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Tesla pourrait-elle disparaître ?

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Cimetière Tesla
Cimetière Tesla

Ventes en chute libre, polémiques incessantes, Elon Musk en roue libre… Il ne vous aura certainement pas échappé que Tesla ne semble pas au mieux de sa forme depuis quelques mois. Au point de disparaître ?

Sans refaire tout l’inventaire des déboires de la marque et des raisons pour lesquelles elle est dans la sauce, de nombreux éléments pourraient laisser penser qu’elle est même en danger existentiel. En tout cas, c’est ce que l’on dirait s’il s’agissait de n’importe quelle autre entreprise.

Mais Tesla n’est pas une entreprise comme les autres. Alors, pourrait-elle disparaître ? Avant de répondre à cette question, ou pas, un point sur la situation, où l’on voit que la balance pèse très fortement du côté des signaux négatifs, même si l’on sait que nombre d’experts avaient déjà prévu la faillite de Tesla dans les années 2017-2019, avec la clairvoyance qui les caractérise.

Cela étant, la différence cette fois réside essentiellement dans le fait que les difficultés de Tesla ne sont pas uniquement d’ordre économique ou conjoncturel, mais aussi d’ordre politique, voire géo-politique. Mais pèsent-elles si lourd dans la balance, ou sont-elles de l’ordre de la réaction épidermique temporaire ? Aïe, terrain glissant. Essayons de faire le point calmement, loin des saluts nazis et des tweets rageurs.

Des ventes et une valorisation boursière en chute libre

Tesla fait actuellement face à une baisse significative de ses ventes et de son cours de bourse, ce qui peut effectivement alimenter les spéculations sur sa survie. En 2024, Tesla a livré 1,79 million de véhicules, contre 1,81 million en 2023, ce qui représente une baisse de 1,1 %, certes faible, mais la première depuis 2011. Cette tendance s’est accentuée en début 2025, avec une chute de 7,78 % des ventes en janvier, malgré une croissance globale de la vente des voitures électriques de 24%. En termes de production, Tesla a produit 1,77 million de véhicules en 2024, en baisse de 4 % par rapport à 2023, indiquant une surcapacité face à une demande ralentie.

Si l’on regarde plus en détail et par région, les chiffres d’immatriculation de janvier sont alarmants : une chute de 60 % en Allemagne et de 63 % en France, les deux marchés les plus importants pour Tesla en Europe, sans oublier les baisses de 42 % aux Pays-Bas et un vertigineux -75 % en Espagne. Face à ces statistiques vertigineuses, la question de la pérennité de Tesla n’est plus taboue. N’oublions pas aussi la presque catastrophe industrielle du Cybertruck, dont finalement pas grand monde ne veut, y compris sur son marché domestique.

De son côté, le cours de bourse de Tesla a atteint un pic de 488,54 USD en décembre 2024, mais a chuté à environ 263,43 USD en mars 2025, soit une baisse de plus de 30%. La valorisation actuelle, estimée à 823,07 milliards de dollars, place encore Tesla parmi les 10 entreprises les plus valorisées au monde. Une valeur massive qui reflète les attentes des investisseurs, mais aussi les risques liés à sa dépendance à Elon Musk.

Avant d’en venir au cas Musk, il faut savoir que plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’abord, la concurrence s’intensifie, notamment avec des fabricants chinois comme BYD, qui a vu ses ventes internationales augmenter de 71,9 % en 2024, et qui est probablement en train de devenir un géant, voire un prochain leader mondial de l’automobile électrique. Et donc, à terme, de l’automobile tout court, et ce malgré un endettement assez préoccupant évalué, selon les sources, de 23 à 44 milliards de dollars. D’une façon générale, l’offre de voitures électriques en provenance de Chine s’étoffe et monte en qualité, ce qui menace directement Tesla, notamment en Europe, où malgré les tarifs douaniers, outre BYD, des marques comme Xpeng, MG, Zeekr ou Leapmotor se font une place au soleil. Il y a aussi plus prosaïquement la stratégie de Tesla, qui interroge, comme notamment le retard dans le lancement d’un modèle à 25 000 euros, au profit de la mise en avant de concepts encore incertains comme le Cybercab.

