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Électromobiliste aujourd’hui à la retraire, Martial nous a apporté lors d’un long entretien un double témoignage. Tout d’abord ce qu’il a vécu professionnellement chez Schneider Electric alors qu’un besoin de normes se faisait sentir pour la recharge des véhicules électriques. Et les difficultés qu’il a rencontrées à titre personnel avec le conseil syndical dans la copropriété où il réside.
Ayant débuté comme ouvrier, Martial a connu une vie professionnelle intense qui l’a conduit à devenir ingénieur à force de pugnacité : « J’ai aujourd’hui 65 ans. Les gens de ma génération sont qualifiés de ‘boomers’, mais il est peu courant de pouvoir y associer l’image du ‘geek de l’informatique’ que je suis aussi ».
Si son foyer roule 100 % électrique, il faut en rechercher la cause dans son parcours pour exercer un métier plus passionnant : « Nous avons actuellement une Renault Zoé 41 kWh et une Tesla Model 3 Performance. Ce n’est pas pour des raisons économiques, mais pour l’agrément de conduite et pour l’aspect environnemental. Mon mémoire pour devenir ingénieur en 2004 portait sur le développement durable et la stratégie d’entreprise ».
Huit ans plus tard, l’électromobilité était déjà très concrète pour notre lecteur : « En 2012, j’étais ingénieur de recherche à Grenoble pour Schneider Electric chez lequel Renault et BMW avaient confié le développement de leurs solutions de recharge. Sachant que j’allais acheter une Zoé fin 2012, le chef de projet m’a proposé d’installer dans mon box une borne 3,7 kW en socle T3. Offerte par Schneider, seule la main d’œuvre était à ma charge ».
Si Martial a voulu concrétiser si tôt le projet d’acheter une voiture électrique, c’est directement lié à la mission donnée à son employeur par les deux constructeurs : « Dans ce cadre, j’ai eu l’occasion de conduire des prototypes de véhicules électriques, et même de pouvoir rentrer chez moi avec. C’étaient des Renault Fluence, Mitsubishi i-MiEV avec conduite à droite, Zoé sous camouflage, et mulet de BMW i3 dans une carrosserie de Série 1 ».
Concernant cette dernière, deux petites anecdotes : « Le coffrage de la batterie était visible à l’arrière sous la voiture. Les gens qui le remarquaient se demandaient ce que ça pouvait être. Comme il était assez bas, je l’accrochais régulièrement dans les rampes d’accès à mon box. C’est avec ces prototypes que j’ai découvert l’agrément de conduite des VE, des années après avoir vu, quand j’étais à Paris, qu’il existait des Citroën AX et des Peugeot 106 électriques à batterie plomb acide ».
Notre lecteur a partagé sa découverte avec sa femme : « Je l’ai emmenée essayer une Zoé. Elle a été emballée, pensant alors remplacer sa Toyota IQ. Pour la première fois de notre vie, nous avons signé immédiatement afin d’en acheter une, sans même une nuit de réflexion. À l’époque, dans les concessions Renault, on vous orientait plutôt vers une Clio diesel ».
À lire aussiTémoignage : Xavier a choisi la Citroën ë-C4 pour ses 700 km hebdomadairesMartial a pourtant connu une expérience très différente : « Chez Auto Dauphiné à Echirolles où j’ai passé commande, le concessionnaire ainsi que le directeur régional des ventes de Renault étaient moteurs pour promouvoir la Zoé. Dans des assemblées où le constructeur invitait des clients potentiels, j’apportais mon expérience d’utilisateur avec une approche non mercantile. J’ai pour cela bénéficié de mois de location gratuite sur la batterie ».
Le garage dont il dispose dans la copropriété où il réside peut faire rêver : « C’est un box qui a été réalisé quand la résidence était toute neuve, pour une personne handicapée avant moi. C’est pourquoi il est particulièrement grand, avec une surface au sol de 35-40 m2, permettant d’y loger facilement deux voitures. Il était déjà équipé d’une fermeture électrique et d’une alimentation en électricité ».
