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David a dû se montrer très patient et persévérant pour que sa Fiat 500 soit reçue à titre isolé avec succès. La nouvelle carte grise avec mention « 110F MOD » dans le champ D2 réservé au type, à la variante ou à la version lui permet de rouler en toute légalité en France. Dans cette nouvelle interview, il nous explique le déblocage de sa situation.
Début octobre 2023, David déplorait l’attitude de l’administration française face à la conversion à l’électrique de sa Fiat 500 immatriculée pour la première fois le 22 mars 1965. Pour une prise de poids inférieure à 15 kg, la citadine italienne est aujourd’hui propulsée par un moteur sous 60 V alimenté avec une batterie d’une capacité énergétique de 11 kWh. À condition de ne pas aller chercher systématiquement la vitesse de pointe de 95 km/h, l’autonomie réelle en cycle mixte est de l’ordre d’une centaine de kilomètres.
Persuadé que le rétrofit est une solution à ne surtout pas négliger pour lutter contre la pollution et le dérèglement climatique, le pilote de ligne devait s’attaquer à deux verrous. En plus de celui propre à son cas particulier, il tenait à contester l’arrêté du 4 août 2023 auquel il échappait du fait de l’antériorité de son dossier, mais qui empêcherait d’autres automobilistes de pouvoir convertir à leur tour une voiture essence ou diesel.
Ce qu’il a gagné, en s’appuyant uniquement sur les textes officiels en vigueur lors de sa demande initiale, c’est la reconnaissance par l’administration française de la conversion de sa voiture. À noter que le véhicule conserve son genre VP (Véhicule particulier) en champ J1 sur la carte grise. C’est-à-dire qu’il est toujours bien reconnu comme une voiture, contrairement aux quadricycles proposés par plusieurs spécialistes professionnels du rétrofit.
Au centre des deux affaires : l’arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles. C’est lui qui a été modifié par celui du 4 août 2023. Auparavant, et malgré les réponses retournées par l’administration évoquant l’accord du constructeur et/ou des tests coûteux et dissuasifs à effectuer, le rétrofit électrique isolé était légalement possible. Un verrou supplémentaire a été posé au cœur de l’été 2023.
Le Conseil d’État a été saisi à ce sujet : « Là, on n’a pas gagné ! Il s’agissait de revenir sur le changement de texte, mais le Conseil d’État n’a pas vu l’intérêt de le faire. Leurs rédacteurs ont cependant écrit tous les arguments qui m’ont permis de faire homologuer ma Fiat 500. Ce qui fait que le ministère a eu l’obligation d’admettre mon véhicule ».
C’est surtout au niveau d’un service que ça coinçait : « J’étais en blocage avec la DGEC, la direction générale de l’Energie et du Climat, et plus particulièrement avec le bureau qui gère l’homologation des véhicules. Ce service fonctionne avec seulement deux personnes. Au début de ma démarche, il s’agissait d’un polytechnicien qui n’avait pas pris la peine de lire certains des textes sur lesquels je m’appuyais, et une responsable. Si l’une de ces personnes ne comprenait pas bien la situation, tout était bloqué ».
À lire aussiRétrofit : cette entreprise électrifie des Rolls-Royce mythiques et ne fait pas les choses à moitiéLe bras de fer aura duré un an de plus : « Avec ces deux personnes, j’ai eu énormément d’échanges. À un moment, la discussion a été bloquée, lorsqu’elles ont fait l’amalgame entre mon homologation à titre isolée et la saisine du Conseil d’État qu’ils ont perçue comme une démarche punitive de ma part. Ça s’est calmé quand je leur ai dit que je n’étais pas là pour faire la guerre, mais pour faire avancer mon projet selon l’application des textes ».
