Station de recharge Ionity

En juillet et août 2023, Ionity a délivré quelque 45 millions de kilowattheures d’énergie aux électromobilistes, dont 10 millions dans ses stations françaises. En augmentant de 40 % le nombre de ses bornes ultrarapides, l’opérateur a anticipé la hausse de fréquentation déjà observée pour cet été. Responsable des zones France et Benelux, Brieuc de Tonquédec explique à nos lecteurs ce que 2024 amène de nouveau sous l’influence d’un parc automobile de plus en plus branché.

Une fréquentation plus régulière en 2024

On pourrait imaginer que, pour un opérateur de recharge, la saisonnalité représente un signe de succès. Il ne l’est que partiellement : « En 2024, chez Ionity, nous sommes très heureux de remarquer que la saisonnalité n’est pas très forte. Le trafic à nos bornes a été important dès le début de l’année. Auparavant, en France, nous observions une grande proportion de Belges et de Néerlandais ».

Ces électromobilistes sont restés fidèles au maillage, mais ils sont moins visibles : « Nous voyons désormais un trafic régulier à nos bornes avec un million de véhicules électriques sur nos routes et une pénétration de 3 % dans le parc automobile français. Il y a encore quelques années, les Renault Zoé et Nissan Leaf étaient très présentes. L’offre sur le marché est devenue beaucoup plus complète, permettant aux automobilistes de parcourir de plus longues distances ».

Des pics de fréquentation et des stations plus visitées, il y en a toujours : « Même si le trafic est plus constant, des épisodes de queues, il y en a encore parfois. C’est pourquoi nous nous attelons à densifier le réseau. En France, nous avons ajouté 40 % de bornes supplémentaires et nous continuons à ouvrir des stations ».

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Saisonnalité inversée

Un tronçon a été particulièrement soigné par Ionity dernièrement. Il s’agit de l’autoroute A31 : « Elle relie le Luxembourg à Dijon, drainant de nombreux électromobilistes d’Europe du Nord vers la Méditerranée. C’est une autoroute de connexion où l’on retrouve aussi des Allemands, des Suédois, des Anglais. Nous avons triplé là nos points de recharge ».

Toutefois, les flux des vacanciers n’expliquent pas toute la fréquentation de l’A31 : « Certaines stations connaissent une saisonnalité inversée. C’est très net aux Pays-Bas où l’on observe des baisses de fréquentation l’été. Sur l’A31, c’est le cas du site de Nancy qui sert un important trafic de commuting ».

On sent nettement une certaine évolution dans le discours de Ionity : « Nous avons rempli notre premier objectif qui était de développer un réseau. Nous sommes fiers du résultat. Maintenant, nous sommes dans une phase de densification et d’accompagnement de l’évolution des usages. Environ 70 % de nos stations sont localisées sur des aires de services d’autoroutes ou à proximité des voies rapides. Ce qui signifie que nous en avons 30 % à proximité des centres urbains. Nous allons accentuer nos efforts dans ce sens ».

Accompagner ceux qui n’ont pas accès à une prise

Ionity a parfaitement perçu le besoin d’une recharge ultrarapide en milieu urbain : « Les flottes d’entreprises s’orientent vers l’électrique, mais de nombreux collaborateurs n’ont pas un moyen de recharge personnel ni de place de parking privée. Une solution pour eux est de passer par un chargeur ultrarapide une fois par semaine, comme auparavant aller en station-service afin d’effectuer un plein en carburant ».

C’est déjà du présent pour l’opérateur : « Nous avons identifié de tels besoins auxquels nous avons déjà commencé à répondre à Toulouse, à Grenoble, à Metz, etc. A Reims, nous venons de tripler la capacité. En plein été, nous observons encore là 20 à 30 % d’usages locaux, notamment pour les taxis et la logistique ».

En Bretagne, la station Ionity d’Auray (56) est un vrai cas d’école : « Elle est l’un de nos meilleurs démarrages. C’est en raison de sa typologie qui répond à trois usages. D’abord pour les trajets réguliers à longue distance en passant par Vannes d’un côté ou en s’orientant vers Quimper de l’autre. Ensuite pour les locaux. Et enfin pour les besoins saisonniers des congés lorsqu’il n’y a pas de moyen de se brancher au logement en location ».

