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Ce jeudi 27 juin 2024, l’Automobile Club de Ouest était l’invité d’un webinaire du Pôle Véhicule du Futur. L’association organisatrice des 24 Heures du Mans a donné sa vision du développement de l’hydrogène dans la compétition.
MissionH24 est symbolisé par ce bolide biplace mis au cœur de la communication de l’ACO concernant son programme de recherche en vue d’inclure l’hydrogène aux 24 Heures du Mans. Avec lui, l’association a voulu démontrer qu’utiliser la molécule H2 en compétition est possible. Une démarche qui se comprend en effectuant une relecture des avancées de l’automobile venues de cette compétition créée il y a 101 ans. Responsable du Pôle Innovation de MissionH24, Bernard Niclot a ainsi mis en avant le feu antibrouillard (1926), les freins à disques (1953), le moteur turbo (1974), etc.
Si ce dernier se retrouve aujourd’hui dans les moteurs downsizés des voitures particulières, apportant un certain progrès en matière de performances énergétiques et écologiques, son accouchement a été difficile : « Ce système est apparu sur les avions pendant la guerre 14-18. La puissance arrivait en différé. Porsche l’a introduit aux 24 Heures du Mans en 1974 ; Renault y est venu aussi quatre ans plus tard. Les temps de réponse ont été améliorés, permettant de porter cette technologie sur les voitures des automobilistes ».
Un exemple qui montre qu’une gestation lente et difficile ne signifie pas pour autant que la recherche doit être abandonnée. Le turbo est devenu commun aujourd’hui. Et l’hydrogène pour la mobilité ?
La question à se poser est surtout celle de l’utilité de tout le travail de l’ACO pour faire arriver la molécule H2 dans la compétition : « Ce que l’on veut faire avec l’hydrogène, c’est développer le zéro émission. Il permet d’avoir une autonomie et des temps de ravitaillement que l’on ne peut pas avoir aujourd’hui avec l’électrique à batterie ».
Responsable de la communication hydrogène pour l’ACO, Carole Capitaine a souligné : « La communication de l’Automobile club de Ouest sur sa stratégie hydrogène a été assez simple et transparente dès le départ. Comme c’était quelque chose d’assez pionnier, il fallait vraiment expliquer au public les enjeux de l’introduction d’une catégorie hydrogène aux 24 Heures du Mans. Le pourquoi ? Décarboner la course ! Et puis comment on allait le faire ».
C’est ainsi qu’est né le programme MissionH24 : « ’24 H’ pour ‘24 Heures’, ‘H2’ pour ‘Hydrogène’ et ‘Mission’ pour expliquer que l’on sait où on va ». Avec une première démonstration publique qui remonte au samedi 22 septembre 2018, où un prototype a bouclé quelques tours à Spa-Francorchamps (Belgique) : « La voiture a été ravitaillée en hydrogène dans la voie des stands par quelqu’un qui portait un tee-shirt et pas une tenue de cosmonaute ».
À lire aussiRevo Zero Energy : c’est quoi ce SUV hydrogène qui promet plus de 1000 km d’autonomie ?Au fil du temps, l’ACO a persévéré dans son choix de partager ses avancées avec le public : « Tout est à construire quand on introduit une nouvelle énergie dans un sport : les machines, le règlement sportif technologique, la sécurité et les infrastructures ». La première station d’avitaillement en hydrogène a été installée au Mans en 2019. La même année, le bolide baptisé « LMPH2G » construit sur un châssis de LMP3 (Protos d’endurance) a effectué un premier tour d’honneur aux 24 Heures du Mans.
En 2022, le nouveau prototype H24, sur châssis LMP2, a inscrit un record du monde de vitesse à 290 km/h dans la ligne droite des Hunaudières. Sous sa nouvelle présentation, il a été exposé l’année suivante au Village des prototypes H2 installé en marge de la compétition. Ce stand a été créé en 2021 : « pour que le public, nos concurrents, nos partenaires puissent venir poser des questions et partager leurs réserves et leurs interrogations sur cette future catégorie hydrogène ».
Il a d’abord été limité au seul prototype de l’ACO comme support pour expliquer le fonctionnement d’un véhicule à pile à combustible qui produit sa propre électricité : « Pour un effet de surprise, nous avions mis en bouteille l’eau que rejette la voiture avec comme étiquette ‘Eau de voiture de course’ ».
L’espace d’exposition s’est agrandi, avec une participation des partenaires pour présenter les éléments d’une voiture à hydrogène, dont le réservoir, la pile, les pneumatiques à utiliser. En 2023, le prototype de l’ACO s’est aligné avec d’autres voitures. Ainsi le concept Alpine AlpenGlow, la Foenix de GCK et Solution F, la Toyota GR H2 2026 et la Ligier JS2 RH2.
Le village 2024 s’est voulu plus convaincant encore avec 2 500 m2 étalés sur trois sites et la mise en action de quatre prototypes hydrogène sur le circuit des 24 Heures : « C’était une première au monde. Pour la première fois aussi nous avions une station de notre partenaire TotalEnergies au milieu du village. On a pu réaliser là cinq ravitaillements pendant la semaine des 24 Heures. C’est une étape importante parce que jusqu’à là ce n’étaient pas visibles comme ça du grand public ».
Les visiteurs ont pu découvrir le nouveau prototype H24Evo : « Elle évoluera en 2025. Ce sera une voiture de course construite avec des éléments hydrogène conçus pour la course ». Autre innovation de l’édition 2024, la prise de parole par des personnes extérieures qui sont confrontées à l’hydrogène. Ainsi les pompiers de la Sarthe et Ariane Group qui exposait un moteur de fusée. Également un espace pour la formation : « Nous avions beaucoup de questions des jeunes générations sur les métiers de l’hydrogène ».
