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Alors que les appels et les déclarations d’intention en faveur d’un mode de développement sobre en ressources se multiplient un peu partout, du coté des constructeurs automobiles, le toujours plus semble plus que jamais la règle. Pour continuer à séduire les consommateurs et garder leur leadership respectif, les nouveaux modèles riment inexorablement avec toujours plus : toujours plus gros, toujours plus lourd, toujours plus puissant.
D’où cette question un brin provocatrice : devant l’immensité des changements à opérer, les vieux constructeurs automobiles auraient-ils délibérément choisi de renoncer à apporter leur contribution au problème ?
Que ce soit en terme de gabarit ou de poids, difficile de ne pas pointer la mode SUV pour expliquer la tendance au toujours plus gros.
Il y a quelques années de cela, certains ironisaient sur le fait que les places de parking seraient tôt ou tard trop petites pour pouvoir garer ces véhicules. Et bien cet avenir là est déjà une réalité bien tangible pour nombre de propriétaires de gros SUV bien trop encombrants pour pouvoir se garer facilement en ville sans empiéter sur la chaussée ou le trottoir.
Même constat dans nombre de parkings en ouvrage publics ou privés dans lesquels les manœuvres peuvent vite tourner au cauchemar dès qu’il s’agit d’accéder à certaines places moins bien positionnées que d’autres, tant et si bien que certains préfèrent renoncer à s’y garer quitte à devoir tourner en rond à la recherche d’une place en surface…
Avec un poids à vide très souvent supérieur à 2 tonnes sur nombre de SUV premium, la technologie hybride rechargeable est devenue la nouvelle icône de la course au toujours plus : toujours plus lourd, toujours plus puissant, toujours plus cher !
Présenté cet été, le tout nouveau BMW X5 Xdrive 45e s’est très vite fait remarquer en tant que porte-étendard du segment. Le règne aura été de courte durée : quelques semaines plus tard, Mercedes dévoilait son nouveau GLE 350 et son énorme batterie de 31 kWh couplée à un bloc thermique diesel qui suffirait à propulser à lui seul un gros break à vocation familiale.
Même dans les rares cas de figure où les propriétaires arrivent à se rapprocher des conditions d’usage idéales associées à cette technologie, le bilan environnemental global réel de ces engins au bout de 150.000 km est presque toujours plus mauvais que celui d’une berline hybride classique entièrement dépendante du pétrole.
Un comble pour une technologie qui, sur le papier, se présente comme beaucoup plus vertueuse que la technologie hybride classique et dont beaucoup continue de penser, à tort, qu’elle l’est réellement !
Il ne fait pourtant plus l’ombre d’un doute que cette technologie en grande partie portée par l’industrie automobile allemande est en réalité un nouvel artifice technologique pour espérer répondre aux normes d’émissions imposées par Bruxelles dès l’an prochain. Et tant pis si la réalité s’avérera une nouvelle fois très éloignée des belles promesses…
Si les constructeurs auto allemands occupent depuis des années le podium de la course à la puissance et à la démesure, force est de constater que la concurrence n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de proposer des moteurs inutilement surpuissants par rapport aux besoins et à l’usage réel qu’en font les automobilistes.
Que ce soit en version essence, diesel ou hybride rechargeable, on ne compte plus le nombre de modèles qui affichent des performances comparables voire supérieures à ce qu’affichaient des coupés sport de la fin du siècle dernier. Pour circuler sur des routes limitées à 130 km/h maximum sur lesquelles la congestion aux heures de pointe n’a jamais été aussi élevée au fur et à mesure que l’on se rapproche des grandes villes, cette course à la puissance interroge forcément…
Autonomie en forte hausse, prix (encore) élevé, poids à vide élevé, puissance en hausse constante : les véhicules tout électrique participent à leur manière à amplifier le phénomène.
Avec une spécificité qu’il convient toutefois de rappeler : contrairement à leurs homologues à pétrole ou hybride rechargeable, les véhicules électriques à batterie peuvent assez facilement minimiser leur impact à l’usage dès lors que l’électricité qui recharge la batterie est issue de sources à faible impact environnemental.
