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Utilitaire ou voiture ancienne, compacte d’une dizaine d’années ou poids lourd : le rétrofit permet de transformer en électrique un véhicule qui était précédemment gavé à l’essence ou au gazole. Parmi les pionniers dans le domaine, Retrofuture doit faire face à une importante demande qui confirme le bien-fondé de cette solution.
Tout comme Jérémy Cantin, dirigeant fondateur d’e-Néo, s’est forgé un nom dans le rétrofit à partir de son ElectroCox, et R-Fit en s’attaquant à des Citroën 2 CV, Retrofuture a commencé à marquer les esprits en choisissant un coupé Peugeot 504 aussi très apprécié dans le monde de l’automobile ancienne.
Ce mois de décembre 2022 constitue une nouvelle étape dans l’aventure initiée par Arnaud Pigounides, avec l’inauguration du Rev Lab Paris Beaugrenelle à laquelle Automobile-Propre était invité. Unique en France, cet établissement est le premier laboratoire français dédié au rétrofit.
Rétrofit ? « Cela consiste à enlever le moteur thermique, essence ou diesel, de n’importe quel véhicule, pour le passer à l’électrique à batterie ou aussi à l’hydrogène », éclaire le dirigeant fondateur de Rev Mobilities (Rev = Retrofuture electric vehicules).
Pourquoi convertir un véhicule plus ou moins ancien alors que le marché de l’électrique neuf se développe à grands tours de roues ? « Il y a aujourd’hui en France un parc de 44 millions de véhicules, composé de 32 millions de véhicules de particuliers, 6 millions d’utilitaires, et des milliers de bus, alors que les 43 plus grandes villes de l’Hexagone vont développer des zones à faibles émissions », pose Arnaud Pigounides.
« Ce sont donc énormément de véhicules qui vont être bannis des centres-villes. C’est un vrai problème pour les gens qui les possèdent, comme les artisans, alors que ce sont des engins qui pourraient durer très longtemps. Un châssis peut durer 25 ans, 30 ans. Nous sommes là pour décarboner ces véhicules », ajoute-t-il.
Seconde raison de préférer le rétrofit : le coût. Face à l’augmentation du prix des carburants, l’électrique laisse espérer de belles économies à l’usage. Sauf que les modèles neufs sont encore très chers.
Rev Mobilities promet des conversions à un niveau de qualité similaire à celui des constructeurs. « Nous sommes constructeurs de nouvelles chaînes de traction composées de moteurs et de systèmes électriques que nous plaçons dans des véhicules existants, qu’il s’agisse de voitures anciennes, de citadines, d’utilitaires ou de bus », assure Arnaud Pigounides.
« Avec 66 % de réduction de gaz à effet de serre par rapport à la construction d’un véhicule neuf, c’est écologique. Pourquoi refaire inutilement un châssis neuf quand on peut s’appuyer sur un en bon état et qui peut durer encore des années ? », interroge-t-il. N’espérez cependant pas trop vite pouvoir rétrofiter votre voiture. Pour des raisons de sécurité et de durabilité, l’administration française impose une homologation accordée au cas par cas sur des séries de véhicules rigoureusement identiques.
Cette démarche étant coûteuse, il faut donc la rentabiliser en ciblant des modèles relativement répandus et qui revêtent un intérêt particulier. Pour faire dans l’anglaise, Rev Mobilities a sélectionné en particulier la Triumph Spitfire que nous avons essayée une fois devenue branchée. Mais n’attendez pas de l’enseigne qu’elle se penche sur une Morris Marina qui gagnerait pourtant en fiabilité en passant à l’électrique.
