AccueilArticlesInterview : quelles sont ces voitures électriques qui s’emboîtent comme des caddies ?

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Quadricycle électrique Kiwee pour l'autopartage
Quadricycle électrique Kiwee pour l'autopartage

Cofondateur et directeur des opérations de l’entreprise Metacar créée pour développer et commercialiser le concept Kiwee, Valery Cervantes présente à nos lecteurs ce projet né d’un long cheminement en partie personnel. Il est possible de soutenir le programme par l’intermédiaire de la campagne de financement participatif actuellement en cours sur Wiseed.

Le concept Kiwee

Ce n’est pas au Consumer electronics show de 2025 que le concept Kiwee a été présenté, mais à l’édition de 2020. À l’époque, il était déjà question d’une expérimentation dans le secteur de Lyon pour 2022. Entre temps, l’épisode Covid qui a ralenti nombre de programmes est passé par là, sans remettre en cause la pérennité de l’entreprise. En quelques mots, Kiwee, c’est une solution d’autopartage avec des microcars électriques biplaces qui ont pour particularité de s’emboîter l’une derrière l’autre.

Comme sur les caddies de supermarchés, cette inclusion est possible, car l’écartement des roues à l’arrière est différent de celui à l’avant : « L’écart a été étudié pour ça fonctionne sans frottement avec tous les débattements possibles ».

L’emboîtement permet de : réduire l’empreinte au sol des stations qui peuvent recevoir jusqu’à dix quadricycles, recharger les véhicules avec une seule borne localisée en tête de file, faire déplacer par un seul opérateur plusieurs véhicules à la fois : « On maximise ainsi les rotations et les investissements. Dans les services d’autopartage, les voitures finissent souvent dans des stations à faibles demandes. Notre système permet de les déplacer rapidement vers les sites où il y a des besoins ».

Pour qui Kiwee ?

Le transport des personnes est un sujet que connaît très bien Valery Cervantes : « J’ai travaillé pendant dix-sept ans dans le transport public, à la conception d’autocars et d’autobus pour desservir au mieux les zones périurbaines. On avait pensé à des véhicules modulaires, sans suite. Lorsque j’étais au CEA de Grenoble, nous avons eu une collaboration avec Renault autour des VE : la traction électrique permet d’envisager bien des architectures, notamment flexibles et individuelles ».

À la base, le concept Kiwee cible « les banlieusards pour les déplacements multimodaux. C’est un marché qui n’est pas couvert du tout en autopartage. Dans les zones périurbaines et rurales, bien des gens sont captifs de leur auto et n’ont pas d’autres choix que de l’utiliser. Beaucoup d’entre eux vivent avec de faibles revenus. En outre, nous souhaitions investir un marché où il n’y a pas beaucoup de concurrence ».

La solution portée par Metacar serait également intéressante pour se déplacer dans le centre des grandes villes : « Notre cible de départ est conforme aux statuts de notre entreprise constituée en société d’économie sociale et solidaire. Toutefois, nous développons Kiwee pour les opérateurs d’autopartage qui, eux, ne s’occupent quasiment que des grands centres-villes. D’où notre évolution pour cet usage aussi ».

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Fonctionnement

Un usager d’un service d’autopartage fonctionnant avec la solution Kiwee prendra le véhicule en tête de file. Derrière lui, tous les autres quadricycles s’avanceront de telle sorte que le deuxième viendra occuper la place libérée. Au retour, la voiture s’emboîtera à l’arrière de la dernière dans la queue : « Un rail la centrera et la positionnera à la bonne hauteur pour s’emboîter dans le véhicule devant lui. Un tel guidage rappelle ce qui existait déjà à Amsterdam dans les années 1970 avec Witkar. Nous nous en sommes inspirés pour notre guidage mécanique de la caisse ».

