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Porté par un consortium d’entreprises bretonnes, le projet Estebam pour décarboner les barges mytilicoles n’a pas mis longtemps à passer du stade d’appel à projet à celui de démonstrateur. De rebondissements en avancées, l’histoire de cette conversion est pour le moins originale.
Automobile Propre a pu se rendre ce vendredi 5 juillet 2024 à la Maison de la Baie au Vivier-sur-Mer, près de Cancale. Les vacances viennent peut-être de débuter, mais le trafic reste important au port de Cherrueix, avec de fréquents passages de bateaux à fond plat exploités pour l’élevage des moules et autres coquillages.
Une de leurs originalités est d’être munis de roues. Grâce à cette architecture, ces barges flottent sur la mer et roulent entre les entrepôts. Ainsi la quarantaine d’exemplaires produits ici même par CMV Amphibie, s’étalant de 9 à 20 m, dont celui qui a été rétrofité avec un moteur thermique hydrogène. Les casiers de mollusques s’empilent au besoin sur la plateforme qui peut s’abaisser de plusieurs dizaines de centimètres pour faciliter le travail à terre.
Afin de remplir leurs missions, ces véhicules reçoivent en général un cabestan, un portique de halage ou de dragage équipés de treuils, ou, comme ici, une grue de manutention. Cette dernière n’était d’ailleurs pas inactive puisqu’elle servait à maintenir le rack de bouteilles d’hydrogène. Un aménagement bien sûr très provisoire, puisque les contenants seront placés autrement si le projet débouche, bien entendu, sur un rétrofitage en série, comme l’attendent les professionnels du secteur pour décarboner leur activité.
Déjà, il y aura moins de bouteilles sur les modèles en exploitation, sans doute pas plus de quatre ou cinq, afin de tenir la journée. Deux localisations potentielles ont à ce jour été retenues : derrière la cabine de pilotage, ou sous la plateforme si cet emplacement est accepté par les organismes certificateurs.
Aujourd’hui, les moteurs diesels marins ou industriels Iveco de 175, 220, 230 kW, etc. qui équipent ces barges émettent en pleine accélération un bruit assourdissant qui rend impossible toute conversation à plusieurs dizaines de mètres autour de leur passage. Les émissions sonores sont bien plus supportables avec le V8 de 6,6 litres construit en Italie et fourni par le groupe Dumarey.
Il s’agit là d’une petite entorse, nécessaire, puisque le consortium a voulu au maximum puiser dans les richesses bretonnes pour effectuer la conversion. Il y en a bien EHM (Efficient Hydrogen Motors), à Brest, qui développe un bloc thermique H2. Déclaré volontaire au salon BrittanHy Day pour participer au projet Estebam, l’entreprise est cependant déjà mobilisée sur d’autres projets de bennes à ordures ménagères et d’autocars. En outre sa technologie à cinq temps, en rupture avec l’existant, est moins avancée que l’offre déjà disponible de Dumarey.
Les porteurs du projet Estebam souhaitaient aller vite. Ils ont en tout cas réussi à maintenir leur échéance du début des vacances de l’été 2024 pour les premières tours de roues de la barge rétrofitée. Soit tout juste deux ans après le lancement de l’appel à projets pour la transition énergétique des filières bretonnes de la pêche et de l’aquaculture. Première dans la région, c’est sûr ; en France, sans doute aussi ; et peut-être même en Europe, voire au-delà.
À l’origine de la création d’un cluster hydrogène en 2020, la Chambre de commerce et d’industrie des Côtes-d’Armor a répondu à cet appel gouvernemental géré par l’Ademe, en formant très vite un consortium qui embarque des acteurs clés, à commencer par le principal intéressé, le Comité régional de la conchyliculture en Bretagne nord. Son président, Sylvain Cornée, représente les éleveurs d’huitres, moules, coques, palourdes, ormeaux et bigorneaux : « Notre secteur se soucie beaucoup d’écologie. Moins nous impacterons notre milieu et mieux nous nous porterons ».