À lire aussiVidéo – Rétrofit : mettre un moteur électrique dans une voiture ancienne, sacrilège ou bénédiction ?Dans son échange avec notre rédacteur en chef Pierre Desjardins, Arnaud Pigounides a lâché : « Rétrofiter coûte la moitié du prix d’un véhicule électrique neuf. Un Renault Master électrique, ça vaut 55 000 euros hors taxes neuf. Une Zoé, c’est 32 000 euros. Ce que l’on mettrait dans une Clio, ça vaut entre 16 000 et 18 000 euros, avant prime ». La polyvalente transformée serait alors dotée d’une autonomie de l’ordre de 160-200 km : « Pour un usage quotidien, c’est parfait ! ».
Concernant la conversion d’un utilitaire Citroën Jumper, Rev Mobilities, qui dispose d’une antenne à Bordeaux et d’une autre à Lyon, demande 25 000 euros. L’opération permet de conserver de potentielles options recherchées et l’aménagement intérieur parfois installé de façon spécifique pour un métier. Ce qui ajoute une autre source d’économie.
Quelles aides gouvernementales peut-on espérer ? « Jusqu’à 9 000 euros de prime, en fonction de vos revenus, pour transformer une Clio. Sur une facture de 16 000 euros, c’est très avantageux. Pour un utilitaire, ça peut monter jusqu’à 17 000 euros d’aide. On obtient alors un rétrofit à 10 000 euros sur un utilitaire, qui se rentabilise entre 4 et 5 ans. Vous réalisez ensuite des économies au quotidien », promet le dirigeant de Rev Mobilities.
En France, une réglementation très sécurisée encadre l’artisanat du rétrofit. Elle a été mise en place avec le concours de quelques pionniers dont Arnaud Pigounides fait partie : « Cette réglementation respecte les normes européennes de demain, et pas celles d’il y a 15 ans. Auparavant, depuis 1954, on ne pouvait pas procéder à un rétrofit en France sans l’accord du constructeur, quasi systématiquement refusé ».
« On a changé les choses avec l’Etat, l’Utac, le CNRV, la filière automobile et toute celle des garagistes. On a créé une réglementation, publiée en avril 2020, qui nous autorise à convertir des modèles parmi les plus demandés. On ne pourra malheureusement pas procéder à l’unité, comme c’est en revanche possible aux Etats-Unis ou en Nouvelle-Zélande. Nous sommes là pour décarboner en masse, et passer au stade de l’industrialisation », détaille le dirigeant.
L’espace libéré par la dépose du bloc thermique et du réservoir de carburant permet de placer le moteur électrique beaucoup plus petit et les batteries. Mais pas n’importe comment : « Déjà le véhicule ne peut pas avoir moins de 5 ans pour des raisons évidentes de garantie. Ensuite : respect de la puissance, respect du poids avec une tolérance de 10 % par essieu. Les conditions d’origine sont donc conservées ».
A noter que le freinage est amélioré par la régénération du moteur électrique lors des phases de décélérations, jusqu’à l’immobilisation, juste en levant complètement le pied de l’accélérateur.
A Paris, le Rev Lab qui est ouvert dans le quartier de Beaugrenelle est un ancien garage Saab. Une partie à été conservée dans son jus avec l’outillage d’origine comme le pont élévateur. L’autre, le laboratoire, est rénovée en salle blanche « pour réaliser les prototypes, assurer des séances de formation, et servir de lieu d’échange ».
De quoi illustrer parfaitement le passage d’un monde à un autre ! « Nous voulions ainsi montrer la valeur de ce que nous faisons : l’ingénierie, la conception, l’opération de rétrofit dans des véhicules qui sont en très bon état, qui ont été contrôlés voire reconditionnés ».
Le Rev Lab est agencé sous la forme d’un circuit qui présente les différentes grandes étapes du rétrofit. Un premier véhicule symbolise l’arrivée d’un exemplaire à convertir, muni de son contrôle technique. Sur le pont à peine levé, un deuxième témoigne des séances d’inspection qui sont réalisées en amont de la conversion : « Un document stipule qu’il est ‘Ready for retrofit’, et précise tout ce qui a été contrôlé ».