Pour une autonomie d’une soixantaine de kilomètres, les véhicules embarquent chacun une batterie d’une capacité énergétique de 5 kWh : « Il n’y a qu’une seule borne de recharge en station, d’une puissance de trois kW, pas plus qu’avec une prise domestique dans le garage. Ce qui réduit les coûts d’infrastructure. Le système ne délivre de l’énergie qu’à une voiture à la fois en fonction d’un algorithme qui privilégie l’ordre dans la file et l’état de charge ».

Si dix voitures ne sont pas suffisantes, plusieurs stations pourront être implantées sur un même site : « A Meyzieu, nous aurons deux stations adossées à celle assez longue du tramway, permettant de partir vers des directions différentes. L’une servira plus particulièrement positionnée pour se déplacer au sud, et l’autre au nord ».

Dès 16 ans pour un besoin sociétal

En règle générale, même quand ils s’appuient sur des quadricycles, les services d’autopartage ne sont ouverts qu’aux personnes majeures titulaires d’un permis de conduite : « Les assureurs sont réticents à couvrir des véhicules d’autopartage conduits par des personnes qui n’ont pas de permis. De notre côté, nous souhaitons faire émerger tout un écosystème et trouver pour nos clients opérateurs une solution d’assurance ».

Les quadricycles Kiwee devraient être homologués cette année dans la catégorie L6e pouvant les rendre théoriquement accessibles dès 14 ans : « Notre premier prototype n’était pas sans permis. C’est en étant au contact avec le monde réel — collectivités et employeurs — que nous nous sommes réorientés. Pour répondre à un besoin sociétal, notre idée est désormais d’ouvrir le service dès 16 ans. Il y a beaucoup d’étudiants en alternance à Meyzieu : ils sont 60 % à ne pas avoir le permis ».

Metacar mise sur une autre solution que la formation pour limiter les dégradations sur les véhicules : « Nous souhaitons privilégier un parcours client le plus simple possible. Une formation pourrait constituer une barrière à l’entrée. Nous préférons un monitoring avec dashcam permettant de repérer les mauvais usages et de recadrer l’utilisation. Des photos seront prises avant et après pour assurer que l’utilisateur n’a pas abîmé l’intérieur du véhicule. Ce dernier est d’ailleurs conçu de façon robuste pour une exploitation en autopartage. Contrairement aux Bluecar d’Autolib qui étaient des voitures particulières aménagées pour une commercialisation auprès des automobilistes ».

Le réemploi et la fabrication locale

Metacar s’est entouré de plusieurs partenaires pour produire le véhicule : « La voiture va être assemblée à Irigny, là où Renault fabriquait avant les années 1990 ses crémaillères de direction. C’est maintenant Jtekt qui est installé là. Celle entreprise dans laquelle Toyota a 25 % de parts travaille avec nous dans un objectif de diversification industrielle dont la voiture partagée est un axe. Actionnaire chez nous, OPmobility développe pour nous une solution logicielle via Open Soft ».

Economie circulaire, fabrication locale… : la jeune entreprise joue au maximum la carte du réemploi : « Nous regardons où trouver de la ressource chez les recycleurs. C’est, par exemple, pour les trains roulants, l’éclairage, les serrures de porte, les batteries, les interrupteurs et plein de petites quincailleries pour éviter que ça parte au broyeur. Tous ces éléments éprouvés et qui fonctionnement encore très bien permettent de faire baisser l’empreinte carbone de nos véhicules ».

En exemple : « Pour les trains roulants, nous allons réemployer ceux des scooters à trois roues Piaggio MP3. Le format de la Kiwee le rapproche des motos. Pour les pneus, comme la dimension dont nous avons besoin ne se fait plus en France pour les voitures, nous sommes partis sur des modèles rechappés très robustes de rickshaws. Chez Metacar, on essaye de penser les choses différemment ».

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Les usagers finaux appelés à se joindre à Kiwee

Reconnu entre autres par la fondation Solar Impulse, l’Ademe, BPI France, et la région Auvergne-Rhône-Alpes, Kewee a bénéficié d’un financement européen de huit millions d’euros : « L’été dernier, nous avons levé 1,1 million d’euros, en particulier auprès de OPmobility ». Le programme fait l’objet actuellement d’une campagne de financement participatif sur la plateforme Wiseed avec l’objectif d’obtenir 500 000 euros. Au 16 janvier 2025, 76 investisseurs ont déjà promis 81 600 euros.

