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La recharge de voiture électrique est aussi une affaire de design

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stations de recharge Mercedes
stations de recharge Mercedes

(image : Mercedes)

Les stations de recharge se multiplient, pour le plus grand bonheur des électromobilistes. Mais leur conception diffère, ce qui peut parfois poser problème.

Imaginez une station-essence située au fond d’une zone industrielle ou commerciale, mal fléchée, voire pas fléchée du tout, dans laquelle il faudrait se garer en talon pour faire le plein, après avoir téléchargé une application ou qui ne fonctionnerait qu’avec une marque de voitures.

Vous me voyez venir… Si la pertinence de la comparaison entre stations-services pour voitures thermiques et stations de recharge pour voitures électrique se heurte très vite à quelques limites, il n’en demeure pas moins que les électromobilistes ont parfois quelques bonnes raisons sinon de râler, au moins de s’interroger sur la conception parfois étonnante de certains points de recharge.

Il faut dire que, à la décharge (haha) des opérateurs en place sur le marché, tout va tellement vite que la quantité est parfois prioritaire sur la qualité. Quand un marché est multiplié par 2 en une année (en gros de 50 000 à 100 000 points de charge entre 2022 et 2023), dans un environnement aussi complexe, en tension foncière, et aussi réglementé, que celui du déploiement de stations de recharge, il y a forcément quelques couacs.

Et pourtant, lesdits opérateurs de réseaux de recharge ne s’en tirent finalement pas si mal. On peut affirmer sans trop se mouiller que le bilan est globalement positif, que la recharge de voiture électrique lors de grands trajets se passe de mieux en mieux, avec un taux de disponibilité général à la hausse, et de moins en moins de mauvaises surprises quand on branche sa voiture.

Le dépassement hautement symbolique et déjà très commenté du fameux cap des 100 000 points de charge publics en France est l’occasion de faire le point sur les principaux réseaux de recharge, leur approche du marché et leurs spécificités.

D’abord, un constat. Si dans l’ensemble les stations de recharge s’intègrent généralement assez bien dans leur environnement – souvent en zone commerciale péri-urbaine, donc ce n’est pas Versailles non plus – elles ne sont pas pour autant égales dans leur recherche de design. Dans ce domaine, s’il fallait décerner un trophée de la borne la plus réussie (ou la moins moche), il reviendrait certainement à Tesla et ses stèles minimalistes. Juste derrière on retrouverait probablement Ionity, dont les bornes toutes de blanc vêtues à la taille de guêpe ne jureraient pas dans un musée d’art moderne. Chez les autres, on est plutôt dans le fonctionnel, même si on sent de plus en plus une recherche dans le dessin des points de charge.

Ce qui nous conduit à un petit exercice amusant – mais que d’aucuns jugeront probablement hors de propos -, celui d’imaginer des stations (et des bornes) conçues et dessinées par des firmes réputées pour leur obsession du design, comme par exemple Apple. On sait à quel point le design fait vendre, et la dimension stratégique de celui-ci dans les produits high-tech, jusque dans le packaging. Toutes celles et ceux qui sont entrés au moins une fois dans un Apple Store savent de quoi nous parlons, et à quel point la conception de ces temples de la tech est capable de créer l’envie et de susciter l’acte d’achat. Alors bien sûr, la comparaison est hasardeuse puisque généralement on s’arrête dans une station de recharge par nécessité et pas par envie, qui sont deux motivations presque antinomiques. Mais quand, pour un même besoin, la concurrence s’exerce et offre un choix, alors l’attractivité est un critère qui rentre en ligne de compte. Et le design aussi. D’ailleurs, même en termes de recharge, travailler le design des stations ne parait pas aussi absurde.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir les travaux d’Audi avec son Charging Hub qui repense complètement l’expérience de charge, et les projets de Mercedes en la matière, deux firmes pour qui cet aspect de leur marketing est aussi essentiel. Et si un BMW fait appel à Hans Zimmer pour le design sonore de ses modèles électriques, qui sait si un jour un Ionity ou un Electra ne sollicitera pas un Philippe Stark pour le design de ses stations, ou au moins de ses bornes ?