Grâce à des garages partenaires, les véhicules retenus après un contrôle comprenant 130 points de qualité sont débarrassés de leur bloc thermique et des éléments associés devenus inutiles. Il faut alors quitter l’espace représentant un garage classique pour rejoindre le laboratoire où l’on retrouve le coupé 504 sur un pont ultramoderne entouré d’équipements spécifiques au rétrofit.
« Nous sommes vraiment constructeur d’ordinateurs de bord et de batteries. Les moteurs sont fournis par nos partenaires. Les mécaniciens deviennent électromécaniciens en rejoignant le laboratoire. A la fin, vous avez un véhicule rétrofité, Crit’Air 0, avec une nouvelle carte grise. Tout le lieu a été conçu comme la narration du rétrofit », explique Arnaud Pigounides.
Directeur technique chez Rev Mobilities, Vincent Leblond place la batterie « en élément le plus important d’une voiture électrique ». L’entreprise s’intéressant à des voitures très différentes, il lui a fallu penser à « une ligne de produits qui puissent s’adapter dans les différents modèles au niveau des espaces libérés par la dépose du réservoir et du moteur. On ne peut pas se permettre de concevoir une batterie spécifique par voiture. Ca coûterait trop cher à développer pour le niveau de qualité et d’exigences que nous avons ».
D’où une famille de 3 modules S, M et L. Ce dernier est le plus grand, qui ne pourrait pas trouver sa place dans la Spitfire. Le M est moitié moins haut que le L. Deux modules S accolés en largeur présentent les mêmes dimensions que le M.
Dans le démonstrateur, « on voit symbolisé que notre module L, ça peut être 2 M ou 4 S. L’idée est de pouvoir les déstructurer pour les insérer dans le fond du coffre, à la place de la roue de secours et/ou du réservoir, au dessus du moteur, c’est-à-dire dans tous les espaces qui sont laissés libres et sont exploitables ».
Pour ses batteries, Rev Mobilities s’est entouré du spécialise français Neogy, installé à Mérignac, près de Bordeaux. Une usine est en cours d’aménagement pour sortir les packs qui peuvent être logés longitudinalement ou transversalement dans les véhicules, en respectant la réglementation rétrofit. Les modules sont composés de cellules cylindriques classiques lithium-ion NMC (nickel, manganèse, cobalt) à haute densité énergétique.
A noter que Neogy s’intéresse également à la mobilité hydrogène. Cette entreprise s’implique par exemple aux côtés de Pragma industries connus pour ses vélos à assistance électrique fonctionnant avec une pile H2.
Chez Rev Mobilities, on assiste à une certaine popularisation du rétrofit depuis 4 ans, avec 3 000 précommandes pour des conversions d’utilitaires à l’initiative d’artisans et de mutuelles d’artisans, dont la Mapa qui souhaite proposer cette solution à ses sociétaires. « Les gens sont fans du rétrofit », se réjouit Arnaud Pigounides.
Ce dernier a évoqué de grands groupes de la logistique qui s’y intéressent, ainsi que des agglomérations comme Rennes ou Toulouse : « A Toulouse, 1 600 utilitaires circulent dans la ville, et la moitié risquent d’être bannis car ils travaillent dans une ZFE. Solutions : soit jeter, soit rétrofiter. De plus en plus d’appels d’offres vont être lancés en France. Y compris pour les bus, où 4 appels ont déjà été publiés et une dizaine devraient arriver prochainement. L’engouement est très très fort ».
Concernant les particuliers, le dirigeant de Rev Mobilities chiffre les intéressés à plusieurs milliers à vouloir conserver une voiture qu’ils possèdent depuis plusieurs années. Parmi les véhicules anciens, on trouve d’anciennes camionnettes, comme les Citroën HY, qui servent de base à des Food Trucks sympas aujourd’hui. Pour qu’ils puissent continuer à circuler, il faudra les convertir. Une Spitfire rétrofitées coûte 30 000 euros avec l’achat de la base : « C’est le prix d’un véhicule électrique neuf, mais avec une voiture qui a du style ».
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