Cette démarche est conforme à la structure même de l’entreprise : « Avec cette campagne, nous cherchons à joindre les particuliers. C’est dans l’esprit de nos statuts pour une économie sociale et solidaire. Dans notre comité, on veut impliquer les parties prenantes comme les collectivités et les utilisateurs finaux. Il y aura un représentant pour eux et pour les associations d’usagers des transports publics ».

Ce mode de fonctionnement est idéal pour écouter les parties intéressées par le projet et le faire évoluer au besoin : « Ça nous permet d’intégrer les retours d’avis. C’est ainsi que nous avons adopté pour nos voitures des quadricycles sans permis alors que ce n’était pas prévu au départ ». À noter que six prototypes fonctionnels ont déjà été assemblés en s’appuyant sur les dix-neuf brevets déposés.

Feuille de route

Le quadricycle devrait être homologué cette année qui devrait aussi être celle de la production d’une présérie. En 2026, deux flottes expérimentales et vitrines de Kiwee en autopartage devraient être mises en route, l’une dans le Genevois français et l’autre à Meyzieu : « Ces projets sont bien avancés au niveau des décideurs locaux. On a créé le consensus ».

Des demandes de financements publics ont été déposées : « La phase de montée en puissance est déficitaire et nous devons finaliser pour l’année prochaine celle de recherche et développement. On a des projets un peu partout, mais, pour l’instant, on joue à domicile et on essuie les plâtres. Du fait de notre complémentarité avec les transports publics, nous avons auprès de nous des partenaires comme TransDev et la SNCF. Aussi Citiz qui est le leader en France de l’autopartage et avec lequel nous avons en commun l’esprit de l’économie solidaire ».

À l’étranger aussi : « Sans suite pour l’instant, nous avions monté des projets européens de démonstration dans des villes de Lituanie, Pologne, Portugal, Allemagne, etc. qui nous suivent avec intérêt et bienveillance. Notre idée est de fournir pour les pays étrangers uniquement les châssis. Ils seraient carrossés par des professionnels locaux qui joueraient aussi le rôle d’interface avec les opérateurs clients ». À horizon dix ans, plus de 10 000 exemplaires du Kiwee pourraient être mis en circulation.

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Valery Cervantes pour son accueil, sa disponibilité et son témoignage que nous avons sollicité.

Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.

Avis de l'auteur

Je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle entre Metacar qui fait tout son possible pour éviter le broyage de pièces parfois petites, et l'obligation à laquelle sont soumises les concessions à La Réunion qui doivent envoyer les batteries des voitures électrique pour recyclage à la suite d'un accident ou d'un dysfonctionnement. Et ce, sans pouvoir récupérer les modules encore exploitables. D'un côté un travail de fourmi et de l'autre un immense gaspillage. C'est en fait l'illustration même de deux démarches complètement à l'opposé et qui pourtant sont nées avec le besoin d'agir contre le dérèglement climatique et pour la santé publique. Il y a pas mal de choses à retenir du programme Kiwee. Je veux mettre en avant en particulier celle-là, pas bien valorisée dans l'interview : les véhicules qui vont être soumis à un usage intensif de la part d'un grand nombre d'utilisateurs sont conçus pour minimiser les risques de dégradation. C'est un point qui a maintes fois mis en péril des services de mobilité partagée, que ce soit avec des trottinettes, des vélos ou des voitures électriques. De la même manière, l'idée d'un usage pour faciliter la formation des alternants montre que le concept veut prendre en compte les réalités du terrain. J'aimerais bien que le projet aboutisse et rencontre le succès car il est de nature à apporter potentiellement à tous une aisance de la mobilité, au-delà des déciles fiscaux.

Philippe SCHWOERER

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