D’ailleurs, le design industriel a aussi ses trophées. Et c’est une borne de recharge électrique (domestique), la EVBox Livo, qui vient de recevoir le prestigieux Prix Red Dot Design 2023 dans la catégorie des accessoires pour véhicules. Philippe Stark si tu nous écoutes…

Alors, du point de vue design, ergonomie et fonctionnalités, maintenant que le marché des réseaux et stations de recharge arrive à maturité, quelles sont les caractéristiques et points différenciant les principaux acteurs du marché ? Petit tour d’horizon.

Tesla, entre minimalisme et efficacité

Le design des stèles Tesla n’a pratiquement pas changé depuis l’implantation des premiers Superchargeurs il y a de cela 10 ans. Seule différence visible, l’arrivée d’un deuxième câble de recharge compatible CCS Combo en 2019 pour alimenter la toute nouvelle Model 3. La V3 autorisant des charges à 250 kW est arrivée un peu plus tard sans changement de design notoire. Cela va changer avec la V4 en cours de déploiement, avec des bornes pleines et non plus évidées en leur milieu, ce qui justifie un câble désormais situé à l’extérieur comme sur les autres bornes, d’une longueur de 3 mètres, ce qui rendra la compatibilité avec les voitures d’autres marques plus facile. Toujours pas d’écran ni de lecteur de carte en revanche, deux caractéristiques uniques aux bornes Tesla. Autre spécificité, concernant les stations Tesla : elles sont généralement très bien cachées au fond d’improbables zones d’activité typiques de la France périphérique, et horriblement mal fléchées, voire pas fléchées du tout, presque comme si la marque prenait un malin plaisir à jouer au chat et à la souris avec ses clients. Et, non, parfois le GPS ne suffit pas, notamment dans les parkings de centre commerciaux à plusieurs étages (coucou Parly 2).

Ionity muscle son jeu

Les stations Ionity se multiplient au pas de charge notamment depuis l’après-Covid, avec une caractéristique commune, celle de proposer généralement entre 5 et 8 bornes, dont une « bas-débit » de 50 kW, les autres pouvant en théorie délivrer jusqu’à 350 kW, même si aucune espèce d’automobile vivant actuellement sur cette planète d’est capable de recevoir un tel flux. Cependant, la politique de Ionity consiste désormais autant à renforcer les stations actuelles avec de nouvelles bornes qu’à ouvrir de nouvelles stations. Des nouvelles stations qui changent d’envergure et font entrer le réseau germano-americano-coréen dans une nouvelle dimension puisque parmi les dernières ouvertures on recense des lieux qui comptent jusqu’à 18 bornes, comme celle récemment inaugurée du magnifique Lac de Garde en Italie. La France n’est pas en reste avec ce qui était jusqu’à présent la plus grande station, celle de Mornas, ouverte en février 2023, et qui comptait déjà 16 bornes. Après une période de lancement où les problèmes de disponibilité et de fiabilité n’étaient pas rares, tout semble désormais rentré dans l’ordre.

Electra, déploiement éclair et innovation

Le challenger français, créé en 2021, compte déjà 59 zones de recharge, qui comptent de 2 à 14 bornes de recharge. Un accord récent avec Vinci Autoroutes va permettre à la jeune start-up de déployer 112 nouveaux points de charge haute puissance sur 7 aires de services du sud de la France, ce qui représente 16 points de charge en moyenne par station. Forte de deux levées de fonds pour un total de 165 millions d’euros réalisées très tôt après sa création, Electra avance vite et fort, ce qui n’empêche pas l’opérateur de penser innovation, avec notamment ce service encore unique qui permet de réserver sa borne avant d’arriver pour charger. Côté design, les stations Electra sont facilement reconnaissables avec leurs imposantes stèles vertes et une signalisation très claire.

Allego n’oublie pas les mobilités douces

Le réseau européen d’origine néerlandaise fait figure de pionnier du secteur puisqu’il a ouvert ses premières stations en 2013, il y a dix ans. Depuis, 750 stations ont été déployées en Europe. La France n’est pas en reste, puisqu’une coopération unique entre Allego et Enedis a permis de déployer 107 stations en moins de 12 mois, avec des puissances de recharge allant de 22 kW à 300 kW. Caractéristique des stations Allego, les bornes sont pensées et dessinées comme des « hubs de mobilité urbains » avec plus de 1 700 points de charge dédiés à la mobilité douce électrique. Ainsi, les vélos et les trottinettes électriques peuvent se recharger sur du mobilier urbain dédié.