Le défi de l’été 2024 : informer

Si ses stations sont désormais bien éprouvées, Ionity a cependant remarqué un phénomène qui tend à s’amplifier : « Nous rencontrons à nos bornes beaucoup de nouveaux utilisateurs. Ils sont nombreux à effectuer chez nous leur première recharge rapide, sans trop vraiment savoir comment s’y prendre. On sent même un manque de culture globale concernant la voiture électrique. C’est pour nous un point d’attention que nous marquons de façon plus forte que les autres années ».

L’opérateur mène différentes actions pour améliorer la situation : « Nous travaillons avec les constructeurs pour un meilleur accompagnement des nouveaux utilisateurs de véhicules électriques. A l’intention de ces derniers, nous proposons au téléchargement un guide de la recharge et communiquons beaucoup dans les médias à ce sujet en donnant quelques conseils ».

Organisation Ionity et Vinci Autoroutes

Il y a également une présence sur place : « De manière locale, des hôtes et hôtesses accueillent cet été les électromobilistes dans nos stations. J’y vais parfois moi-même. Les utilisateurs ont souvent beaucoup de petites questions auxquelles nous pouvons répondre ».

Les conseils de Ionity pour améliorer l’expérience de la recharge

De premiers conseils sont à appliquer avant le voyage : « Il s’agit déjà de mettre le système de son véhicule à jour afin de bénéficier d’éventuelles améliorations concernant les performances de recharge. Utiliser un planificateur comme celui que nous proposons au téléchargement pour smartphones permet d’éviter les attentes aux bornes ».

Il existe plusieurs astuces pour recharger plus vite : « Avant d’arriver, pour les véhicules équipés, ne pas oublier d’exploiter le préconditionnement de la batterie pour qu’elle soit à une température idéale avant de brancher. Ce qui permet d’obtenir les meilleures puissances de recharge. Elles peuvent grimper potentiellement jusqu’à 350 kW ; nos bornes sont les plus rapides du marché ».

Toujours dans l’idée de bénéficier d’un flux élevé, l’opérateur suggère d’arriver en station avec un niveau d’énergie inférieur à 20 % et de débrancher à 80 %. Et surtout de céder la place au plus vite afin qu’un autre électromobiliste puisse utiliser la borne ».

De meilleurs tarifs

Brieuc de Tonquédec souhaite que se développe une nouvelle manière d’exploiter les bornes Ionity : « C’est le Plug & Charge. En supprimant la phase d’identification manuelle, on gagne du temps, de l’ordre de 2 à 3 minutes. Nos chargeurs sont compatibles avec toutes les voitures du marché qui proposent cette fonctionnalité. En particulier, celles des marques actionnaires de Ionity, comme Porsche, Audi, Mercedes. Nous poussons tout l’écosystème à adopter cette technologie ».

L’opérateur a nettement révisé à la baisse ses tarifs : « Nous traînons encore une image de prix élevés qui nous colle à la peau. Pourtant, nous proposons des formules d’abonnement Passeport qui permettent de profiter d’une électricité à pas plus du double des tarifs domestiques. Nous cherchons à rendre le service accessible à tous ».

Deux formules sont actuellement proposées, pour respectivement un kilowattheure à 0,33 ou 0,39 euro. Il s’agit des passeports Power (cotisation de 7,99 euros le premier mois puis 11,99 euros mensuels ensuite) et Motion (3,99 / 5,99 euros).

Événements

En cette année un peu particulière des Jeux olympiques, Ionity a organisé des activités en rapport : « À l’aire de Montélimar-Est sur l’autoroute A7, l’une de nos trois stations les plus fréquentées l’été dernier et où nous avons doublé la capacité de recharge avant les vacances de cette année, nous avons organisé des activités festives et des défis. Avec Vinci Autoroutes, nous avons voulu créer de l’enthousiasme et faire sortir les gens de leurs voitures plutôt qu’ils attendent dedans la fin de recharge ».