À lire aussiReportage – Cette nouvelle station multi-énergies bretonne propose des solutions innovantesRegroupant désormais 250 entreprises qui s’intéressent à l’hydrogène, un second cluster a été lancé par la CCI 22. Pour Estebam, il a constitué une véritable base forte d’où sont venus les autres acteurs du consortium. Ainsi Europe Technologies Ciam qui a pris en charge le développement du projet, l’architecte naval Pierre Delion, et CMV Amphibie.
Une autre originalité de la démarche est donc de compter parmi les acteurs CMV Amphibie qui a construit les barges à convertir et s’apprête à utiliser ses ateliers pour le rétrofit. La puissance du consortium est de permettre à des entreprises de quelques salariés de jouer un rôle majeur avec d’autres aux effectifs bien plus développés. Pas dans un coin avec une maigre chance de réussite, mais au contraire en se plaçant dans un écosystème complet qui émerge dans la région avec en poupe l’espérance et la mobilisation bretonnes que peu d’obstacles peuvent arrêter.
Les barges sont construites pour fonctionner une vingtaine d’années. C’est à peu près l’âge de celle qui a été convertie pour une seconde vie potentiellement aussi longue. Sur le secteur de Cancale et Saint-Malo, elles sont 80 qui pourraient profiter du rétrofit thermique à hydrogène, et bien plus encore en comptant toutes celles qui s’activent sur les côtes de la Bretagne.
Le groupement est parti d’une feuille blanche en imaginant différentes solutions de rétrofit. L’hydrogène dans un bloc thermique ne figurait pas dans les toutes premières options. Une architecture à moteur électrique et pile à combustible semblait même mieux engagée encore en 2023.
Station d’avitaillement, hydrogène vert, etc. : Tout l’environnement a déjà été imaginé avec des maillons qui vont se mettre en place progressivement. C’est d’ailleurs la raison de la présence de la CCI 22 dans un programme qui a pour décor une baie en Ille-et-Vilaine. L’idée d’exploiter l’hydrogène pour la mobilité en Bretagne date de 2020, avec pour foyer de départ le secteur de Saint-Brieuc.
A travers le projet H2Vert, il s’agissait déjà de mettre en service des autobus et des bennes à ordures ménagères dont les piles à combustible seraient alimentées avec de l’hydrogène vert produit localement grâce à un électrolyseur raccordé à une centrale photovoltaïque proche. Une alimentation pour camions des transporteurs locaux, mais aussi des bateaux de toutes tailles et de toutes utilités était déjà bien présente dès l’origine. C’est là-dessus que le projet Estebam s’adosse.
Depuis, l’agglomération de Saint-Malo est entrée dans la boucle, ainsi que la perspective de démarrer des éoliennes offshores. Les deux collectivités des départements contigus recevront au total quinze autobus et quatre bennes à ordures. L’hydrogène vert qui les alimentera en 2025 pourrait donc servir aussi aux barges rétrofitées en activité au port de Cherrueix où une station d’avitaillement serait mise en place.
« L’hydrogène vert qui les alimentera en 2025 pourrait donc servir aussi aux barges rétrofitées depuis le port de Cherrueix où une station d’avitaillement serait mise en place » : Premier verbe au futur, mais les deux autres au conditionnel concernant les barges rétrofitées, pourquoi ? Des incertitudes majeures planeraient-elles ?
Oui, à rechercher du côté des organismes de certification. Car, techniquement, le consortium est persuadé d’être prêt dès le second semestre de septembre 2025 à diffuser un kit de conversion des barges. Le projet Estebam doit recevoir l’aval de deux organismes. D’abord celui du Bureau Veritas. L’avancée prise par ce dernier en matière de propulsion des bateaux à hydrogène est plutôt encourageante pour les parties mobilisées autour de ce premier exemplaire converti.
Là où ça pourrait coincer, c’est au niveau de la direction des affaires maritimes. Les élus rassemblés autour du programme Estebam sont prêts à s’impliquer au maximum pour faire sauter les verrous d’un organisme connu pour son conservatisme. Centrale nucléaire, portique écotaxe, engagement des marins de l’île de Sein auprès de Gaulle en 1940, etc. : qu’est-ce qui résiste à des Bretons en marche ?
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