Passer par les ministres ne facilite pas toujours les choses : « Ça coinçait toujours parce que le service se référait à des exigences concernant les voitures neuves, alors que moi, j’avais converti un véhicule ancien. J’avais écrit à Christophe Béchu [NDLR : Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France dont dépendait la DGEC]. Ma demande a été redirigée vers la DGEC puis le bureau en charge des homologations. Ce qui n’a pas arrangé la situation ».
Avec l’arrivée en janvier 2024 de Gabriel Attal comme Premier ministre, la DGEC est passée sous le giron du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique : « J’ai donc écrit à Bruno Le Maire, mais on m’a renvoyé vers Christophe Béchu. Estimant que la DGEC dans mon affaire était juge et partie, j’ai demandé au ministre de l’Ecologie que mon dossier soit jugé à son niveau ».
Cette insistance a fini par déboucher sur une convocation : « En juin 2024, un rendez-vous m’a été fixé au ministère. Il ne fallait aborder que le cas de ma conversion. Il y avait les deux personnes du bureau d’homologation, mon interlocuteur de la Dreal qui avait reçu comme consigne il y des mois de ne plus me répondre, mon avocate, moi et une autre personne. Ça ressemblait plus à un tribunal inquisitoire qu’à une réunion pour faire avancer le dossier ».
Le contenu n’était pas à la hauteur des attentes de David : « Les échanges étaient assez délirants. Il m’a d’abord été demandé de faire des essais de compatibilité électromagnétiques. Finalement, ce point a été abandonné, car les éléments que j’ai employés pour le rétrofit sont déjà homologués à ce sujet. On avait l’impression d’une sorte de marchandage au cours duquel on me demandait en échange d’effectuer des tests de sécurité électrique ».
L’électromobiliste n’a pas voulu rentrer dans ce jeu : « Ils ont ressorti le dossier Utac en disant que je voulais faire rouler une voiture dangereuse. Quand j’ai assuré que je ferais les modifications nécessaires, ils se sont rendu compte qu’ils avaient mal lu les textes et s’étaient trompés. Ils m’ont alors proposé une contre-visite, promettant que si ma voiture la passait bien, la conversion serait admise ».
Accepter la proposition du ministère n’emballait pas vraiment notre interviewé : « Si je cédais, ma voiture serait homologuée certes, mais à titre exceptionnel. Et tout mon travail tomberait à l’eau. Je me suis replongé dans les textes. J’ai vu qu’on exigeait des points qui ne concernent que les voitures encore construites. J’ai relancé le bureau des homologations. Après un long moment de silence, j’ai reçu un message m’indiquant que le polytechnicien n’était plus en fonction ».
David a dû recommencer à expliquer : « Je suis tombé sur quelqu’un qui assurait l’intérim. Je lui ai demandé pourquoi on voulait que je me conforme à un texte qui ne me concernait pas. En parallèle, l’Utac m’a relancé pour la contre-visite. C’est là que je me suis aperçu que cet organisme, indépendant normalement, transmettait directement les infos au ministère. Alors que c’est moi qui devais les recevoir, à ma charge ensuite de les faire suivre ».
Cette situation entretenait le blocage : « J’avais des modifications minimes à effectuer. J’ai dû en demander le détail à cette cheffe qui refusait de me communiquer les informations. Ayant conservé la boîte d’origine, il me fallait ajouter une étiquette pour indiquer les vitesses à proximité du levier. L’autre point portait sur un bip de sécurité pour ne pas rouler avec le câble de recharge attaché. Cette personne a finalement été remplacée par quelqu’un de plus ouvert au rétrofit ».
Le renouvellement du bureau des homologations à la DGEC a été une aubaine pour notre lecteur : « Le nouveau responsable a voulu que je lui raconte toute l’affaire. L’ayant senti assez ouvert sur le principe, il a abondé dans mon sens. Après un deuxième échange où j’ai transmis la décision du Conseil d’État suite à ma saisine, il m’a laissé entendre que ma voiture devrait bien être homologuée et qu’il donnerait des consignes à l’interlocuteur de la Dreal ».
