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La France subventionne massivement l’automobile à travers le bonus à l’achat, la prime à la conversion et les aides locales. Dans certaines collectivités, le montant cumulé des rabais peut atteindre jusqu’à 17.000 euros pour un véhicule électrique. Serions-nous devenus fous de voitures pour dépenser autant d’argent public ? S’il faut soutenir la transition vers des véhicules plus propres, nous devrions prendre du recul sur ces aides et réfléchir à une répartition plus juste à l’encontre des autres mobilités.
Le bonus-malus
Le système de bonus-malus automobile existe depuis 2008. Son principe est simple : lors de l’achat, les voitures les plus polluantes payent une taxe qui est reversée aux véhicules les moins émetteurs selon un barème régulièrement mis-à-jour. Présenté comme neutre ou gagnant pour le budget de l’état, il est en réalité fluctuant. Très déficitaire à son lancement, le bonus a rapporté plusieurs dizaines de millions d’euros certaines années. Son équilibre à long terme est incertain face à l’augmentation des ventes de voitures sobres et à la baisse des plus polluantes
La prime à la conversion
Un autre mécanisme incite à opter pour des voitures plus vertueuses : la prime à la conversion. Elle permet d’obtenir une somme d’argent pour acheter une voiture neuve ou d’occasion peu polluante en contrepartie de la destruction d’un vieux véhicule. Les critères d’attribution et les montants versés sont très souvent ajustés, comme récemment avec le « plan voiture » consécutif à la crise du Covid-19. Le coût de cette aide est colossal : 820 millions d’euros ont été dépensés pour assister l’achat de 376.831 véhicules en 2019.
Les aides locales
Enfin, certaines collectivités locales dépensent une partie de leur budget pour verser des primes à l’achat de voitures zéro-émission. C’est notamment le cas du département des Bouches-du-Rhône qui alloue 5000 euros aux véhicules électriques, cumulables avec les aides nationales. Au total, une voiture éligible peut donc prétendre à un total de primes et bonus de 17.000 euros (7000 € de bonus accordé aux véhicules électriques + 5000 € de prime à la conversion maximale + 5000 € d’aide locale) !
Outre certains réseaux de transports en commun, aucune autre mobilité n’est autant subventionnée que la voiture individuelle. Ainsi, pour l’exemple, l’achat d’une Renault Zoé Life batterie incluse peut être financé à plus de la moitié par de l’argent public. Vendue 32.000 euros, la citadine électrique passe à 15.000 euros une fois déduits le bonus écologique, la prime à la conversion maximale et l’aide locale des Bouches-du-Rhône.
Ces opulentes subventions sont peu équitables au regard des mobilités « douces » comme le vélo, la marche, les petits engins, deux-roues et quadricycles électriques. Même zéro-émission, une voiture conserve ses défauts d’outil volumineux et énergivore occupant la grande majorité de l’espace public en ville comme à la campagne. Une domination qui est d’ailleurs de plus en plus remise en question.
L’essence et le diesel toujours subventionnés
En l’état actuel, les primes et bonus sont loin d’être exclusivement réservés aux véhicules électrifiés ou hydrogène. L’achat de voitures essence et diesel est toujours généreusement subventionné. En 2019, la prime à la conversion a par exemple versé 2176 euros en moyenne à chaque demandeur, en très grande partie pour l’acquisition d’un modèle essence récent. Des véhicules qui certes émettent moins que leurs prédécesseurs, mais demeurent polluants. Et si ces aides étaient distribuées autrement que pour l’achat d’une voiture privée, utilisée la plupart du temps pour transporter une seule personne sur de courtes distances ?
S’il est indispensable de maintenir un mécanisme auto-financé favorisant les véhicules zéro-émission au détriment des thermiques, on peut imaginer une meilleure répartition de l’enveloppe. En diminuant ou réajustant les subventions, il serait par exemple possible de dégager un budget pour financer davantage le développement des bornes de recharge publiques pour les voitures électriques.
Dans un souci d’équité envers les mobilités douces, une « cyclotaxe » pourrait être déduite des aides pour soutenir les aménagements cyclables (pistes cyclables sécurisées, abris vélos). En réduisant de seulement 100 euros les primes à la conversion versées en 2019 (2076 euros en moyenne au lieu de 2176), près de 38 millions d’euros auraient pu être récupérés à ces fins. De quoi aménager 125 nouveaux kilomètres de pistes cyclables sécurisées chaque année. D’autres leviers pourraient aussi subventionner l’achat d’un vélo, électrique ou non.
Le vélo moins aidé que la voiture
Actuellement, l’unique aide gouvernementale allouée aux VAE (vélos à assistance électrique) est bien plus sévère que la panoplie de subventions versées aux voitures. Limitée à seulement 200 euros, elle ne peut pas servir à l’achat d’un modèle d’occasion. Le revenu fiscal de référence du demandeur ne doit en outre pas excéder un certain plafond et ce dernier doit résider au sein d’une collectivité proposant déjà une prime.
En ponctionnant 20 petits euros sur l’achat d’une voiture neuve, quelle que soit sa motorisation, l’État pourrait récupérer une belle cagnotte pour financer plus généreusement l’achat d’un vélo. En 2019, les 2,2 millions de véhicules vendus auraient pu générer une enveloppe de 44 millions d’euros. Une somme suffisante pour subventionner près de 59.000 vélos à assistance électrique dans la limite de 750 euros (50 % des 1500 euros généralement facturés pour un VAE).
Peu d’espace pour les transports en commun
La voiture individuelle occupe aussi un espace public essentiel aux transports en commun. Selon un principe similaire à la « cyclotaxe », une réduction des primes et bonus pourrait être exploitée pour financer l’aménagement de voies de bus dédiées. Sans éliminer totalement la voiture, l’idée est d’équilibrer justement l’espace alloué à chaque mode. A une époque où le véhicule individuel est en situation de quasi-monopole sur les déplacements, il n’est pas illogique ni injuste de ponctionner son achat pour laisser la chance aux alternatives de se développer. L’enjeu est social, environnemental mais aussi sanitaire.
Même lorsqu’elle est subventionnée, la voiture reste difficilement accessible pour de nombreux foyers. Le cas échéant, elle contraint à s’endetter. Elle encombre villes et campagnes et continue d’émettre de grandes quantités de polluants au cœur des lieux de vie. La nécessaire mais très lente croissance du véhicule zéro-émission ne permet pas de résoudre toutes ces nuisances. Diversifier les modes de déplacement paraît alors la seule voie possible.
Et vous, que pensez vous du montant global des aides publiques accordées aux voitures ? Accepteriez-vous d’obtenir des primes moins élevées ou plafonnées pour financer les mobilités douces ? N’hésitez pas à en débattre dans les commentaires.
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