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Lors de l’ePrix, ABB nous a invité à une rencontre brève mais riche avec le pilote suisse de l’écurie Nissan. Présent depuis les débuts de la Formule E, doté d’une expérience de la F1 et de l’hybride en Endurance, Sébastien Buemi nous livre ses sensations.
Nous aurions pu rencontrer un des pilotes français, Jean-Eric Vergne ou Tom Dillman. Mais qui mieux que Sébastien Buemi pour nous parler de ces monoplaces électriques nouvelle génération ?
Car n’est pas qu’un des 22 pilotes présents sur la grille. Avec Renault, devenu Nissan cette année, il fut champion lors de la saison 2 (2015-2016). De plus, il possède une expérience unique avec trois saisons de Formule 1 chez Toro Rosso, et l’Endurance sur les monstres hybrides Toyota avec qui il a remporté les 24 Heures du Mans.
Quelles sont les différences sur cette nouvelle saison ?
Les batteries sont meilleures, sont plus grandes et ont une meilleure autonomie, maintenant on peut faire une course avec une seule voiture. C’est important pour notre message car avant les gens nous regardaient et disaient qu’il faut changer de voiture, donc ce n’est pas si bien d’acheter une voiture électrique. Mais ça s’améliore sans cesse.
75% de la voiture est identique pour tout le monde. Nous sommes limités en puissance, à 270 chevaux en course de base – hors modes – et 340 ch en qualifications. Après la batterie, chacun peut avoir son propre système de propulsion. Toutes les équipes essaient de développer le meilleur moteur.
Vous venez du monde de la F1, quelles sont les différences en sensations et conduite ?
Il y a le bruit. Je ne dirais pas qu’il n’y a pas de bruit, il y en a un petit. C’est la première chose qui m’a marqué. La conduite est légèrement meilleure, il n’y a pas de vitesse, vous avez juste la puissance et les freins puis sur le volant de nombreux réglages pour gérer l’énergie. L’idée c’est que quand vous freinez, vous utilisez les moteurs et la batterie, donc vous rechargez en freinant et évidemment vous réutilisez l’énergie quand vous accélérez. C’est un peu comme une grosse voiture hybride, mais 100% électrique.
Avec un moteur à combustion, selon que vous avez un turbo ou non, que vous soyez à bas ou haut régime, ça change beaucoup. Ici, la réponse est la même, et en tant que pilote c’est mieux car vous savez ce qui se passe quand vous actionnez l’accélérateur.
Vous n’avez pas non plus d’aileron arrière, comme en Formule 1. Donc les voitures sont plus difficiles à piloter. Elles sont plus petites mais bougent plus. Et nous ne conduisons qu’en ville, donc entre les murs, ce qui est encore plus difficile. Une seule erreur suffit à vous envoyer dans le mur. C’est l’opposé de la F1 où il y a de grandes pistes, de grands dégagements. Pour finir, on a qu’un tour de qualifications. Là aussi, une seule erreur et c’est fini, on part derrière, pas comme en F1 où on a plusieurs occasions, on repart.
« Sinon, vous avez aussi les pneus, qui ne sont pas slicks. Ils sont rainurés, très similaires à une voiture de route. Avec des pneus slicks vous iriez 2 à 3 secondes plus vite par tour, mais l’esprit de la Formule E ce n’est pas le temps au tour, c’est l’efficience, le développement des moteurs. Clairement, quoi que vous développiez ici, c’est très facilement transférable vers une voiture de route. Avec une F1, c’est très dur, c’est extrême, très différent parce que vous n’aurez jamais ces ailerons ou pneus sur votre voiture, ni le système de récupération [ndlr : le MGU-K aka KERS avec supercondensateurs].
On travaille aussi beaucoup sur les frottements du moteur, car on veut la meilleure efficience, et avec plus d’efficience, on a plus de puissance. L’énergie qui vient de votre batterie vers vos pneus, il y a beaucoup de pertes de puissance. Ici les meilleurs moteurs ont entre 97 et 98% d’efficience. L’idée c’est de toujours faire mieux, et dans les moindres détails.
Comment gérez-vous la batterie ?
Pour les batteries, l’idée est que vous faites plus de tours que ce que vous permettent les batteries. Donc si demain on est sur sec, ce sera 45 tours, mais si vous êtes pied au plancher, vous faîtes 42 tours. Donc vous devez économiser de l’énergie, retrouver de l’énergie en freinant tout en étant rapide. Ainsi, si vous avez un peu plus d’énergie, vous êtes beaucoup plus rapide.
C’est pour ça que l’on termine les courses à 0%. Parfois les 50 derniers mètres, on est en roue libre ! Il faut tout gérer en permanence. Si vous finissez à 2%, vous avez beaucoup perdu en course. Comparé à la F1, où l’on met le carburant, on sait que l’on va finir la course, on a seulement des cartographies, où l’on consomme plus ou moins.
Que gérez-vous dans la voiture ?
En Formule A, vous avez la télémétrie, donc votre ingénieur sait ce que vous faites en temps réel au volant. Ici il ne sait rien, à part la température de la batterie ou de la transmission, mais il ne sait pas ce que vous faîtes. Vous êtes donc livrés à vous-même, bien sûr on peut communiquer par radio et demander de conseils, mais c’est au pilote de tout gérer. Le pilote a un impact plus important sur les performances qu’en F1, c’est pourquoi c’est si imprévisible.
On peut changer la gestion de l’énergie, on a des manières différentes de consommer l’énergie et on a des bips pour nous rappeler quoi faire. Par exemple, en ligne droite, vous avez un petit bruit qui vous dit quand relâcher la pédale et un autre pour vous dire quand freiner en actionner la récupération d’énergie.
Le championnat est donc très imprévisible, on a eu 7 vainqueurs en 7 courses. Je pense que les gens qui commencent à regarder aiment cela, car vous ne pouvez pas prédire qui va gagner la course.
Le pilote lance ainsi une petite pique à la Formule 1 où Mercedes domine outrageusement depuis 5 ans (après 4 ans de Red Bull), avec pour seul suspens la bataille Hamilton/Bottas. Et pour preuve, nous avons eu un 8ème vainqueur différent à Paris, et avec une 8ème nationalité au tableau ! Il reste ainsi 5 courses, et le nouveau couronné Robin Frijns sur l’Envision Virgin ne dispose que d’un point d’avance sur André Lotterer. L’Allemand accumule 80 points mais 10 seulement sur da Costa et di Grassi qui se partagent la 3ème place.
En alignant course, meilleur temps et pole position, un pilote peut récupérer 29 points sur un week-end. Sébastien Buemi, malgré un souci en course et sa 13è position au classement avec 30 points, reste théoriquement dans la course au titre. Rendez-vous à l’ePrix de Monaco le 11 mai prochain.
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