Elon Musk dans le viseur des anti-Tesla (dont certains sont d’anciens pro-Tesla)

Bien sûr, les projecteurs sont tous braqués sur un autre facteur clé, celui de l’engagement politique d’Elon Musk. Depuis son soutien à Donald Trump et son rôle dans le « Department of Government Efficiency » (DOGE), Musk a été critiqué pour ses positions, spécifiquement en Europe où sa popularité dégringole de façon spectaculaire. Des protestations, comme les « Tesla Takedown » aux États-Unis et des actes de vandalisme en Allemagne et en France, montrent un rejet de l’image de Musk, ce qui a pour effet d’affecter les ventes, avec une baisse de 45 % en Europe en janvier 2025 comparé à 2024. Cependant, des analystes soulignent que la concurrence et les choix stratégiques, comme la réduction des subventions en faveur des voitures électriques, jouent aussi un rôle, rendant difficile d’attribuer l’entièreté de la responsabilité du désastre au seul Elon Musk.

Quoiqu’il en soit, il ne fait pas bon être propriétaire d’une Tesla par les temps qui courent, y compris si l’on a été – ou est encore – un fan de la marque et défenseur de son gourou. Ce qui pose de nombreuses questions induites par cette situation. Tout d’abord, que vont faire les actuels possesseurs d’une Tesla ? Vont-ils faire le dos rond et attendre sagement que la tempête s’apaise — si elle s’apaise un jour — en évitant de trop se montrer ? Quel impact des craintes peuvent-elles avoir sur l’intention d’achat d’une Tesla neuve, chez les particuliers et les entreprises ? Et surtout, quelles conséquences sur la côte des Tesla d’occasion, si le marché est submergé de voitures invendables car inachetables par crainte de dégradations ? Idem pour le tarif des assurances, quand on connaît les répercussions (supposées ou réelles) de ce type d’évènement sur le montant des primes. En fait, Tesla fait face à une situation inédite où le contexte économique et concurrentiel défavorable se double de nombreux appels au boycott, et même de passages à l’acte.

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Le plus étonnant dans tout cela ? Musk donne l’impression de s’en moquer complètement. Non seulement il n’a pas un mot pour ses clients, mais il continue son activisme politique radical en postant plusieurs dizaines de messages par jour sur sa plateforme X, jusqu’à saouler même ses plus fervents partisans. Or, le seul moyen de sauver Tesla de la défiance actuelle serait probablement de faire amende honorable et de donner certains gages, quitte à ravaler un peu sa morgue. Mais il n’en est rien, et on se demande dans ces conditions si la fronde contre la marque va pouvoir s’atténuer un jour. L’autre solution, pour sauver les meubles, serait qu’Elon Musk quitte ses fonctions et disparaisse littéralement de l’organigramme de Tesla, au profit d’une personnalité beaucoup moins clivante, voire un peu plus consensuelle. Pas sûr que cela se produise dans un avenir proche…

Rappelons également cette autre particularité qui caractérise l’unicité de Tesla, et qui résonne d’autant plus fortement en cette période troublée : Tesla n’a pas de service marketing et n’a jamais dépensé un seul centime en publicité, pour la bonne raison que son premier vendeur est l’influenceur (le mot est faible) Elon Musk en personne. Ce qui a, jusque-là, pas trop mal fonctionné. Mais ce qui était autrefois un atout est devenu aujourd’hui un handicap, et le boss est en train de saboter en quelques semaines et autant de tweets des années de construction de l’image de la marque, et de déliter une adhésion unique, que seul Apple avait peut-être réussie jusque-là.

Alors, Tesla est-elle réellement en danger ?

La situation est grave, mais peut-être pas désespérée. Là aussi, pour plusieurs raisons.

À ce stade, il convient de rappeler la singularité du modèle opérationnel de Tesla. Contrairement aux constructeurs automobiles traditionnels, la firme américaine, en tant qu’entreprise cotée en bourse, est soumise à une forte pression trimestrielle de la part de ses investisseurs. Cette contrainte se traduit par une stratégie de production et de livraison optimisée pour chaque fin de trimestre. Ainsi, le premier mois de chaque trimestre est souvent dédié à la production pour l’exportation, utilisant des modes de transport lents comme le bateau. Le deuxième mois est consacré au transport, et le dernier mois est un véritable sprint de livraisons pour gonfler les chiffres et rassurer les marchés. Ce cycle particulier explique en partie la faiblesse des immatriculations en début d’année. En décembre 2024, Tesla a multiplié les incitations en Europe pour écouler ses stocks de Model Y, offrant des remises et une année de Supercharge illimitée. Dans ce contexte, il est logique que les livraisons de janvier 2025 soient en retrait, les stocks ayant été largement liquidés en fin d’année précédente.