Cinq voitures électriques ont été abritées là : « En 2017, la première Zoé a été remplacée par un modèle 41 kWh que nous avons encore. Depuis début 2019 et l’arrivée de la première Tesla Model 3 Performance, nous n’avons plus de thermique. Parce que c’est un modèle en constante amélioration, je l’ai remplacé deux fois, payant toujours moins cher. Le modèle de base était à 69 300 euros en 2019, mais à 61 189 euros en février 2022, puis 55 990 euros en juin 2024 ».
C’est depuis les laboratoires Schneider Electric de Grenoble que la démonstration de la dangerosité de tirer 16 A en permanence sur une prise domestique a été faite : « Ce n’est pas comme avec un four électrique où la puissance n’est pas toujours au maximum sur plusieurs heures. Tous les modèles que nous avons testés en vieillissement accéléré ont fini en emballement thermique. La question à se poser n’est pas ‘Est-ce que ça arrivera ?’, mais ‘Quand cela va-t-il arriver ?’ ».
En cause, la dégradation du plastique : « Ça se produit toujours au plus près des parties actives de la prise. Le plastique va ramollir avec l’échauffement si on tire 16 A sans interruption pendant des heures. Grâce à l’effet mémoire, tout se remet en place. Mais si on le fait trop souvent, on perd progressivement cette faculté. Un dépôt carboné va se produire, créant les conditions d’une inflammation ».
Ce qui a déclenché une certaine prise de position chez les constructeurs de VE à l’époque : « Renault, Nissan et BMW ont alors poussé à ne pas utiliser autre chose que des bornes. Et ce, par crainte que des incendies lors des recharges chez les particuliers provoquent une certaine hystérisation dans le monde médiatique. Les constructeurs ne voulaient pas voir tués dans l’œuf des projets pour lesquels ils avaient investi quelques milliards d’euros ».
En 2012, il n’y a pas vraiment de textes officiels concernant la recharge des véhicules électriques : « On a dû créer les normes internationales IEC (séries 61851-xx) ainsi que le processus de certification internationale IECEE qui n’existait pas pour ce matériel. Le législateur s’est basé sur nos travaux pour limiter à 8 A maximum la recharge sur les prises type E. Alors que ce n’est pas dans ses attributions d’interférer dans les normes. J’en déduis qu’il y a dû y avoir une interaction au niveau ministériel pour qu’il s’empare du sujet ».
Dans le prolongement de ses travaux, Schneider Electric a débuté sa gamme de bornes de recharge : « Nous avons réemployé des éléments déjà éprouvés par l’entreprise, par exemple les contacteurs provenant de solution d’alimentation électrique pour l’industrie. Les belles Wallbox BMW, par exemple, ne sont autres que du matériel Schneider Electric avec une enveloppe créée par le constructeur. Avant la commercialisation, nous avons eu une étape ou des bornes ont été installées gratuitement pour une évaluation et un retour d’utilisateurs sur le terrain ».
Notre lecteur a, non seulement participé au processus d’élaboration des normes, mais aussi pu tester une des premières bornes : « À l’époque, il n’y avait pas encore les prises renforcées Green’Up de Legrand. Comme ma borne 3,7 kW était un prototype, elle n’avait pas de numéro de série. Ce qu’exigeait Renault, en plus de la pose par un installateur agrée, pour une question d’assurance concernant la batterie louée de la Zoé. Schneider a dû s’arranger directement avec le constructeur et la Diac. Le service marketing et qualité de mon entreprise était présent lors de la pose ».
Le box de Martial se prêtait particulièrement bien à l’expérimentation : « Il était déjà électrifié avec un tableau dans le local. On a juste remplacé les protections amont et aval par les bons disjoncteurs et différentiels. Et ajouté un compteur d’énergie MID nécessaire à la répartition de la consommation dans les charges communes du parking. Il a fallu obtenir une autorisation en assemblée générale de la copropriété. Une étape épique ».