Les tests de sécurité imposés par la FIA sur les véhicules hydrogène sont impressionnants. « Nous avons, par exemple, un crash-test latéral avec un chariot de 1 400 kg lancé à 130 km/h. Il y a aussi des tests balistiques sur les réservoirs. Une pièce de 400 g avec des arêtes a été envoyée à presque 400 km/h. Le réservoir était alors gonflé à l’hélium. L’enveloppe externe a été sérieusement endommagée, avec la fibre touchée à 50 %. Mais la partie interne est restée saine », a expliqué Bernard Niclot.
Cette préservation de l’intégrité a permis de passer avec ce réservoir aux phases suivantes : « Il ne devait pas fuir. Nous avons ensuite pu le porter à 150 % de sa pression nominale, puis enchaîner 100 tests cycliques. Cet ensemble de tests pourrait très bien ensuite être repris pour la mobilité route ».
Le comportement thermique du réservoir dans les conditions d’une course est aussi étudié de près, ce qui a déjà permis de pointer quelques difficultés : « Avec les fortes accélérations, le débit d’hydrogène peut atteindre sept grammes par seconde, soit de l’ordre du kilo par tour de circuit. La température du réservoir descend alors très vite, potentiellement en dessous des -40° C à ne pas franchir ». Il y a une solution : « Procéder à un ravitaillement du réservoir qui provoquera son réchauffement ». Il ne faut cependant pas dépasser non plus les 85° C. Ce qui nécessiterait alors de repartir avec un réservoir pas complètement rempli.
Afin de ne pas trop réchauffer le contenant, il faudrait ne pas le remplir trop rapidement : « L’hydrogène se comporte comme un gaz standard, il chauffe à la compression et refroidit à la détente. Au début, nous n’avions pas mis une urgence concernant le temps de ravitaillement pour ne pas avoir à faire de gros investissements. Mais pour la compétition, ce temps sera un véritable enjeu. On peut arriver à un peu moins de deux minutes. On sera plus long qu’avec du carburant, mais, pour l’instant, on ne peut pas faire mieux ».
Autre limite à prendre en compte avec des bolides à pile hydrogène, la puissance : « On ne peut pas aller au-delà de 300 kW. Au-dessus ça ferait trop augmenter le poids et le refroidissement serait moins efficient. Il faudrait alors un système pour augmenter le débit d’eau, ce qui jouerait sur la trainée aérodynamique. En outre, avec une plus grosse puissance, la consommation serait plus élevée et l’autonomie ne serait plus là ».
Et pas question d’augmenter la taille des réservoirs : « On ne peut prendre que douze kilos d’hydrogène, ce qui donne un maximum de dix tours avant de passer au ravitaillement. Contrairement à une voiture normale, on n’a pas la possibilité d’affiner les performances. Il faut donc trouver un meilleur aérodynamisme, travailler sur les pneus et les suspensions. C’est assez contraignant ».
À lire aussiIneos met de côté son projet de SUV à l’hydrogèneL’ACO a dû évoluer et sortir de son choix de départ. « Nous sommes partis en 2018 avec des réflexions sur les voitures à pile à combustible. Nous travaillons aussi désormais sur des moteurs à combustion », a indiqué Carole Capitaine. Bernard Niclot précise : « Avant 2018, le moteur à combustion hydrogène faisait juste l’objet d’articles universitaires, sans application ».
Les choses ont rapidement évolué : « On a vu que les développements devenaient de plus en plus importants, en particulier avec Bosch et Toyota. Les progrès ont été énormes. Devant la maturité acquise, on a pris la décision d’accepter le thermique. En six ans, le monde de l’hydrogène a beaucoup changé ».
Ce qui amène de nouvelles possibilités : « On est moins limité sur une thermique qu’avec la pile. Déjà le refroidissement s’effectue plus facilement par l’échappement. La FIA veut imposer l’hydrogène liquide après 2026. Par rapport au gaz, la densité est meilleure. On pourra embarquer 16 kg d’hydrogène, avec des réservoirs plus fins soumis à une pression beaucoup plus faible. En outre, le ravitaillement pourra être effectué en une minute ».
Bernard Niclot a pointé une première difficulté à dépasser : « C’est celle de l’émission des NOx avec l’hydrogène liquide et le moteur thermique. Ce qu’on n’a pas avec la pile à combustible. Pour les éviter, il faudrait une combustion pauvre. Mais pour cela, il faudrait faire arriver davantage d’air et donc augmenter la cylindrée, avoir des turbos… Plein de questions aujourd’hui en suspens ».
Certaines difficultés s’évanouissent rapidement : « La consommation supérieure du moteur thermique n’est pas un problème avec l’hydrogène liquide. La corrosion du bloc n’est pas un souci sur une telle voiture, mais il le serait pour la route. Il reste quand même à voir comment éviter la pollution de l’eau par l’huile. Et le boil-off, est-ce qu’on le traite ou est-ce qu’on laisse partir le gaz dans l’atmosphère ? Il faudrait développer une pompe spécifique ».
Tout cela explique plusieurs prises de position de l’ACO : « Nous restons ouverts à la pile et à l’hydrogène gazeux tout en soutenant le projet de la FIA. C’est pour cela aussi que nous avons décalé notre programme. Quoi qu’il en soit, nous avons acquis la certitude que nous ne rêvions pas et que l’hydrogène en compétition, c’est faisable ».
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