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Barbara Pompili, Jean-Louis Borloo et Bertrand Piccard sont venus assister fin octobre dernier à l’inauguration de la station de recharge NW Groupe de Vezin-le-Coquet, près de Rennes (35). Testé à la veille des fêtes, le site est loin d’apporter satisfaction aux électromobilistes.
Si la ministre de la Transition écologique, l’ancien ministre de l’Écologie devenu président de la fondation Énergies pour le Monde, et le président de la fondation Solar Impulse ont effectué le déplacement jusqu’en Bretagne pour apporter leur caution à cette première station de recharge d’un nouveau genre, c’est qu’elle est forcément opérationnelle. Jean-Louis Borloo a même assuré sur le plateau de BFM TV : « On n’inaugure pas un truc qui n’est pas totalement fiable ».
Eh non, justement, la fiabilité n’est pas au rendez-vous, même 2 mois plus tard ! C’est pourquoi plusieurs lecteurs nous ont alertés en suspectant l’entreprise NW Groupe derrière ce site de surtout chasser les subventions, quitte à présenter une coquille vide.
Apportant du grain à moudre à leurs doutes, la politique de communication qui a consisté à prévenir les grands médias, mais pas ceux qui s’adressent directement aux électromobilistes depuis plus de 10 ans. Nous avons par ailleurs formulé une demande d’interview à NW Groupe, sans retour.
Déjà 4 pages de commentaires sur Chargemap concernant la station IECharge de Vezin-le-Coquet, pour la plupart négatifs. De quoi dégoûter les électromobilistes. Tel celui-ci : « Une horreur, bornes en maintenance. Sous la pluie avec l’assistance au téléphone. Sympa. Elles étaient mentionnées fonctionnelles, mais mon interlocuteur était parfaitement informé du dysfonctionnement. Pas fiable donc. C’était ma première charge, voiture neuve ».
Un autre souligne que sa Tesla Model 3 a été recalée : « La seule borne fonctionnelle CCS coupe au bout de 1 minute. Et la borne AC est incapable de charger une Tesla, car tension fluctuant entre 230 V et 280 V. Quant à la Hotline, personne sur les deux numéros, le fixe et le portable. Inadmissible, surtout après s’être glorifié en invitant ministres et VIP pour l’inauguration ! ».
Certains s’impatientent légitimement : « Essayé deux semaines après sa mise en service, un seul Combo utilisable. Sur les deux autres Combo, c’était écrit que ça serait en service à telle date et la date était dépassée. J’ai été incapable de mettre la borne fonctionnelle en route, bug sur bug, personne ne répond au téléphone ».
Automobile Propre s’est donc déplacé sur le terrain pour dresser un état des lieux, en compagnie de Gautier Rouleau, ingénieur logiciel pour la DGA-MI (direction générale de l’armement, maîtrise de l’information). Celui qui est aussi référent IRVE (Infrastructures de recharge pour véhicules électriques), pour la région Grand Ouest, au sein de l’association e-France Café, vient régulièrement sur place. Depuis le lendemain de l’inauguration, il a vu évoluer la station.
Bénévolement, il oriente vers d’autres bornes de recharge les électromobilistes qui ne peuvent recharger leurs véhicules. « Encore récemment, j’ai conseillé à une dame en Mini électrique d’aller à la station Power Dot, à proximité de l’hypermarché Cora de Pacé. L’unique borne DC fonctionnelle acceptait bien ce jour-là ma Peugeot e-208, mais pas cette voiture », lance-t-il.
Une situation courante que ces refus de recharge ? « Tout à fait. Une personne est présente pour NW Groupe en semaine. Elle recense les voitures électriques qui sont acceptées, et celles qui au contraire sont refusées par le système. L’entreprise loue même des VE pour effectuer des tests. J’ai cependant constaté quelques fois des régressions a priori temporaires », témoigne-t-il.
Premier constat en arrivant sur place, la station est très mal agencée. Il y a d’abord une sorte de bordure qui se distingue très mal de la chaussée. Résultat, des électromobilistes, surpris, grimpent dessus. Des traces noires en témoignent.
La station est composée, de gauche à droite : d’un chargeur ultrarapide Nidec avec 2 câbles tous les 2 équipés d’un connecteur Combo CCS ; d’une borne 22 kW AC e-Totem avec prise domestique et connecteur T2 ; et d’une deuxième colonne Nidec, cette fois-ci Combo/CHAdeMO. Donc, potentiellement, si nous comptons bien : 6 points de recharge.