Homologuée, mais… : « J’ai reçu début décembre 2024 un procès-verbal d’homologation par dérogation ministérielle. Je ne voulais pas de dérogation, mais qu’on reconnaisse ma légitimité. Le nouveau document envoyé rapidement ensuite ne portait plus la mention. Je n’ai pas eu à débourser de frais pour les tests puisqu’il n’ont pas été nécessaires, mais j’ai dû sortir 12 000 euros dont je suis en droit de demander le remboursement, car ma démarche est légitime depuis le départ ».
Devant les blocages, David avait actionné un autre levier en juin dernier : « J’ai saisi le défenseur des droits parce que la situation était tout simplement insupportable. Traitant mon dossier en lanceur d’alerte, il a été destinataire de tous les échanges que j’ai eus avec l’administration. J’ai dénoncé le comportement du ministère qui a tout fait pour que ma démarche n’aboutisse pas. Si mon premier contact pour l’homologation remonte à 2017, c’est surtout deux ans et demi de bagarre pour obtenir quelque chose de légitime et écrit dans les textes officiels ».
La Fiat 500 est déjà proposée au rétrofit par des spécialistes professionnels : « Avec un résultat très différent. Chez Retrofuture, par exemple, le véhicule sera homologué en quadricycle lourd, avec une vitesse limitée à 80 km/h, contre 95 pour la mienne qui conserve mieux les caractéristiques d’origine. Avec la boîte de vitesses, on retrouve bien l’univers de la voiture en particulier grâce à son bruit mécanique toujours présent. Retrofuture exploite de son côté des éléments de la Citroën Ami, avec un moteur sous 48 V, contre 60 V sur ma 500 ».
David aime partager avec les autres la philosophie de sa démarche globale. Ce qui l’amène à régulièrement exposer sa Fiat 500, notamment aux stagiaires du CNVA (Conservatoire national des véhicules anciens) installé à Antony (92) : « Deux fois par an, je leur permets de faire un petit tour du parking avec la voiture, après un temps de théorie et d’histoire de mon projet ».
À la suite de la première interview, le Francilien a été contacté par plusieurs lecteurs d’Automobile Propre : « Je me suis même fait ainsi deux amis dont l’un espère pouvoir convertir une Renault Floride. C’est d’ailleurs quelqu’un de très documenté sur le sujet. On peut même dire qu’il est la bibliothèque dans le domaine ».
À lire aussiRétrofit : Nissan va présenter une Skyline R32 GT-R avec un moteur électriquePenseriez-vous que David en resterait là ? « Avec l’arrêté du 4 août 2023, la DGEC se retrouve à nouveau devant une page blanche. J’ai proposé de travailler avec cette structure pour faire avancer les choses. J’ai encore du boulot, mais maintenant il y a de l’ouverture. J’ai une marge d’échanges et de négociation. En démontrant que le rétrofit électrique est viable, je souhaite contribuer au développement de sa filière ».
La problématique : « Comment faire pour que ça ne coûte pas trop cher ? Du fait des frais importants d’homologation pour un kit sur un seul type de véhicule, je ne suis pas sûr que les professionnels du rétrofit arrivent à se payer en demandant 15 000 euros. En amont d’une conversion, il faut déjà effectuer une étude de faisabilité pour laquelle des bureaux d’étude peuvent demander jusqu’à 30 000 euros ».
Une telle somme est dissuasive pour une conversion à titre isolé : « J’ai commencé à développer un outil qui permettrait de bien diminuer cette part en trouvant la chaîne de traction permettant de conserver les performances d’origine du véhicule. En travaillant sur des modèles à très forte plus-value, le coût réduit de l’étude de faisabilité serait supportable. Je pense, par exemple, à une Jaguar Type E dont le poids après rétrofit pourrait même être inférieur à celui d’origine ».
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup David pour son accueil, sa disponibilité et son témoignage que nous avons sollicité.
Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.
Philippe SCHWOERER
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