Une spécificité qui reste valable quelque soit le gabarit du véhicule électrique et qui n’est que plus facile à concrétiser en optant à la base pour un véhicule sobre plutôt qu’en optant pour un gros SUV affichant plus de 2 tonnes à vide…
Que ce soit la Toyota Prius IV, la Hyundai IONIQ ou dans une moindre mesure la BMW i3, force est de constater que le succès commercial de ces modèles qui comptent parmi les plus sobres du marché est loin de pouvoir rivaliser avec celui des SUV les plus populaires.
Chez Toyota par exemple, la Prius IV se vend beaucoup moins bien que le nouveau RAV4 malgré une consommation réelle très inférieure.
Dans une économie de marché dictée par la loi de l’offre et de la demande, les constructeurs automobiles n’ont de cesse de répéter qu’ils produisent ce que les clients sont prêts à acheter et non ce qu’il conviendrait de produire pour espérer atteindre réellement les objectifs imposés par ailleurs pour toutes les bonnes raisons que l’on sait.
En réalité, il suffit de parcourir les publicités qui inondent les médias à longueur d’année pour mesurer l’influence néfaste du marketing automobile qui, de plus en plus, assume sans honte de faire dans le machisme, le greenwashing ou l’irréel pour vendre coûte que coûte des produits dont les clients n’ont pas besoin plutôt que de vanter les performances environnementales de leurs modèles les plus sobres.
PSA l’a déjà annoncé, Toyota également : les actuelles C1, 108 et Aygo n’auront pas de descendante directe. Pas assez rentables à produire au regard des normes de plus en plus sévères d’un coté, de plus en plus éloignées des attentes des acheteurs de véhicule neufs de l’autre.
Un constat qui interpelle : sur le marché de l’occasion, les petites voitures économes demeurent très prisées des consommateurs et pas uniquement en guise de deuxième voiture. Un exemple de plus pour illustrer la fuite en avant en faveur du toujours plus et le décalage croissant entre le marché neuf et celui de l’occasion : le premier constitué d’une clientèle plutôt âgée et/ou aisée ; le second, beaucoup plus varié dans lequel on retrouve la quasi totalité des ménages modestes pour qui les véhicules bons marchés et économes à l’usage demeurent une cible privilégiée qui pourrait paradoxalement finir par manquer d’ici quelques années au vu des évolutions annoncées…
Si la fiscalité constitue un levier potentiellement très efficace pour orienter le choix des consommateurs, force est de constater que depuis quelques temps, sur le marché français, elle brille par son inefficacité. Il suffit de voir l’évolution des ventes de SUV pour s’en convaincre.
Pourtant, en s’inspirant davantage des lois fondamentales de la physique plutôt qu’en édictant des barèmes d’émissions définis au gramme près avec la bénédiction des constructeurs automobiles nationaux, le législateur a potentiellement une partie des cartes en main pour apporter une réponse durable au problème : privilégier les véhicules légers, intrinsèquement moins gourmands en ressources et en énergie plutôt que des véhicules de plus en plus lourds, faussement écologiques, dont le bilan environnemental à l’usage est en réalité très éloigné de celui déclaré.
Au lieu de continuer à faire dans l’arrogance, l’hypocrisie ou la lobotomie à outrance, qu’attendent les constructeurs automobiles pour enfin changer de registre en s’attaquant au véritable enjeu de ce siècle : la mobilité durable.
En jouant à fond la carte de la sobriété, de l’efficacité ou encore celle de la production et/ou de la fourniture d’énergie à même de couvrir au moins partiellement la consommation annuelle d’énergie des modèles vendus, l’industrie automobile européenne a un boulevard à explorer pour espérer contrer à temps l’offensive chinoise à venir.
Est-elle encore en mesure de négocier ce virage à temps ? Pensez-vous que l’ampleur des changements à opérer est encore à sa portée ou au contraire, qu’il est désormais peu probable que ces changements en profondeur aient lieu à temps ?
Face à l’immensité des enjeux sociaux et sociétaux à venir, il y a plus que jamais urgence à inventer la suite de l’histoire avant que d’autres ne s’en chargent à leur place…
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