Organisation Ionity et Vinci Autoroutes

A propos des JO, des voitures électriques accréditées sont passées par les stations de l’opérateur : « Pour le Tour de France cycliste aussi d’ailleurs. Ce n’était pas dans le cadre de partenariats. Les organisateurs de ce genre d’événements ne nous préviennent d’ailleurs même plus parce qu’ils savent que ça va marcher. Nous découvrons par hasard sur les réseaux sociaux leurs passages ».

D’autres opérations ont déjà été montées par Ionity dans ses stations : « Nous avons mis en place des campagnes de cross marketing avec des constructeurs de voitures électriques. Avec Smart par exemple. Nous touchons là des utilisateurs qui vont pouvoir découvrir les performances des nouveaux modèles. Et ce, en leur offrant le café et parfois la recharge. Nous envisageons diverses opportunités, diverses synergies, pour ne pas nous limiter à seulement proposer du snacking à proximité de nos bornes ».

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Perspectives

Le site Internet de Ionity témoigne quasiment en temps réel de la progression du maillage : le 23 juillet 2024, il indiquait pour l’Europe 4 010 chargeurs à très haute puissance se répartissant dans 652 stations. Quatre jours plus tard, les deux compteurs s’étaient incrémentés à 4 056 et 653. Pour la France, entre le début et la fin de la même semaine, le nombre des stations est resté fixé sur 162, avec toutefois davantage de chargeurs : 974 contre 962. Soit 12 nouvelles mises en service au milieu de l’été.

Ce qui fait préciser à Brieuc de Tonquédec : « Nous continuons à répondre à des appels d’offres. Nous sommes toujours à la recherche de foncier en leasing auprès des grandes enseignes qui ont intérêt à développer la recharge pour être plus attractives. Et puis nous recourons à l’acquisition de foncier, comme dernièrement à Dommartin-lès-Toul, en Meurthe-et-Moselle. Ce qui nous permet d’investir de façon pérenne ».

Et de conclure : « Il ne faut pas oublier que, en France, 94 % des émissions de CO2 des transports sont causées par le routier. C’est pourquoi il faut faciliter la mobilité électrique en proposant suffisamment de bornes et des tarifs intéressants. La concurrence qui se développe va dans ce sens ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Brieuc de Tonquédec pour le temps pris à répondre à nos questions. Un grand merci également à Anatole Teurcq, consultant en relations média chez JIN, qui a organisé à notre demande l’entretien.

Avis de l'auteur

Il reste tout de même étonnant qu’un réseau de recharge développé par un consortium de constructeurs automobiles justifie la baisse de ses tarifs aux bornes et des abonnements par l’urgence climatique, quand le service public affiche le kilowattheure à des prix plus élevés pour des services très loin d’être à niveau.

D’un côté 0,33 euro le kilowattheure avec quasiment l’assurance de trouver des chargeurs qui fonctionnent jusqu’à une puissance de 350 kW en courant continu. De l’autre le 22 kW AC parfois à plus de 0,40 euro, avec des pénalités qui peuvent se déclencher au bout de deux à cinq heures, sur des bornes qui divisent le flux par deux dès qu’un second véhicule s’y branche.

La Bretagne ayant longtemps été boudée par les principaux opérateurs de recharge, je suis devenu naturellement utilisateur du réseau Ionity lors de l’ouverture de la station de Saint-Jouan-de-L’Isle, dans les Côtes-d’Armor il y a déjà plusieurs années, puis en m’arrêtant à l’occasion à celle de Plouër-sur-Rance. Tout en utilisant le réseau départemental Brev’Car correctement accessible.

J’avais pris l’option Ionity Power en passant par le constructeur de ma voiture électrique, ce qui m’a permis de bénéficier très tôt de tarifs intéressants. En outre Ionity a implanté des stations sans tarder dans d’autres départements de l’Ouest, facilitant les trajets vers ou traversant Bordeaux.

D’autres opérateurs sont arrivés en Bretagne depuis, comme IECharge, Tesla et Fastned. Les aires de services sur les autoroutes proposent désormais partout la recharge à haute puissance. Très pratique pour voyager loin comme je pouvais le faire il y a des années avec mes voitures thermiques : on s’arrête quand le besoin est là, sans trop se poser de question. Bien sûr, en pratiquant ainsi, c’est la loterie au niveau des tarifs qui restent encore trop fluctuants d’un réseau à un autre.