inde, le Brésil ou la Russie, n’ont pas établi de calendrier contraignant pour l’élimination complète des moteurs thermiques. Ces marchés, qui représentent collectivement la part dominante des ventes mondiales de véhicules, continueront vraisemblablement à commercialiser des voitures à combustion interne pendant de nombreuses années. Cette disparité géographique dans les politiques d’interdiction constitue un premier frein structurel à une transition mondiale rapide vers l’électrique. Du côté de la Chine, tous les nouveaux véhicules vendus à partir de 2035 devront être alimentés par une « nouvelle énergie », ce qui signifie que la moitié d’entre eux devront être électriques, à pile à combustible ou hybrides rechargeables, et les 50 % restants des hybrides simples. Là non plus, nous ne sommes pas sûrs du 100% électrique.

Au final, l’interdiction de la vente de voitures thermiques à l’horizon d’une décennie reste à quelques exceptions près une « exception culturelle » typiquement européenne. Or, l’Europe « ne » représente « que » 15 à 20% du marché automobile mondial. Si l’on ajoute à cela le fait qu’environ 2% du parc automobile européen est électrique, cela signifie que l’on parle de… 0,004% de l’automobile mondiale à ce jour.

Face à la voiture électrique, l’hybride envoie du EREV

L’hybride a cela de particulier qu’il est un générateur de bonne conscience et de réassurance, entre greenwashing et élimination de l’anxiété de l’autonomie. Si tous les tenants du 100% électrique le considèrent comme une aberration regroupant le pire des deux mondes, il faut bien reconnaitre que les véhicules électriques à prolongateur d’autonomie (EREV) gagnent particulièrement en popularité, notamment sur le marché chinois qui donne aujourd’hui le tempo de l’industrie automobile mondiale. Le risque étant que cette technologie intermédiaire s’impose contre vents et marées comme la solution dominante pour les décennies à venir, reléguant le tout-électrique à certains segments spécifiques du marché. Ajoutez à cela les reportages biaisés de certains média grand public à la rigueur journalistique légendaire et vous avez ainsi, en effet, tous les ingrédients pour renforcer l’idée d’une supériorité imaginaire de l’hybride sur le tout électrique. C’est embêtant.

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Des mentalités qui évoluent peu, voire une hostilité attisée par la contrainte

L’un des obstacles les plus persistants à l’adoption massive des véhicules électriques réside dans la réticence des consommateurs, qui, loin de s’atténuer avec le temps, semble au contraire se renforcer avec l’interdiction de la vente de thermiques en 2035. Luc Chatel, ancien ministre et actuel président de la Plateforme automobile a alors beau jeu de déclarer que « Quand nos dirigeants européens ont décidé en 2022, la fin de la vente des voitures thermiques neuves en 2035, ils ont oublié l’adage selon lequel le consommateur final a toujours raison. Ce que nous avions craint, à savoir que les constructeurs fassent les transformations, investissent et que nous ayons des voitures, mais pas de clients, s’est réalisé… ». Cette observation quelque peu démagogique, mais pourtant assez réaliste, souligne le décalage croissant entre les ambitions politiques et industrielles d’une part, et les préférences réelles des automobilistes d’autre part.

Résultat, des automobilistes qui n’auraient pas été naturellement réfractaires à l’électrique se montrent réticents, voire franchement hostiles à l’idée d’acquérir un véhicule plus cher, offrant des prestations inférieures et des contraintes de recharge et d’autonomie.

L’argument écologique ne parvient pas à convaincre (voire agit comme un repoussoir)

L’un des principaux arguments avancés en faveur de la voiture électrique est son bénéfice environnemental supposé. Pourtant, cet argumentaire peine à convaincre une proportion croissante de consommateurs, de plus en plus sensibles aux nuances et aux zones d’ombre du bilan écologique réel des véhicules électriques. La promesse d’une mobilité « zéro émission » se heurte à une prise de conscience grandissante des limites et des contradictions de cette technologie sur le plan environnemental. Faisons-nous un instant l’avocat du diable et reprenons l’argument classique qui dit que le gain en termes d’émissions de CO2 des véhicules électriques par rapport aux motorisations thermiques n’est valable que si l’électricité permettant la recharge des batteries est décarbonée, ce qui est loin d’être toujours le cas, il faut bien l’admettre. Certains ont alors beau jeu de rappeler que l’impact environnemental d’une voiture électrique dépend fortement du mix énergétique du pays où elle est utilisée — un facteur qui relativise son bénéfice écologique dans de nombreuses régions du monde, même si ce dernier est incontestable, même dans les pays produisant une électricité fortement carbonée.

On ne va pas se mentir, pour le moment, les grandes imprécations sur l’environnement et le changement climatique ne fonctionnent pas quand on essaie de les appliquer à l’adoption de la voiture électrique, et sont même parfois vues comme des injonctions idéologiques et classées dans la case de l’écologie « punitive ». De fait, un seul argument — comme souvent — fonctionne : l’argument financier.

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La locomotive Tesla est en panne

Enfin, dernier point de friction, et pas des moindres, que je vous offre en bonus, celui de la dégringolade des ventes de Tesla. L’exemple du pionnier américain, longtemps considéré comme le champion incontesté de cette transition, dont il est rapidement devenu à la fois le symbole et la locomotive, illustre la fragilité du marché électrique actuel. Des analyses récentes prédisent une érosion rapide de 10 à 30% de la clientèle de la marque. Une perte qui s’expliquerait notamment par le décalage croissant entre les positions controversées d’Elon Musk et le profil type de l’acheteur Tesla. Ce phénomène révèle en fait une caractéristique fondamentale du marché actuel des véhicules électriques, à savoir sa dépendance à une clientèle de convaincus, motivée par des considérations idéologiques ou technophiles plutôt que purement pratiques. Une telle structure de marché, concentrée sur des segments de niche, ne constitue pas une base solide pour une généralisation à l’ensemble des automobilistes, dont les motivations d’achat sont généralement plus pragmatiques et économiques que réellement écologiques.

Bon, une fois tous ces freins identifiés, n’allez pas en déduire que nous tournons casaque, bien au contraire ! Pour mieux convaincre, il vaut mieux avoir en tête les forces en présence et maitriser les arguments qui permettent de les contredire. Mais cela n’exclut pas d’être lucides sur le fait que le marché de la voiture électrique est encore quasi insignifiant à l’échelle mondiale, et qu’il reste beaucoup à faire.

Plutôt une bonne nouvelle finalement, non ?

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