« Non, concrètement, aujourd’hui, c’est 3 points de recharge. Car si une borne est déjà branchée avec un véhicule, il n’est pas possible de revenir au menu qui permettrait à un second utilisateur de s’identifier », rectifie Gautier Rouleau. « Pourtant, le chargeur de gauche, par exemple, serait compatible avec une puissance de recharge de 300-350 kW ; sauf si 2 voitures étaient connectées ; auquel cas la puissance descendrait unitairement à 150 kW », chiffre-t-il.
Sur le sol, devant les 3 bornes, 4 places pour la recharge sont matérialisées, dont celle de droite est réservée aux personnes à mobilité réduite. Dans ce cas de figure, et du fait de câbles trop courts, un électromobiliste en situation de handicap n’aura le plus souvent accès qu’à la recharge CHAdeMO. Par exemple s’il roule en Peugeot e-208.
En outre, si, à l’avenir, les 2 chargeurs Nidec peuvent recharger 2 voitures électriques en simultané, potentiellement, les 4 places seront donc toutes occupées. Alors la borne 22 kW AC ne sera pas accessible, à moins de disposer d’un câble suffisamment long. Mais si le conducteur est en fauteuil roulant, il n’aura pas accès à la façade pour badger et brancher le câble. Soulignons que ce matériel convient en particulier aux utilisateurs de Renault Zoé. Inutile de rappeler la proportion de cette dernière dans le parc roulant actuel.
Et enfin, à part celle dédiée aux PMR, les places sont bien trop petites. Ainsi, entre le Kia e-Soul et la Peugeot e-208 sur nos photos, vous pourrez peut-être garer une autre voiture électrique, mais les passagers ne pourront pas en sortir. Sans compter que la bordure ne va pas faciliter les manœuvres. En bref, cette station n’a clairement pas été étudiée pour faciliter l’usage des bornes par les usagers.
Lorsque nous sommes arrivés fin décembre pour tester l’installation, le chargeur de gauche était indisponible. « C’est normal, l’électronique de puissance a été démontée et envoyée chez Nidec pour réparation fin novembre. Il était question d’une remise en service le 20 décembre. Je pense que ce délai peut être tenu », avance Gautier Rouleau.
La borne 22 kW était fonctionnelle et accessible gratuitement avec n’importe quel badge RFID. Le e-Soul a pu régénérer dessus ses batteries à une puissance de 7,4 kW, soit le maximum du chargeur embarqué dans le véhicule. En revanche, la e-208 n’a pas réussi à faire décoller les chiffres au-delà de 4 kW. « La recharge AC marche bien en général pour les voitures électriques qui fonctionnent en monophasé, mais pas lorsqu’elles sont en triphasé », ajoute notre interlocuteur.
Enfin, le chargeur de droite était également dans un état apparent de panne. Mais…
Alors que Gautier Rouleau essayait depuis quelques minutes de faire démarrer la recharge DC pour sa voiture, nous avons vu apparaître sur l’écran la fameuse petite flèche Windows trahissant qu’à distance un technicien était en train d’intervenir. Le correspondant du e-France Café a alors réussi à s’identifier avec un badge RFID quelconque, ouvrant ainsi à la gratuité du service.
« Utiliser Windows pour des bornes de recharge est un non-sens. Déjà en raison de l’instabilité du système. Mais aussi à cause des possibilités de piratage avec les raccourcis tactiles accessibles. Elle est ouverte au Wi-Fi et au Bluetooth. Il serait très facile, par exemple, à une personne mal intentionnée, de mettre la borne en panne », évalue Gautier Rouleau.
« De façon générale, utiliser une tablette pour la communication avec une borne n’est pas une bonne idée. En plus des risques de pannes spécifiques, l’écran est tout simplement illisible quand il fait soleil », rapporte-t-il.
Avec la Peugeot e-208, la puissance de recharge a atteint les 60 kW. Ce qui était alors conforme à la courbe pour ce modèle avec l’énergie qui restait dans la batterie. En revanche, elle n’a pas dépassé les 40 kW pour le e-Soul, alors que nous nous attendions à une valeur plus élevée d’environ 20 kW. Il faisait frais, certes, avec une température de l’ordre de 5-6 °C. Mais la Coréenne n’était pas arrivée avec la batterie froide sur ce chargeur.
