AccueilArticlesUtilitaires, poids lourds et ZFE : le rétrofit n’est pas qu’électrique

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Rétrofit électrique d'un camion
Rétrofit électrique d'un camion

Le rétrofit électrique se développe au grand jour depuis sa légalisation en mars 2020. Ce n’est cependant pas la seule solution pour pouvoir circuler dans les ZFE. Les moteurs thermiques peuvent encore être adaptés au bioGNV et à l’hydrogène.

Les transporteurs bretons mis au parfum

Lancé en 2021 sous l’impulsion de l’Ademe et de la région Bretagne, Mixenn se présente comme un programme au service des transporteurs pour les aider à accélérer la conversion de leurs flottes de véhicules terrestres en particulier.

Déjà avancé sur le bioGNV grâce au développement de la méthanisation, le flanc Ouest de la France, qui comprend aussi les Pays de la Loire très actifs sur les énergies vertes, multiplie les actions pour faire émerger un écosystème hydrogène. D’où le mix que défend Mixenn en matière de mobilité durable.

Jeudi 4 mai 2023, l’organisme animait à destination des transports bretons un webinaire intitulé « Décarbonation du transport : le rétrofit à la loupe ! » auquel nous avons assisté. Les représentants de quatre entreprises ont traités le sujet selon leur propre histoire et leur implication dans le domaine. Il s’agit de RetroFleet, TOLV, le CRMT et GRDF.

A noter qu’initialement e-Néo était au programme. Connaissant des difficultés, le spécialiste vendéen du rétrofit électrique à pile hydrogène des poids lourds a été remplacé à la dernière minute. D’où un déséquilibre involontaire entre les solutions qui a profité à l’électrique à batterie.

Rétrofit

Qu’est-ce que le rétrofit ? « C’est la possibilité de moderniser un véhicule [lourd] ou une machine pour les faire fonctionner avec un carburant moins émetteur de CO2 tout en conservant sa structure d’origine », a défini Daniela Touzé, chargée du développement commercial du CRMT. L’opération doit être « sobre du point de vue de la dépense énergétique et être réalisée de façon économiquement viable ».

Dans un contexte de développement des zones à faibles émissions, cette transformation doit permettre aux transporteurs de continuer à circuler dans ces ZFE pour exercer leur activité en modérant leur mobilisation financière. « Aujourd’hui, 95 % du parc des utilitaires est composé de modèles diesel. Avec un taux de renouvellement de 5 % à l’année, il faudrait 20 ans pour décarboner tout le parc », a prévenu Marc Mercier, chargé de mission chez GRDF.

Le délai pourrait même être allongé selon lui : « Plus les normes sont compliquées et contraignantes, plus les véhicules sont coûteux. Ce qui pourrait ralentir le renouvellement ». D’où le développement du rétrofit, justifié ainsi par Daniela Touzé : Il « coûte environ la moitié du prix d’un véhicule neuf équivalent. Ce qui permettrait de verdir les flottes deux fois plus rapidement ».

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Electrique à batterie

Le ratio avancé par la représentante du CRMT a été confirmé par Emmanuel Flahaut, dirigeant cofondateur de RetroFleet. A travers Mona Solutions, son entreprise promet « une mobilité résiliente » en proposant le rétrofit électriques à batterie des véhicules professionnels (Utilitaires de 3,5 à 7 tonnes ; poids lourds ; engins industriels et agricoles). L’offre peut intégrer l’infrastructure de recharge.

Le dirigeant a précisé que les sociétés qui pratiquent le rétrofit sont considérées officiellement « comme des constructeurs automobiles, nouvelle génération ». Le passage à l’électrique modifie profondément les systèmes. « Le moteur n’est plus qu’un sous-système » et « la maintenance associée n’est plus le sujet ».

Dans le cas d’un autocar, l’ensemble bloc thermique 235 kW + boîte de vitesse + ralentisseur Telma pèse de 1 200 à 1 500 kg sans compter les nombreux sous composants, contre 250 kg pour un moteur électrique 145-245 kW. S’occupant du prototypage et de l’homologation, RetroFleet s’apprête à passer au stade industriel. Selon « les besoins des clients et les cas d’usage », l’entreprise propose deux technologies de batteries lithium-ion : NMC (nickel manganèse cobalt) et LFP (lithium fer phosphate).

Utilitaires

« Tout simplement parce que nous avons reçu une commande » pour 20 unités à livrer à une station de ski, RetroFleet s’est d’abord positionné sur la conversion du Pickup Toyota Hilux en conservant la boîte de vitesses d’origine. L’homologation a déjà été obtenue. Nécessitant environ 2 jours de montage, le kit sera adapté à d’autres véhicules : « On travaille par famille. Le kit 3,5 tonnes, on va le décliner dans différents types de véhicules même quand ils ont des configurations un peu différentes ».

