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Aujourd’hui à l’âge de la retraite et résidant à Paris, Guy roule avec une Toyota Yaris diesel de 2006. Souhaitant passer à l’électrique, il doit composer avec une allocation pour adulte handicapé peu élevée. La diminution du bonus gouvernemental, puis de l’aide de la métropole de Paris, et maintenant la disparition de la prime à la conversion ruinent son projet.
Guy témoigne sans complexe de sa situation : « À l’âge de huit mois, j’ai chopé une méningo-encéphalite virale. C’était en janvier 1958. Les enfants atteints mouraient souvent à l’époque. Moi, j’en suis ressorti en gardant des séquelles. Les traitements se sont améliorés depuis. Un de mes petits cousins qui a connu la même maladie au début des années 1980 n’en a gardé aucun handicap ».
Utiliser un véhicule n’est alors pas simple : « Je vis avec une hémiparésie. C’est un peu comme une hémiplégie. J’éprouve une sorte de paralysie de tout un côté. Ma main droite est une main d’accompagnement que je peux toutefois utiliser pour manier un levier de vitesses, ce qui me fait un peu de kiné. À 14 ans, quand je faisais de la mobylette, il m’est arrivé que ma main se crispe sur la poignée de droite en actionnant l’accélérateur à fond. Je devais compenser en freinant au maximum ».
Notre lecteur se souvient de la période du passage de son permis : « Dans chaque département en France, il y avait dans les années 1970 au moins une auto-école permettant d’obtenir le permis avec boîte automatique. Pour le Gard où j’habitais, c’était celle de Caveirac, près de Nîmes. Je ressentais une certaine honte que le moniteur vienne me chercher avec une Daf Variomatic. Je trouvais cette voiture très moche, mais elle m’a permis de décrocher du premier coup le permis ».
Pour pouvoir conduire, Guy a besoin d’une voiture adaptée : « La pédale d’accélérateur doit être positionnée à gauche de celle des freins, à la place de celle de l’embrayage sur un modèle à boîte mécanique. Ce qui me prive de la possibilité d’utiliser les services d’autopartage ou de louer ponctuellement une voiture. J’ai aussi une boule sur le volant, mais je peux le prendre souvent avec les deux mains quand la route est tranquille ».
Même s’il réside à Paris, notre lecteur a besoin d’une voiture : « La question à laquelle il me faut répondre en permanence, c’est comment agir avec mon handicap ? Je dois toujours trouver ma possibilité d’autonomie. Avec l’âge, il est important que je prenne de plus en plus soin de mon côté gauche. C’est ma jambe gauche qui me permet de me tenir debout, et c’est ma main gauche qui me donne mon autonomie de mouvement. J’ai donc dû réduire mes déplacements en métro à cause des escaliers. Je dois me préserver ».
La Toyota Yaris diesel de 2006 à boîte robotisée est bonne à remplacer : « C’était un cadeau de fin de vie de ma mère. Le compteur indique 180 000 km environ. J’ai commencé à rencontrer des pannes coûteuses à réparer. D’abord un alternateur à 900 euros, puis l’embrayage facturé 3 000 euros. J’ai dû prendre un emprunt sur quatre ans auprès du Crédit Municipal pour payer. Un autre organisme financier ne m’aurait pas accordé de prêt, car mes revenus ne sont pas saisissables dans le cas où je ne pourrais plus rembourser ».
À lire aussiEn évitant Hyundai pour la révision de sa Ioniq, Céline a économisé de quoi acheter deux pneus neufsJeune, Guy a quitté les Cévennes pour venir s’installer à Paris : « Je voulais être acteur. J’ai pu vivre une année en intermittent du spectacle. À 18 ans, j’ai aussi été moniteur de colo. J’ai travaillé à la Sécu, pour l’association Aides de lutte contre le Sida, France Télécom, et même un peu comme professeur. C’était de courtes missions desquelles je ne retire que trois ans de cotisations pour le calcul de ma retraite. J’ai longtemps vécu en MDPH [NDLR : Maison départementale pour les personnes handicapées] ».
Le budget est très serré à l’heure de changer de voiture : « Je vis principalement de mon allocation d’adulte handicapé de laquelle est défalquée ma retraite. Je touche de l’ordre de 1 100 euros par mois. Pour le logement social de la porte d’Auteuil où je suis depuis environ six ans, je bénéficie de l’APL et du chèque Énergie ».
Face à cela, même les citadines thermiques apparaissent chères à notre lecteur : « En 2006, ma Toyota Yaris avait coûté 19 500 euros. Aujourd’hui, si je voulais conserver son haut niveau de finition et une conduite sans pédale d’embrayage, les citadines plus petites Toyota Aygo et Kia Picanto sont dans les 20 000 à 21 000 euros. En électrique, j’élimine les Peugeot e-208 et Opel Corsa-e trop chères. Les modèles qui m’intéresseraient seraient les Renault 5 E-Tech 120 ch, Citroën ë-C3 et Hyundai Inster ».
Reprendre une voiture thermique serait un non-sens pour Guy : « Aujourd’hui, j’aurais le budget pour acheter quoi, en thermique ? Un véhicule aussi ancien et kilométré. Dans mon cas, il ne faut pas oublier que je dois prévoir 1 500 euros de plus pour une boîte automatique et 1 000 euros pour l’aménagement du véhicule. Je ne suis pas assez dépendant pour pouvoir prétendre à l’aide concernant ce dernier ».
