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La plupart des constructeurs automobiles impliqués dans l’électrique produisent ou coproduisent désormais des vélos électriques. Une évolution naturelle ?
Avec la pandémie qui fait grimper la demande, les ventes de bicyclettes électriques explosent, à tel point que les fabricants ont du mal à tenir la cadence, ce qui a pour effet un allongement des délais de livraison, parfois de plusieurs mois. En France, il s’est vendu 660 000 VAE (vélos à assistance électrique) en 2021 contre 515 000 en 2020, soit une hausse de 28 % par rapport à l’année précédente. En valeur, la progression est encore plus marquante puisqu’elle se situe à +15 % à 3,4 milliards d’euros. Conséquence de cette bonne santé, le vélo électrique représente désormais 24 % du marché en volume et 59 % en valeur.
Donc, oui, les bicyclettes électriques sont populaires, et il se pourrait que ce succès attise les convoitises des… constructeurs automobiles.
Une attirance qui n’est pas entièrement nouvelle quand on sait que Ford, en pleine mutation vers son objectif de devenir une « smart mobility company » avait par exemple déjà fait homologuer un vélo à assistance dès 2014.
Mais la tendance semble s’amplifier depuis quelques mois, à tel point que les annonces sur le sujet se succèdent à un rythme soutenu. Ainsi des géants de l’automobile tels que BMW, Volkswagen, Seat, Peugeot et Skoda se lancent sur le marché des trottinettes et des vélos électriques.
Et ils ne sont pas seuls. Même dans le premium allemand on y va de son biclou à piles. Porsche par exemple a déjà sa gamme de super eBike Sport et eBike Cross, et vient d’investir coup sur coup chez deux fabricants de vélos électriques, respectivement en Croatie avec Greyp Bikes, et en Allemagne avec Fazua (pour ce dernier, il s’agit d’un rachat après une période intermédiaire d’entrée au capital à hauteur de 20 %). Audi est dans le mouvement depuis dix ans puisque son premier concept de VTT électrique – déjà connecté en WiFi – avait été dévoilé en 2012. Une stratégie cependant très élitiste puisque la marque allemande n’a proposé ensuite qu’un modèle « e-tron Bike » en série limitée à 100 exemplaires à… 15 300 €. L’engin ne figure plus au catalogue, et c’est silence radio depuis, si l’on met de côté cette drôle de trottinette électrique à quatre roues, apparue furtivement, et celle-ci, plus conventionnelle, conçue par Segway, toujours disponible à la vente (mais qui n’a d’Audi que le badge, et qui n’a absolument rien de révolutionnaire).
Si l’on continue ce petit inventaire, de Bugatti à Mercedes en passant par Aston Martin ou Toyota, sans parler de Peugeot, un peu à part puisque constructeur historique de bicyclettes, on trouve du VAE ou de la trottinette électrique dans le catalogue de presque tous les grands constructeurs. Un mouvement qui suit presque en parallèle celui de leur transition vers l’électromobilité. D’ailleurs, même les fabricants de motos comme Harley-Davidson et Ducati s’y mettent, même si dans leur cas cette incursion dans le vélo parait plus naturelle.
Bref, on pourrait encore en citer beaucoup comme cela.
Les grandes villes, en particulier, deviennent de plus en plus difficiles à parcourir en voiture. Les gouvernements sont bien conscients de la nécessité de réduire les émissions de carbone, et la voiture électrique y contribue largement, en tout cas à l’usage. Il faut s’attendre à ce que les initiatives visant à améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes soient encore plus nombreuses à l’avenir, ce qui se fera évidemment au détriment des voitures (même électriques, on parie ?) et au profit des mobilités douces. S’il est peu probable que l’industrie automobile disparaisse complètement, les constructeurs doivent envisager d’élargir leur offre et de chercher d’autres moyens d’augmenter leurs revenus.
Mais avant l’appât du gain – qui reste marginal par rapport aux chiffres d’affaires monumentaux que génère l’automobile – c’est probablement avant tout un enjeu d’image. Bien sûr, je vous vois venir, quand on parle d’image dans le domaine de l’écomobilité, le soupçon de greenwashing n’est jamais très loin. Mais ce n’est pas si sûr. Le vélo, a fortiori électrique, est un objet de merchandising et de communication porteur d’un message perçu comme sympathique. Au-delà de l’image de mobilité « propre » qui fait généralement mouche auprès des jeunes et des citadins, le VAE symbolise un nouveau mode de vie fait d’écoresponsabilité, d’attrait pour la technologie, et de liberté individuelle et de circulation. Des valeurs qui sont en cohérence avec le discours des constructeurs automobiles en pleine mutation vers l’électromobilité.
D’autre part, cette offre qui vient très opportunément s’ajouter au catalogue des constructeurs leur permet de se donner une chance de plus de garder leurs clients dans leur giron en leur offrant autre chose qu’une seule voiture. Faire un peu d’upselling en proposant un vélo aux couleurs de la marque ne peut pas faire de mal, et cela peut même servir d’argument de vente de substitution à la banale remise du concessionnaire.
Enfin, montrer qu’on est capable de proposer des VAE dernier cri – même si on ne les fabrique pas – aux couleurs de la marque est un signe de savoir-faire auquel les clients ne sont certainement pas insensibles. Il existe un certain « fétichisme » qui incite de nombreux automobilistes à devenir de véritables consommateurs/ambassadeurs de leur constructeur favori, les poussant à acheter accessoires et produits dérivés pour peu qu’ils arborent le logo de la marque, pour le simple plaisir de sentiment d’appartenance à une communauté.
Cet engouement des constructeurs automobiles en transition vers l’électromobilité pour les mobilités douces est donc probablement loin d’être anecdotique, et pourrait même constituer à terme un pan à part entière de leurs stratégies industrielle et commerciale, montrant une continuité entre deux modes de transport que l’on a trop souvent tendance à opposer.
Je suis frappé de voir à quel point, dans mes relations personnelles ou professionnelles, la plupart des personnes que je connais possédant une voiture électrique possèdent également un vélo électrique qu’elles utilisent au quotidien.
Une continuité d’usages qui fera peut-être bientôt de nous des vélomobilistes.
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