Dès l’année prochaine, le rétrofit d’utilitaires Renault Master et Iveco Daily devrait recevoir le précieux sésame de l’Utac : « On a fait le choix de travailler sur des châssis ». Et ce, en raison d’une coentreprise créée avec le carrossier GTE qui implante couramment des cellules frigorifiques, caissons de transport, bennes basculantes, etc. D’où une activité complémentaire au rétrofit de rénovation et recarrossage des véhicules.

Concernant les poids lourds, RetroFleet convertit des autocars tels les Mercedes Intouro et Iveco Crossway avec déjà 10 unités à livrer cette année : « Il y en a beaucoup en France et en Europe. Ce sont des véhicules qui roulent assez peu, mais tout le temps ». Cette compétence va servir à mener à bien d’aitres projets en cours : bennes à ordure ménagères sur base Renault Trucks, et porteurs 12-19 tonnes Iveco.

Renault Trafic et Master Fourgon

L’offre de TOLV, anciennement Phoenix Mobility, est complémentaire à celle de RetroFleet. A destination des professionnels et des collectivités, elle prend en compte le rétrofit électrique à batterie de fourgons classiques Trafic 2,5 t, et, en partenariat avec Renault, le Master 3,5 t qui sera transformé à l’usine de Flins-sur-Seine.

Cofondateur de la jeune entreprise créée en 2019, Antoine Desferet justifie le développement du rétrofit à travers le monde par le milliard de véhicules qui vont devoir être adaptés à une mobilité plus vertueuse : « Est-ce qu’on a suffisamment de ressources pour les mettre tous à la casse et reproduire un nouveau milliard de véhicules ? Est-ce qu’on a le temps de faire ça ? ». A la place, TOLV propose de remplacer tous les éléments spécifiques à la motorisation thermique par un kit homologué produit dans son usine grenobloise.

Que deviennent les pièces déposées : « Soit on les rend pour une utilisation en seconde main, ou nous les rachetons pour assurer leur dépollution ». Sur la base d’un Renault Trafic, une analyse a été effectuée : « Sur un cycle d’utilisation, on est 81 % moins polluant que le véhicule thermique d’origine dont on prolonge la durée de vie, et 50 % par rapport au modèle électrique neuf équivalent ».

Délai et autonomie

Antoine Desferet promet une livraison sous 2 semaines d’un engin qui sera passer du stade polluant à celui de Crit’Air 0. A noter que RetroFleet demande le même délai d’immobilisation chez eux. Au jour du webinaire, TOLV avait déjà remis une vingtaine de Trafic rétrofités : « L’année prochaine nous comptons livrer entre 350 et 450 véhicules. En 2025, nous serons autour des 3 000 unités ».

En entrée de gamme, Emmanuel Flahaut a évoqué une autonomie de l’ordre de 120 km avec la possibilité d’aller au-delà par ajout d’éléments lithium-ion : « Notre métier, c’est aussi de faire mieux avec moins et de se poser la question des vrais besoins en autonomie parce qu’on vise d’abord les flottes qui roulent assez peu ».

De son côté, Antoine Desferet annonce 150 et 200 km de rayon d’action respectivement pour les Trafic et Master. En préservant sur le premier le volume et la charge utiles. Cette dernière pourra être diminuée de 100 à 200 kg sur le Master. Des conversions sur mesure de flottes sont aussi possibles avec TOLV.

Recharge compatible V2G

Dans le cadre d’un projet en cours de développement pour Keolis Saint-Etienne, RetroFleet travaille sur un atelier avec 14 points 120 kW pilotables pour recharger des autobus. Il devrait être opérationnel dès juillet prochain. « Lorsqu’il n’y avait qu’un véhicule en test, une borne de recharge pouvait être installée à l’entrée de l’entreprise pour faire un peu ‘Green Tech’. Aujourd’hui, quand on part sur du déploiement de véhicules électriques, il y a un enjeu de recharge à anticiper », a souligné Emmanuel Flahaut.

A Saint-Etienne, RetroFleet va assurer la maintenance avec un engagement de rétablir le courant sur une borne défectueuse en moins de 24 heures, « y compris en intervenant sur le site pour effectuer un changement de composant ». Le service comprend également la supervision, à travers un logiciel qui permet de programmer des scénarios de recharge.

« Comme on va maîtriser ce qui se passe au niveau des batteries, le rétrofit va amplifier les potentiels de vehicle-to-grid. Quand vous avez ce type d’atelier avec 10 véhicules qui ont chacun 200 ou 300 kWh de capacité énergétique, vous avez des mégawattheures d’électricité stockés qui peuvent être vendus au réseau quand on a pas besoin des véhicules ».

Rétrofit GNV/bioGNV

Techniquement, même si les moteurs essence sont prédisposés à être adaptés pour fonctionner au GNV/bioGNV, les blocs diesel des utilitaires et poids lourds peuvent également être convertis à ce carburant alternatif. Par exemple pour un fonctionnement Dual Fuel.