C’était en décembre 2012 : « Les fake news concernant les véhicules électriques n’étaient pas encore beaucoup diffusées. Certains copropriétaires pensaient que j’allais tirer 43 kW de puissance sur ma ligne de section 2,5 mm². Ma situation d’ingénieur en électrotechnique m’a bien aidé à démonter tous les arguments les uns après les autres. J’avais même pris en fer à repasser pour comparer avec eux son étiquette à la fiche technique de la Zoé et montrer que ma voiture n’allait pas tirer bien plus que les 3 000 W de l’appareil ».
Ce qui n’était pas suffisant : « Mon droit à la prise a été mis sur la table, avec la ferme intention pour moi d’aller en procédure si ma demande était refusée. Je pouvais compter sur le soutien au besoin du service juridique de Schneider. La borne a finalement pu être rapidement installée à partir de là, d’abord pour alimenter le mulet de la BMW i3, puis la Renault Zoé de ma femme dès mars 2013 ».
Avoir une Renault Zoé il y a une dizaine d’années pouvait être assez mal perçue : « Certains dans la résidence avaient pris en grippe notre voiture électrique. Les attaques de quelques membres du conseil syndical se sont renforcées. Allant jusqu’à provoquer un audit de vérification de la conformité de mon installation l’année de l’arrivée de ma première Tesla Model 3, ‘une voiture à 150 000 euros’. La copro a donc payé 1 500 euros pour rien à l’organisme de certification Socotec ».
Le diagnostic n’était pas celui attendu : « Socotec a confirmé en 2019 ou 2020 que mon installation était parfaitement conforme à la norme NF C 15-100 et au guide UTE C 15-722. Mécontents de ce retour de bâton, des membres du conseil ont dit vouloir lancer une contre-expertise à leurs frais. J’ai dû siffler la fin de partie à un moment, en indiquant que j’allais déposer plainte pour harcèlement. Il y a eu un petit remaniement au CS ».
Entre temps, la décision avait déjà été prise de recourir à Zeplug dans la copropriété : « Je pense que, à l’origine, il s’agissait de m’embêter et de faire que je paye plus cher mon énergie. C’est tombé à côté, le syndic leur soulignant que n’étaient concernés que les nouveaux accédants. Depuis, pas mal de voitures électriques et hybrides rechargeables sont arrivées dans le parking, mais personne ne prend l’option Zeplug jugée trop chère et contraignante ».
À lire aussiTémoignage : ce commercial fait jusqu’à 900 km par jour en Tesla Model Y à « petite autonomie »Des problèmes sont à prévoir à terme dans la copropriété : « Tous ces véhicules sont rechargés sur de simples prises domestiques à une valeur inconnue. Il arrive que le disjoncteur local s’ouvre en surcharge. Bref, avec un conseil syndical aveuglé par certains préjugés, on passe à côté du fait que ces nouveaux arrivants font peser des risques de sinistres et/ou de saturation du circuit local ».
En exemple concret : « Dans les parties communes, il n’y a que 60 A. Si trop de véhicules sont en recharge simultanément et que quelqu’un appelle un ascenseur au mauvais moment, ça va disjoncter. Il faut une solution propre en faisant venir un câble depuis la rue ».
Martial a voulu pousser une solution qui éliminerait les risques : « J’ai proposé l’option de fermer le contrat Zeplug et de partir avec Engie. Mais trop de personnes au conseil syndical pensent que le VE n’est qu’un épisode et qu’elles ne rouleront jamais en voiture électrique. Elles ne se sentent donc pas concernées ».
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Martial pour son accueil, sa disponibilité et son témoignage que nous avons sollicité.
Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.
Philippe SCHWOERER
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