Autre facteur, je sais que vous l’avez tous en tête, et j’y viens : le renouvellement tant attendu du Model Y. Le best-seller de la marque, particulièrement en Europe vient de se refaire une beauté avec sa nouvelle version « Juniper », attendue — et annoncée à demi-mots — depuis le printemps 2024. L’officialisation de cette nouvelle version en Asie le 10 janvier 2025, puis en Europe deux semaines plus tard, a inévitablement freiné les achats de l’ancienne version. C’est un phénomène classique dans l’industrie automobile : l’annonce d’un nouveau modèle, surtout d’un modèle phare, incite les clients potentiels à patienter pour bénéficier des améliorations. On se souvient des rumeurs entourant le restylage de la Model 3 qui avaient déjà eu un impact similaire.

Autre indice favorable : la désaffection pour la marque ne semble pas toucher tous les pays. Au Royaume-Uni, les ventes de Tesla on fait un bond de 20,7% en février 2025 par rapport à la même période de l’année précédente. Sans surprise, les modèles Tesla Model 3 et Tesla Model Y se sont particulièrement distingués, se classant respectivement deuxième et troisième voitures les plus vendues au Royaume-Uni ce mois-ci, juste derrière la Mini Cooper. Cela étant, il faut pondérer ce chiffre en tenant compte du contexte très favorable de croissance des ventes de véhicules électriques depuis plusieurs mois au Royaume-Uni, avec encore une progression de 41.7% en février.

Un rachat de Tesla par une autre marque ou par un fonds d’investissement ?

L’hypothèse d’un rachat de Tesla par un autre groupe automobile est une question spéculative qui parait assez peu plausible. Dans l’état actuel, avec une valorisation boursière qui, même en baisse, reste considérable, il est difficile d’imaginer quel groupe aurait la capacité financière et la volonté stratégique de réaliser une telle acquisition. De plus, l’identité de Tesla est intrinsèquement liée à la figure d’Elon Musk, ce qui compliquerait une éventuelle vente. La question de savoir si Tesla est vendable dans l’état actuel est complexe. Sa valorisation reste élevée, à 823,07 milliards de dollars (par comparaison, celle de tout le groupe Stellantis est de 34 milliards, soit 24 fois inférieure), malgré la récente baisse du cours de bourse. Trouver un investisseur capable et désireux de débourser une telle somme, tout en acceptant les incertitudes actuelles, représenterait un défi monstrueux, voire impossible.

Voilà, on est bien avancés, hein ?

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Au final, la question sur l’avenir assombri de Tesla n’a pas de réponse simple. Si la situation actuelle est préoccupante, elle n’est pas pour autant une fatalité. Tesla, qui fut longtemps perçue comme l’icône de l’innovation dans la mobilité électrique, doit maintenant affronter une réalité économique et concurrentielle qui ne laisse plus autant de place aux rêves et aux espoirs démesurés. Par conséquent, l’avenir de Tesla dépendra avant tout de sa capacité à se réinventer, comme on dit dans les magazines économiques. Ce qui passerait d’une part par la commercialisation du tant attendu petit modèle à moins de 25 000 euros, accompagné d’un changement de leadership. Une nouvelle gamme annoncée par un nouveau patron aurait probablement un impact positif faisant un peu oublier et tourner la page des dérapages actuels.

Tesla pourrait aussi rebondir si elle parvenait à lancer avec succès le robotaxi prévu pour 2026, avec une production annuelle cible de 2 à 4 millions d’unités. Des analystes prévoient une croissance des livraisons de 30 % en 2025, mais cela dépend de la capacité de Tesla à gérer la concurrence et à restaurer la confiance des consommateurs. Des stratégies comme des réductions de prix, une expansion en Chine, et une meilleure gestion des coûts pourraient aider, mais elles nécessitent un recentrage sur l’innovation plutôt que sur les distractions politiques de Musk.

Car, au-delà des chiffres et des débats financiers, n’oublions pas qu’à l’origine, il y avait une ambition proclamée de changer le monde. Alors certes, la mission est presque accomplie, mais pas forcément de la façon dont nous l’avions entendue au départ.

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