Toutefois, les kits de première génération, qui permettent de remplacer par du gaz naturel 70 % du gazole ne décrochent que le Crit’Air 2. Avec les plus récents qui n’ont besoin que de 5 % de gazole pour fonctionner, le Crit’Air 1 devrait être accessible. Si aucune transformation de ce type n’a encore été soumise à l’administration française, des kits sont cependant en cours de développement.

Il reste deux autres pistes, pas forcément idéales ni les plus accessibles : remplacer le moteur diesel par un bloc conçu pour fonctionner au gaz naturel, ou effectuer des modifications sur le moteur pour qu’il fonctionne intégralement avec du bioGNV.

Toutefois ces 2 solutions ne sont pas prévues dans le règlement R115 relatif à l’homologation des systèmes d’adaptation au GNC. Il y a cependant une ouverture avec le code de la route, à condition d’obtenir l’autorisation du constructeur.

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Livre blanc

Ce problème d’autorisation à obtenir avant une modification du moteur, ça ne vous rappelle rien ? C’était aussi la situation d’avant mars 2020 pour le rétrofit électrique. Quelles aides au niveau national pour soutenir la conversion des véhicules professionnels au GNV.

Devant cette différence de traitement avec l’électrique, l’Organisation des transporteurs routiers européens (L’Otre) a réalisé un « Livre blanc du rétrofit bioGNV », auxquels ont participé le CRMT et GRDF, également intervenants au webinaire Mixenn.

Il s’agit de faire reconnaître le bioGNV dans les règlementations françaises et européennes qui entourent la décarbonation des transports. Mais aussi de créer un label « reconnaissant la démarche d’économie circulaire et vertueuse dans laquelle le rétrofit bioGNV s’inscrit ».

Marc Mercier, de GRDF, plaide pour cette solution, sans être hostile au rétrofit électrique qu’il réserve aux voitures particulières et à un usage urbain : « L’offre en électrique reste peu abondante et est coûteuse en neuf ». En outre elle n’est pas adaptée à certaines situations, comme « le transport lourd à longues distances » ou lorsque les véhicules embarquent des équipements consommateurs, comme des compresseurs de froid pour cellules frigorifiques et des grues de déchargement.

Diversification

Parmi les spécialistes du rétrofit, le Centre de recherche en machines thermiques détonne. Le CRMT a été crée en 1977, déjà pour trouver des solutions plus vertueuses de motorisations. Ses premiers partenaires ont été Renault véhicules industriels et l’Ecole centrale de Lyon. Encore aujourd’hui, « nous préférons travailler en collaboration avec les constructeurs. C’est la situation optimale », a indiqué Daniela Touzé.

Avant les ZFE, cette société réalisait en particulier des prototypes. Désormais, elle compte se diversifier en proposant des solutions qui seraient intégrées par des installateurs externes. La voilà donc confrontée aussi à ces problèmes de réglementation et d’aides. Y compris pour le rétrofit hydrogène.

N’est-ce pas pris en compte depuis mars 2020 avec le rétrofit à batterie ? Seulement pour des architectures électriques à pile à combustible. Or, le CRMT travaille sur l’alimentation en molécules H2 des moteurs thermiques. Ainsi, parmi d’autres projets qui doivent encore rester sous silence, avec une pelle sur roues Caterpillar à bloc C4.4 qui devrait être livrée l’année prochaine.

Autres réalisation du CRMT à partir de moteur diesel, cette fois-ci pour un fonctionnement au GNV/bioGNV : rétrofit d’une balayeuse de voirie et d’un groupe froid Carrier Transicold pour camions frigorifiques.

Des compétences spécifiques

Emmanuel Flahaut a précédemment indiqué que son entreprise effectue des conversions sur l’autococar Iveco Crossway. Le CRMT aussi, mais avec le GNV/bioGNV, au sein du programme Ecol’Car. La reclassification du véhicule de transport scolaire d’Euro 5 à Euro 6 lui permet de circuler dans les ZFE.

Comme RetroFleet, le centre a exploité les soutes à bagages qui servaient peu pour le ramassage des élèves. C’est là que les réservoirs pouvant contenir 90 kg de bioGNV ont été placés, pour une autonomie d’environ 300 km. Le CRMT va poursuivre son programme en convertissant des autocars Euro 6 du même modèle. Ils circuleront dans les Pays de la Loire.

« Le rétrofit, c’est beaucoup plus qu’un véhicule et un moteur. Il faut aussi installer tous les éléments de sécurité et de surveillance. Ce qui nécessite des compétences en intégration des systèmes et de codage que nous avons en interne. Il faut savoir interfacer des systèmes qui ne sont pas forcément prévus pour travailler ensemble ».

Hors machines fixes, l’entreprise ne se limite pas aux véhicules routiers, comme l’a fait comprendre Daniela Touzé : « Les bateaux qui entrent dans les ZFE sont-ils aussi concernés par les restrictions de circulation ? Nous travaillons sur ce sujet ».

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