Une électrique pouvait apparaître finalement plus accessible : « Quand je me suis intéressé à l’électrique en 2021, j’ai calculé que, cumulées, les aides dont je pouvais bénéficier s’élevaient jusqu’à 19 000 euros, en comprenant en particulier celle de la métropole et la prime à la conversion. Mon problème est que je ne peux pas mettre plus de 10 000 euros ».
Au départ, notre lecteur pensait se contenter d’une Dacia Spring : « Je sais, elle a des défauts, mais au moins, celle-là, je pouvais l’acheter sans être embêté. Grâce à des vidéos Internet concernant ce modèle, j’avais bien compris qu’il me faudrait remplacer quasiment de suite pour la sécurité les pneus et les essuie-glaces. En outre, les lève-vitres électriques en console centrale ne sont pas très pratiques pour moi ».
Le plan initial de Guy a été mis à mal : « Le premier problème pour moi a été que le gouvernement a squeezé tous les modèles venant de Chine. Ne pouvant bénéficier du bonus, ni de l’aide de la métropole qui s’est alignée sur la position du gouvernement, la Spring ne m’était donc plus accessible. Stellantis s’est allié à Leapmotor pour commercialiser la T03 en France, mais là encore, on est actuellement sur une fabrication chinoise ».
L’annonce toute récente concernant la suppression de la prime à la conversion a porté le coup fatal au projet : « J’avais déjà dû le modifier en sélectionnant un nouveau modèle de voiture électrique, éligible aux aides dont les montants avaient cependant déjà diminué entre temps. Avec la disparition de la prime à la conversion, c’est tout simplement une grosse partie de ce que j’estime être mon capital qui s’est évanouie. J’avais droit au montant maximal de 5 000 euros, étant dans le premier décile ».
Notre lecteur pourrait très bien continuer à utiliser son véhicule diesel s’il le voulait : « Dans Paris, on veut interdire de séjour les voitures en Crit’Air 3 comme ma Toyota Yaris. Mais moi je ne suis pas concerné parce que j’ai le macaron ‘Handicap’ sur le pare-brise. Les quatre premiers arrondissements se veulent des zones sans voiture. Mais je peux passer grâce au macaron ».
Guy pourrait donc continuer à rouler dans Paris avec son vieux diesel sans se poser de questions : « Si une voiture comme la mienne, ce n’est pas bien parce que ça pollue, pourquoi moi, j’aurais le droit de l’utiliser ? Quel est le rapport entre le handicap et la pollution ? Il ne faut pas que le handicap soit un privilège ou perçu comme un droit à polluer. La bonne formule est d’aider la personne avec un handicap dans sa transition énergétique ».
Notre lecteur doit également faire face à d’autres questions : « Si j’ai éliminé la Citroën ë-C3, c’est en raison de ses bugs. Il faudrait bien attendre douze ou dix-huit mois pour la vouloir en neuve et ne pas acheter les premiers modèles d’occasion. La Renault 5 E-Tech bénéficie d’une meilleure finition avec la pompe à chaleur et les sièges chauffants, la rapidité de la recharge, etc. En outre, la petite batterie satisfait aux recommandations de l’Ademe pour une empreinte carbone limitée des véhicules électriques ».
Le projet d’achat d’une voiture électrique est reporté : « Je vais attendre au moins 2026 pour, par exemple, découvrir les caractéristiques des modèles à venir, comme la future Renault Twingo. J’ai besoin d’aller régulièrement dans les Cévennes [NDLR : à un peu plus de 700 km de Paris]. Je ne prends pas l’autoroute qui double le prix du trajet. Il me faut environ dix heures par la route. Je ne veux pas avoir à le faire en vingt heures avec un VE ni devoir dormir à l’hôtel en cours de route ».
À lire aussiTémoignage : Xavier a choisi la Citroën ë-C4 pour ses 700 km hebdomadairesÀ Paris et en logement social, comment Guy pense-t-il recharger sa potentielle future voiture électrique ? « On parle souvent de la recharge dans les copropriétés, mais jamais dans les logements sociaux. Je paye pour une place de stationnement en sous-sol, c’est pratique, mais il n’y a rien pour recharger. J’ai demandé à Paris Habitat si je pourrais avoir une prise. A priori, ce n’est pas possible ». Sur son site Internet, l’organisme indique pourtant répondre aujourd’hui de manière individuelle aux sollicitations, en attendant « un appel d’offres qui désignera un opérateur en charge d’équiper notre parc ».
Ce serait au niveau des textes officiels que ça coincerait, en raison de la configuration particulière du parking : « Il est divisé en deux zones principales. Celle à droite, derrière un portail, est réservée à une résidence pour les séniors et à une copropriété. De l’autre côté, avec une bâche qui monte et descend, mais qui en souvent en panne, c’est pour les logements sociaux et EasyPark. Il m’a été répondu que d’installer des prises pour la recharge nécessiterait une présence humaine à cause de l’étendue du garage ».
Il y a tout de même une solution : « A 300 mètres, il y a un espace de recharge. Bien sûr, il faut sortir la voiture, charger la batterie, et la rentrer dans le garage. Après tout, on le fait bien pour une voiture thermique. Le faire de nuit à vitesse lente en stationnement résidentiel, ce serait la solution, mais comme la politique de la ville de Paris et de dégager et cacher les voitures, ce n’est pas vraiment envisageable ».
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Guy pour son accueil, sa disponibilité et son témoignage que nous avons sollicité.
Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.
Philippe SCHWOERER
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