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Les constructeurs abusent-ils de la symbolique électrique dans le design des voitures zéro émission ?
Calandres pleines (ou absence de calandre), codes couleurs étranges, dessins et textures néo-futuristes, lignes parfois sans caractère… L’avènement des voitures électriques et leur (discrète) invasion dans le paysage ne cessent d’étonner et de faire parler.
Et pas toujours dans les termes les plus favorables, il faut bien l’avouer.
Ayant ouvert le bal de l’électromobilité il y a une vingtaine d’années, puis évolué depuis par touches cosmétiques, la proverbiale Toyota Prius a du mal à se défaire de son image de voiture au physique ingrat. Comme si l’hybride, puis l’électrique étaient un genre à part pour lequel les constructeurs seraient en panne d’inspiration, ou de réinvention. Bref, condamnées à être moches, ou en tout cas d’un design très particulier, les électriques traînent depuis des années leur malédiction de vilains petits canards.
Si Tesla a depuis vaincu cette malédiction, exactement depuis 2012 et l’arrivée de la majestueuse – et toujours pas démodée – Model S, et que les autres constructeurs ont fait des efforts pour sortir des modèles zéro émission au design enfin attirant, il n’en reste pas moins que la refonte des codes de l’esthétique automobile face à cette nouvelle donne semble parfois se faire un peu dans la douleur.
Il faut dire que les constructeurs ont quand même quelques circonstances atténuantes. Car en matière d’automobile, même si c’est moins prégnant que dans d’autres domaines, la fonction prime sur la forme. Or dans ce domaine, l’électromobiliste est confronté à plusieurs contraintes : écologie, autonomie des batteries et aérodynamique, et technologie.
Concernant l’écologie, puisque les voitures électriques sont censées être plus vertueuses en matière de respect de l’environnement (tout du moins quand elles roulent, je ne reviendrai pas sur le débat pour le reste), il paraît logique qu’elles le soient aussi dans tous les autres choix. C’est par exemple le cas avec les fameux sièges « vegan » des Tesla, qui imitent parfaitement le cuir sans en être. Ce qui conditionne probablement la façon dont ils sont fabriqués, peut-être leur design, et… leur longévité. Idem pour les sièges « Race-Tex » ou « Econyl », à base de fibres recyclées, de la Porsche Taycan. L’inventaire ne s’arrête pas là, mais il serait trop long à établir ici.
Au sujet de l’aérodynamique, l’on sait depuis au moins la Citroën CX que cette contrainte produit des autos « bizarres », qui ont toujours divisé la communauté des observateurs, entre ceux qui crient au génie esthétique et ceux qui sont à deux doigts de vomir leur quatre heures (oui, cette voiture existe). Mais on se rassurera en se disant que Tesla, avec la Model S, et bientôt avec le Roadster 2, Porsche avec la Taycan, ou encore Lucid Motors avec la très réussie Lucid Air, sont enfin capables de produire des voitures aussi belles que racées tout en affichant un coefficient aérodynamique parmi les meilleurs de la production automobile. Même si la face avant de la Tesla Model 3 sans calandre évoque pour certains un drôle de visage sans bouche en mode Silent Hill (brrr). Ce à quoi l’on pourrait rétorquer que c’était déjà le cas pour la très thermique Porsche 911.
N’oublions pas aussi que l’aspect parfois quelque peu pataud de certains VE découle de la contrainte d’intégrer les batteries sans pour autant trop empiéter sur l’habitabilité. Et, pour conclure sur ce point, on reconnaît souvent une électrique à un détail infaillible : ses jantes, ou plutôt les caches « aero » qui permettent de gagner parfois jusqu’à presque 10 % d’autonomie. Et oui, le diable se cache dans les détails, et l’équation pourrait se résoudre à « jantes moches = meilleur rayon d’action ». Merci de ne pas taper, je sais que c’est un peu caricatural. Mais bon, on ne va pas se mentir, les jantes aero de la Tesla Model 3 sont pour moi le truc le plus hideux qu’ait connu l’automobile sur ces cinquante dernières années (d’accord, juste entre la Citroën Axel et le Fiat Multipla). Voilà c’est dit, je viens de me faire plein d’amis :).
Reste le côté high-tech, devenu apparemment indissociable de la voiture électrique. Passons sur les écrans – uniques ou multiples – qui s’invitent désormais dans l’habitacle et semblent devenus la norme. Pour le meilleur ou pour le pire, je vous laisse juges. Cela étant, la technologie semble répondre à une injonction de s’afficher partout où elle le peut, même si cela n’est pas forcément indispensable, voire pas utile. On peut par exemple s’interroger sur la nécessité de remplacer les bons vieux rétroviseurs miroirs par des caméras connectées à des écrans, comme c’est le cas sur l’Audi e-tron ou la Honda E. D’autant que le gain esthétique est discutable. Mais il s’agit là aussi plutôt d’une question aérodynamique qui profite d’une avancée technologique. Et on peut imaginer que de nouvelles fonctionnalités enrichies à venir rendront rapidement ces derniers incontournables.
Enfin, on sent parfois que les constructeurs ont tendance à en rajouter un peu dans les « marqueurs » de la symbolique électrique, même dans des domaines où ce n’est pas indispensable. Ainsi aura-t-on droit à des versions bleutées des logos, à des liserés verts (ou bleu électrique, forcément) sur les ceintures de carrosserie, à des textures de revêtement intérieur particulières, ou à un langage de design général sans autre objectif que « faire moderne », qui permettra d’identifier au premier regard un modèle électrique, sans savoir exactement pourquoi, y compris dans une gamme à l’identité graphique très forte et mondialement réputée. La magie du subliminal.
Avec l’électrique, les constructeurs font face à un défi gigantesque qui les contraint à totalement se réinventer, puisque, avant même de concevoir de nouveaux modèles, ils doivent d’abord concevoir et déployer les plateformes spécifiques sur lesquelles ils seront fabriqués. Un défi à la fois fait de contraintes industrielles et de liberté créative, qui se traduit parfois par quelques sorties de route esthétiques.
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Focus sur Tesla24 septembre 2024
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