Driveco plante son parasol

Fondé en 2010, le réseau français de recharge compte aujourd’hui 775 zones de charge (selon Chargemap) de 22 à 180 kW réparties sur tout le territoire. Driveco se déploie également rapidement, notamment grâce à son accord d’équipement des parkings de grands magasins Carrefour Market (600 stations en partenariat avec Carrefour Energies), mais aussi Novotel, Decathlon ou encore Boulanger. Driveco, qui se veut à la fois fournisseur d’énergie, opérateur de stations de recharge, Fabricant de bornes, installateur d’infrastructures et fournisseur de services de mobilité via son application mobile, vient de lever 250 millions d’euros pour accélérer son déploiement. Dans son offre, la PME présente diverses options de points de charge. Parmi celles-ci, « Parasol », le toit solaire, une solution qui rappelle l’origine de Driveco en tant que filiale de Corsica Sole, une entreprise spécialisée dans l’exploitation et la production d’énergie solaire sur l’île de Beauté. Sur une surface de toiture de 150 m2, ce parasol est équipé de 88 panneaux photovoltaïques générant de l’électricité d’une puissance installée de 29 kWc. Cette configuration permet de recharger simultanément jusqu’à 8 véhicules. Pour faire face aux conditions météorologiques défavorables, une batterie-tampon est prévue en cas de manque d’ensoleillement. Les parasols sont interconnectés et gérés par un système de réseau intelligent (smart grid).

Fastned, les cathédrales de la recharge

Lui aussi né au Pays-Bas, en 2012, Fastned fait déjà partie des valeurs établies, avec plus de 250 stations réparties dans six pays européens : Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Suisse et France (25 stations à ce jour mais encore de nombreuses ouvertures prévues dans les prochains mois). Côté caractéristiques, Fastned se distingue de la concurrence par la configuration de ses stations. Celles-ci son couvertes par un grand toit solaire incurvé (une canopée), qui abrite des bornes disposées de façon traversante, ou en ligne, comme les pompes d’une station-essence. Cette disposition favoriserait la fluidité des recharges en évitant aux conducteurs de fastidieuses manœuvres pour se garer près des stèles. Autre caractéristique, avec Electra et Tesla (mais ce dernier uniquement pour les Tesla), Fastned fait partie des 3 seuls réseaux qui proposent le plug & charge, autrement dit le branchement et la charge immédiate sans authentification manuelle par un outil tiers (carte ou app).

Stations-e mise sur les services de proximité

L’opérateur français adopte une démarche originale, telle que nous l’avions vue en détail dans un épisode de notre podcast. Si le design des Stations-e n’a rien de révolutionnaire, ce sont les services associés à ces stations qui sont inédits. Stations-e a en effet fait le choix de proposer un peu plus que la simple recharge en complétant son offre sur les points de charge avec différents services de proximité comme le click & collect, l’autopartage, un relais cellulaire pour pouvoir être connecté pendant sa recharge en cas de zone blanche. Certes, le déploiement des Stations-e est un peu moins spectaculaire que celui des autres opérateurs mentionnés ci-avant, mais l’offre n’en est pas pour autant de valeur.

Encore un petit effort…

Le secteur des stations de recharge mûrit, s’organise et muscle son offre, comme l’appelions de nos vœux dans un précédent et déjà ancien Zone Verte. Certes, le maillage doit continuer à s’intensifier si l’on veut éviter les tensions lors des grands migrations estivales, comme on a pu en avoir un petit avant-goût au cours du week-end de l’Ascension, et c’est bien sûr la priorité numéro un. Mais cela n’empêche pas que la conception des stations évolue et s’adapte aux besoins des utilisateurs, et que les services liés se multiplient. Il reste cependant encore quelques progrès à faire, parmi lesquels une demande récurrente, celle de l’affichage en clair et visible de loin des tarifs comme c’est le cas dans les stations-essence, et peut-être du nombre de bornes disponibles, voire des services associés. Et aussi la généralisation des toits de protection, du plug & charge, de la réservation de la borne, un process de gestion de queue lors des jours de grosse fréquentation.

Nous y sommes presque, encore un petit effort…

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