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Les véhicules électriques ne prolifèrent pas encore dans nos rues et les voitures autonomes n’y font pas encore leur apparition que, déjà, les constructeurs se préparent à la prochaine « rupture technologique » : les voitures volantes. Bouclez vos ceintures pour un tour d’horizon.
L’automobile volante a toujours nourri notre imaginaire et elle inspire depuis longtemps les auteurs de science-fiction. Mais aujourd’hui ce rêve futuriste n’a plus rien d’utopique. En septembre dernier l’entreprise allemande Volocopter (soutenue financièrement par Daimler) a procédé au premier essai de son taxi volant. C’était à Dubaï : le biplace autonome s’est élevé dans le ciel et a effectué un vol de 5 minutes en présence du prince héritier Hamdan ben Mohammed.
Volocopter espère commercialiser ses premiers taxis volants dans moins de 5 ans. « Vous pourrez appeler un Volocopter avec votre smartphone et il viendra vous chercher au Voloport le plus proche, sur le toit d’un immeuble par exemple » nous confie Florian Reuter, directeur général de la société. Le Volocopter est en effet un VTOL (Vertical Take-off and Landing Aircraft) : ceci est un must quand l’ambition est de s’imposer dans la mobilité urbaine.
Daimler n’est pas le seul grand constructeur à s’intéresser à la voiture volante. Que des géants de l’aéronautique comme Boeing, Airbus ou même la Nasa soient très actifs dans le domaine n’est pas étonnant. Airbus travaille sur plusieurs projets dont un engin électrique et autonome baptisé Vahana, développé par sa filiale A³. Son premier « vol » expérimental s’est déroulé sans accroc à Pendleton (Etats-Unis) le 31 janvier de cette année. Le prototype s’est élevé dans les airs jusqu’à 5 mètres avant de se poser en douceur au sol.
Par ailleurs Airbus poursuit le développement de son concept Pop.Up que nous vous avions déjà présenté à l’occasion du salon de Genève 2017. Depuis l’année dernière le projet s’est perfectionné. La nouvelle version, baptisée Pop.Up Next bénéficie du savoir-faire d’Audi qui a rejoint le partenariat et apporte son expérience en matière de technologie de batterie et de pilotage autonome. L’engin sera capable de rouler sur route à 100 km/h avec une autonomie de 130 km. Ses performances aériennes ont évolué, la vitesse de pointe étant portée à 540 km/h (contre 100 km/h dans la première version) au détriment de l’autonomie ramenée à 50 km (contre 100 km auparavant). L’habitacle a été entièrement revu pour gagner en poids.
Boeing, qui a pris du retard sur les taxis volants, ne compte évidemment pas se laisser distancer par son grand rival européen. L’avionneur américain a récemment acquis une série de start-up spécialisées dans les vols d’engins autonomes, dont la dernière en date est Aurora Flight Science. Cette entreprise américaine s’est notamment associée à Honeywell et Rolls-Royce pour concevoir un avion électrique hybride destiné à l’armée américaine. Une version civile devrait également être développée.
Mais le prototype le plus avancé et, à mon avis, le plus séduisant est celui de la société chinoise Ehang. Celle-ci avait déjà présenté son concept, l’Ehang 184 au CES de Las Vegas en 2016. Depuis lors elle aurait, selon ses dires, effectué plus de 1000 vols d’essai. Très récemment Ehang a diffusé un clip vidéo qui montre son taxi autonome effectuant des tests en vol avec des passagers dont le boss de l’entreprise, des ingénieurs mais aussi des représentants du gouvernement chinois et le maire-adjoint de la ville de Guangzhou.
En tout, une quarantaine de personnes auraient déjà volé dans ce drone grand format dont le châssis est en aluminium et la carrosserie en fibre de carbone. Selon les déclarations de l’entreprise l’engin a grimpé jusqu’à 300 mètres d’altitude, réalisé un vol de 15 km, volé pendant la nuit et dans le brouillard et affronté un vent de force 7. Question performances, l’Ehang 184 peut voler à 130 km/h pendant 25 minutes. À l’heure actuelle, les chinois mettent au point un pilotage manuel de l’appareil, de sorte que les passagers auraient la possibilité d’en prendre le contrôle. Les ingénieurs travaillent aussi sur une version biplace.
Toujours en Chine, le constructeur automobile Geely (propriétaire de Volvo) s’intéresse également aux engins volants : il a récemment acquis la start-up américaine Terrafugia. Fondée en 2006 par des diplômés du M.I.T. cette entreprise développe des projets de voitures volantes. Son premier modèle, la Transition, a obtenu toutes les certifications américaines pour une commercialisation et une utilisation tant sur la route que dans l’espace aérien. Terrafugia travaille sur un second projet la TF-X, un VTOL plug-in hybride : pendant les phases de décollage et d’atterrissage, les moteurs électriques entraînent les rotors du véhicule. En vol, le moteur thermique prend le relais.
Uber, le géant mondial du transport par taxi ne pouvait évidemment pas rester indifférent aux perspectives de développement des taxis volants. Ambitionnant un leadership mondial dans cette technologie la start-up californienne a d’abord recruté Mark Moore, un expert de la NASA qui a travaillé sur les voitures volantes. Et puis, dans la foulée, elle a signé en octobre dernier un partenariat avec l’agence spatiale américaine pour mettre au point un service de taxis volants autonomes. Uber ne va pas construire des appareils mais « développer un nouvel écosystème pour faire du marché des VTOL électriques urbains une réalité ».
