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L’émergence des véhicules électriques semble inquiéter l’association des pétroliers Européens « FuelsEurope ». L’organisme a publié lundi un rapport dans lequel il affirme que les futurs diesel ne pollueront pas plus que les véhicules « zéro émissions ». Un document étrangement interprété qui utilise des données peu conformes à la réalité.
Pétrole versus électricité : pas facile de départager objectivement les deux énergies dans le match qui détermine celle qui pollue le moins. Comme nous l’évoquions dans notre article du 6 décembre, la fiabilité des données utilisées par les innombrables études sur l’impact environnemental et sanitaire des différentes énergies peut être aléatoire. Obsolètes, invalides en conditions réelles, orientés, ces chiffres peuvent rapidement aboutir à des conclusions erronées.
Cela semble une nouvelle fois le cas avec ce rapport dévoilé lundi 4 décembre et commandité par FuelsEurope, l’association des industriels du pétrole Européens. L’organisation a fait appel à deux cabinets de conseil britanniques : « Ricardo », spécialisé dans le transport et l’énergie et « Aeris Europe », experts en qualité de l’air, pour réaliser deux études imbriquées. Malgré des résultats discutables, FuelsEurope affirme que les véhicules diesels ne pollueront pas davantage que les véhicules zéro émissions d’ici 2030.
Pour arriver à cette interprétation, le groupement s’est appuyé dans un premier temps sur l’étude menée par le cabinet Ricardo. La société a testée une dizaine de véhicules de six constructeurs différents respectant déjà les critères de la norme Euro 6d. Une norme Européenne qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2020 et qui n’est particulièrement contraignante.
En effet, si elle doit désormais être respectée sous le cycle d’homologation plus réaliste WLTP, elle impose des limites d’émissions polluantes inchangées depuis 2014. Les véhicules diesel sont ainsi soumis à un plafond de 80 mg d’oxydes d’azote (NOx) par kilomètre et 4,5 mg de particules fines par kilomètre. Unique changement : le facteur de conformité aux NOx passera de 2,1 à 1,5. Les relevés « RDE » obtenus lors du second test en « conditions réelles » sur route devront donc présenter moins d’écarts que ceux obtenus sur les bancs à rouleaux.
D’après les mesures reportées par Ricardo que nous n’avons pas pu consulter, les véhicules Euro 6d testés respecteraient les nouvelles normes européennes d’ici 2030 et leurs émissions de NOx mesurées lors des tests « RDE » en conditions réelles ne dépasseraient pas celles obtenues en laboratoire.
Dans son scénario, l’étude estime également que les rejets de NOx et de particules fines inférieures à 2,5 µm (PM2,5) diminueraient naturellement avec le remplacement des vieux diesels par des nouveaux respectant les normes Euro 3 à 6. En Allemagne, les émissions d’oxydes d’azote chuteraient alors de 160 000 tonnes en 2015 à environ 25 000 tonnes en 2030. Un chiffre qui tomberait quasiment à zéro si les diesels Euro 6d étaient remplacés par des véhicules électriques, mais que l’étude se garde bien d’évoquer.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le rapport affirme que les niveaux d’émissions de particules fines PM2,5 outre-Rhin seraient quasi-identiques entre les diesels Euro 6d et les véhicules zéro émissions. Supérieurs à 6000 tonnes en 2015, ils seraient de 3000 tonnes en 2030, soit « seulement » 500 tonnes de plus qu’avec des véhicules zéro émissions. L’étude estime en effet que la majorité des rejets de particules ne proviendraient plus des pots d’échappement mais de l’usure des freins, des pneus et de la route. Le rapport ne semble toutefois pas avoir pris en compte les capacités de freinage régénératif évoluées des véhicules électriques qui permettent de réduire de façon significative la sollicitation des plaquettes et les frictions.
« En finir avec le moteur thermique, et en particulier le diesel, n’est pas forcément la bonne solution » affirme le porte-parole de FuelsEurope Alain Mathuren. Pour tenter de soutenir cette idée, l’organisme s’appuie également sur le second volet de l’étude, réalisé par Aeris Europe. Le cabinet spécialisé dans la qualité de l’air a lui aussi produit deux scénarios sur l’exposition des populations à la pollution dans des grandes villes comme Paris, Londres ou Munich. Dans le premier cas, les anciens diesels sont intégralement remplacés par des modèles respectant la norme Euro 6d, dans l’autre, ils sont remplacés par des véhicules zéro émissions.
Surprise : dans les deux cas, l’étude affirme que toutes les grandes villes respecteront les normes européennes sur les particules fines d’ici 2030. Seuls quelques points de mesure seraient toujours particulièrement pollués au dioxyde d’azote (NO2). A cette échéance, 1% des 2.392 stations de surveillance de la qualité de l’air en Union Européenne dépasseraient toujours la limite autorisée de 40 µg/m3 en moyenne sur l’année. A Paris, trois stations seraient toujours en excès, la plus polluée en tête : celle du Stade de France qui afficherait près de 60 µg/m3.
Ces données conviennent parfaitement au message que FuelsEurope souhaitait diffuser en commandant cette étude. Remplacer de vieux diesels par des véhicules zéro émissions au lieu de modèles Euro 6d « n’apportera que très peu d’amélioration » répète l’association de défense des intérêts pétroliers. Une affirmation peu crédible pour plusieurs raisons : les émissions mesurées lors de cycles de tests, qu’ils soient en laboratoire ou en « conditions réelles », sont toujours éloignées de la réalité tant il existe différents comportements de conduite et de façons d’utiliser et d’entretenir un véhicule.
L’étude ne prend également pas en compte certaines caractéristiques des véhicules électriques comme le frein moteur régénératif, qui n’émet aucune particule fine contrairement à un système de freinage conventionnel à disques. De plus, le rapport met l’accent sur les réductions d’émissions polluantes sans évoquer la nécessité de les réduire à néant et minimise la capacité des véhicules zéro émissions à atteindre cet objectif. Il n’insiste pas non plus sur le fait, plutôt marquant, que certaines zones de nos villes continueront de dépasser les limites européennes en 2030.
C’est peut-être la seule conclusion pertinente que l’on pourrait faire de cette étude : dans douze ans, même avec la norme diesel Euro 6d, des substances nocives continueront d’être présentes à des taux élevés dans l’air que nous respirons.
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