Elle avait été mise en charge sur une prise domestique pendant 2 heures, puis a roulé sur 4 voies pendant 65 km, et régénération à 7,4 kW sur la borne 22 kW AC IECharge pendant 45 minutes. Impossible pour autant d’en déduire à coup sûr que le chargeur Nidec était la cause d’une puissance en retrait.
À noter que, pour notre tour, l’identification par badge RFID quelconque n’était plus active. Il a fallu utiliser une carte bancaire. Pour l’instant, le tarif, non définitif, a été fixé à 0,30 euro le kilowattheure. Aucun totem ne l’indique dans la station. Il faut aller le rechercher sur l’écran tactile.
Espérons que la mésaventure rencontrée par un utilisateur, dont le compte a été débité de 2 fois 50 euros, ne se reproduira plus. NW Groupe a bien sûr remboursé l’électromobiliste. Pour notre part, nous avons bien été facturés de la seule consommation, de l’ordre de 5 euros.
La station IECharge de Vezin-le-Coquet est-elle une coquille vide ? « Non, ce n’est pas mon avis. Il est toujours difficile bien sûr de juger sur un premier essai. Mais j’ai vu le site évoluer et des personnes s’activer pour l’améliorer. Ainsi avec cette antenne 4G qui permet la communication à distance, et en particulier la maintenance. C’est juste dommage d’avoir inauguré en grande pompe un site qui ne fonctionne pas autrement qu’en laboratoire », estime Gautier Rouleau.
« Dommage de n’avoir pas utilisé des bornes éprouvées qui donnent satisfaction depuis des années. Mais NW Groupe a voulu travailler avec son fournisseur historique Nidec, et essuie les plâtres d’un matériel peut être séduisant, mais pas opérationnel. J’espère que NW Groupe aura la force d’aller vers un autre fabricant si Nidec tarde à stabiliser son chargeur et à effectuer les efforts nécessaires au niveau de l’ergonomie », réfléchit-il.
« Il y a trop de bornes isolées hors service. Il faut que ce démonstrateur fonctionne. NW Groupe a imaginé un programme ambitieux de développement de ses stations en France. Ce serait bien que l’entreprise puisse aller jusqu’au bout », pense-t-il.
Le réseau IECharge devrait en effet compter 600 points de recharge d’ici 2023, répartis dans 150 stations : 75 en service fin 2022 + 75 pour fin 2023. Soit 4 points de recharge par station. Sans doute NW Groupe ne compte-t-il pas la borne 22 kW AC dans ses chiffres. Auquel cas, nous avons bien là la volonté de proposer 2 points par chargeur rapide.
« NW Groupe voudrait nous faire croire que la station de Vezin-le-Coquet est idéalement placée. Certes elle jouxte la N12. Mais il faut parcourir 3 ou 4 kilomètres pour la rejoindre depuis cette voie. Et surtout, elle est au milieu de nulle part », situe Gautier Rouleau. « Si cette station est bien localisée, c’est d’abord parce qu’elle est à quelques mètres d’un point d’entrée Enedis. Elle rend surtout service à RTE pour équilibrer le réseau électrique. D’où des subventions importantes reçues », poursuit-il.
L’originalité des stations IECharge réside dans leur couplage unitaire avec une JBox. Il s’agit d’un système de stockage d’énergie basé sur des batteries en seconde vie. Son rôle : améliorer l’efficacité de la gestion énergétique du réseau national en l’équilibrant. Les packs lithium sont rechargés lorsque la production dépasse la demande. L’électricité est réinjectée lors des pics de consommation. Cette unité de stockage alimente aussi la station IECharge accolée.
« Celle de Vezin-le-Coquet dispose d’une capacité énergétique de 1 MWh », précise notre interlocuteur. Sur son site Internet, NW Groupe annonce ses ambitions en puissance installée pour ses JBox : 180 MW pour fin 2021, et 340 MW. À noter que 150 de ces unités de stockage étaient déjà en service fin octobre dernier. Seule celle de Vezin-le-Coquet est à ce jour couplée à une station IECharge.
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Gautier Rouleau pour sa disponibilité et le temps passé à répondre à nos questions.
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Focus sur Tesla24 septembre 2024
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