Le projet a été baptisé Uber Elevate. Il sera d’abord expérimenté dans les villes de Dallas (Texas), Los Angeles (Californie) et Dubaï. Les premiers vols sont prévus en 2020 et le passage à la phase commerciale en 2023, avec en point de mire les jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles. Uber prévoit d’utiliser en tant que « skyport » des toits d’immeubles ou des terrains inutilisés proches de grands axes routiers. Dans un premier temps, ses taxis aériens seront pilotés par un « chauffeur » mais l’objectif est bien entendu de passer rapidement à la conduite autonome.
Alors que les premières tentatives de faire voler des voitures datent de plus de cent ans (quelques années à peine après le premier vol des frères Wright), il n’est pas étonnant que la perspective de voir bientôt cette utopie se réaliser arrive aujourd’hui. Ce sont en effet les avancées et les innovations en matière de mobilité électrique et de véhicules autonomes qui rendent possible cette évolution technologique. Les voitures et taxis volants seront électriques et autonomes ou ne seront pas. La technologie électrique offre plusieurs avantages : l’absence de bruit et de pollution qui faciliteront grandement l’acceptation de ces engins dans le ciel urbain ; la fiabilité du moteur électrique, quasi inusable, et dont les risques de pannes sont réduites par rapport aux motorisations thermiques ; la souplesse et la simplicité de la transmission électrique (pas de boîte de vitesse, ni d’embrayage, couple constant, …), etc.
A l’heure actuelle, le principal frein au développement des automobiles volantes n’est donc plus technique mais administratif et juridique : les réglementations en matière d’utilisation de l’espace aérien sont très strictes et, au cœur des villes, la circulation aérienne est même strictement interdite dans de nombreux pays. Selon Noel Sharkey, expert en robotique à l’université de Sheffield, « un des plus grand défis sera l’évitement dynamique des obstacles comme les immeubles, les autres taxis et appareils volants, les drones de livraison de colis, les oiseaux, etc. ». On imagine aisément tous ces appareils aériens zigzaguant entre les immeubles : les conséquences d’un crash seraient dramatiques. Comment gérer, réguler et réglementer cette circulation dans le ciel urbain où il n’est pas pensable de placer des feux tricolores et des panneaux de signalisation ni d’appliquer les règles de priorité du code de la route ? Avec des pilotes humains ce ne sera jamais possible : la tâche serait trop compliquée et le risque d’erreur, d’inattention, de fausse manœuvre trop important. On comprend donc que la solution ne pourra venir que du pilotage robotisé et des innovations en matière de conduite autonome.
En France, la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) s’est prononcée sur le sujet : elle est d’avis qu’une « voiture volante ne pourra entrer dans l’espace aérien qu’à la condition qu’elle décolle et atterrisse depuis un aéroport ». Cette position, si elle est maintenue, constituera un obstacle de taille à l’avènement des taxis aériens dans l’hexagone.
Mais d’autres Etats pourraient se montrer bien plus souples. Dubaï sera sans doute la première ville au monde à autoriser les taxis volants : elle a l’ambition de devenir une « ville intelligente », peuplée de robots, de drones et de voitures autonomes. Les taxis volants font partie intégrante de cette vision et il ne fait quasi aucun doute que les gouvernants de l’Emirat prendront les décisions nécessaires pour autoriser les automobiles volantes dans leur ciel. Le Régulateur des Routes et Transport (RTA) de Dubaï a d’ailleurs déjà donné son feu vert à plusieurs vols d’essais d’engins volants autonomes, dont celui du Volocopter cité plus haut. L’Emirat a en outre annoncé que le système de transport par taxis volants pourrait être déployé dès cet été : un centre de contrôle terrestre supervisera les vols.
La Nouvelle-Zélande, dont l’espace aérien est encore peu encombré, est aussi à l’avant-guarde. Il y a quelques jours elle a donné son feu vert à Zephyr Airworks, filiale de Kitty Hawk (dont le propriétaire n’est autre que Larry Page, co-fondateur de Google), l’autorisant à développer et tester un VTOL électrique et autonome dénommé Cora. Cet engin dispose d’une autonomie de 100 km avec une vitesse de pointe de 177 km/h. Le directeur du projet est l’Allemand Sebastian Thrun, qui a participé au projet de voiture autonome de Google. Selon certains médias, Kitty Hawk pourrait déjà lancer un service commercial de taxis volants en Nouvelle-Zélande dans 3 ans seulement. Mais d’autres mentionnent que la phase de test devrait durer 6 ans.
Les Etats-Unis seront probablement parmi les précurseurs. Non pas que les règles et leur contrôle y soient moins stricts : la FAA (Federal Aviation Administration) ne plaisante pas avec la sécurité. Mais les américains savent faire preuve de souplesse quand il s’agit d’innovation. Outre Boeing et Uber, de nombreuses start-up américaines ne se soucient d’ailleurs pas trop des difficultés réglementaires et travaillent sur des projets d’automobiles volantes, notamment Zee.Aero et Kitty Hawk.
Pour terminer, une autre question mérite quand même d’être posée : cette (r)évolution technologique est-elle raisonnable et responsable, nécessaire ou même simplement souhaitable à l’heure où nous savons que les ressources terrestres en matières premières s’épuisent rapidement. Est-elle une solution adéquate à nos problèmes de mobilité, de changement climatique, d’environnement, d‘effondrement de la biodiversité et de répartition équitable des richesses ?
Qu’en pensez-vous ?
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