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Dans une voiture électrique, une batterie de petite capacité est synonyme de sobriété. Mais tout n’est pas aussi simple.
A ma droite, les obsédés de l’autonomie, qui ne passeront jamais à l’électrique tant qu’elle ne leur permettra pas de remporter le championnat du monde du Paris-Barcelone sans escale, à savoir accomplir ce trajet d’une traite sans soulager au moins une fois leur vessie, leur dos et accessoirement libérer leur circulation sanguine avant la phlébite.
A ma gauche, les obsédés de l’écologie, qui ne passeront jamais à l’électrique tant qu’il n’y aura pas de voitures pesant moins d’une tonne, consommant moins de 10 kWh/100 km, entièrement construites en matériaux recyclés et recyclables, pouvant transporter 5 personnes, deux vélos-cargo, les courses de chez Biocoop pour un mois, et bridées à 90 km/h.
Entre ces deux portraits certes quelque peu caricaturaux (vous commencez à me connaitre) se dessine plus sérieusement un débat qui prend de l’ampleur dans le monde de l’électromobilité : celui de la taille des batteries.
Au départ, la question semble simple, voire simpliste, et facile à trancher parmi deux alternatives. Dans un monde automobile synonyme de liberté individuelle et de déplacements, la quête naturelle va vers davantage d’autonomie, puisque notre réflexe primaire est d’essayer de reproduire avec l’électrique ce que l’on connait avec le thermique. Autrement dit, plus la voiture va loin avec une seule charge, plus elle a de chances de remporter notre adhésion. Nous considérerons alors qu’une auto offrant au moins 500 km de rayon d’action constitue une bonne base à partir de laquelle on peut commencer à lever un sourcil, voire, soyons fou, à discuter.
A l’opposé, notre conscience environnementale nous souffle dans l’oreille qu’il serait peut-être de bon ton de se calmer, de prendre en compte nos besoins réels, et de regarder du côté des voitures électriques dotées de petites batteries comme le recommandent de nombreux experts, dont l’Ademe, soit d’une capacité comprise entre 35 et 50 kWh, ou en tout cas inférieure à 60 kWh, pour faire simple.
Mais justement, est-ce aussi simple que cela ? Autrement dit, sommes-nous certains qu’une « petite » batterie est aussi vertueuse que nous le pensons ? Est-ce que cette quête de sobriété ne comporte pas quelques effets de bord ?
On connait les effets délétères des grosses batteries : un poids plus important, un encombrement supérieur qui suppose un véhicule plus grand, plus lourd, ce qui a des effets sur le comportement routier, le freinage (qui par conséquent doit être renforcé, donc plus énergivore à la conception), l’usure des pneumatiques et leurs émissions de particules fines, tout cela ayant pour conséquence au final une consommation d’énergie également supérieure. Bref, plus grosse batterie ne signifie pas forcément grosse autonomie, la question de l’efficience étant centrale dans le débat. Autre conséquence négative, le fait qu’il faille davantage de matériaux et de composants (minerais…) pour fabriquer la batterie. Idem pour son recyclage, qui nécessitera de facto davantage de ressources énergétiques, et de place. On a pris aujourd’hui l’habitude de dire qu’avec 100 kWh, il vaut mieux équiper deux voitures avec 50 kWh chacune qu’une seule avec 100 kWh. C’est un argument imparable : avec deux voitures on déplace deux fois plus de personnes avec la même ressource, ainsi, si l’on met de côté celui de la fabrication, en tout cas le bilan énergétique du trajet par personne est divisé par deux. Sauf qu’on fabrique deux voitures au lieu d’une. Pas si simple hein ? Je vous le disais juste avant.
En opposition à ce schéma, les petites batteries semblent parées de toutes les vertus. C’est certainement vrai, mais pas complètement. Car leur taille réduite a d’autres effets négatifs, qui ne sautent pas aux yeux, mais n’en demeurent pas moins très réels.
D’une part, à distance égale, une petite batterie demandera à être rechargée plus souvent. Ce qui a plusieurs conséquences. Tout d’abord, pour les voyageurs, davantage de temps passé sur la route (ou en tout cas à attendre, d’une façon ou d’une autre). Le temps c’est de l’argent, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est plus, c’est que la multiplication des recharges a pour effet de fatiguer et dégrader plus vite les performances et la capacité de la batterie. Il parait donc logique que dans ce contexte une petite batterie dure moins longtemps qu’une grande batterie. De plus, recharger sa voiture génère des pertes d’énergie qui peuvent aller de 6 à 25% selon le modèle et la prise utilisée, comme l’indique Engie dans cette étude. Si nous prenons une hypothèse d’une perte moyenne de 15%, l’impact sera plus important en termes de rayon d’action sur une batterie de 50 kWh que sur une batterie de 100 kWh. Il faudra donc recharger encore plus souvent, ce qui dégradera encore un peu plus la batterie. Et ainsi de suite.
Autre conséquence indirecte, le maillage du réseau. Si l’on conduit une voiture avec une petite batterie autorisant entre 200 et 300 km d’autonomie dans le meilleur des cas, on devra donc recharger plus souvent lors d’un trajet longue distance. Ce qui demandera l’installation d’un réseau plus important de stations et bornes de recharge. C’est clairement le chemin que prend l’Europe, dont la France parmi les leaders, et nous n’allons pas nous en plaindre. Mais cette densification des réseaux de recharge comporte aussi des conséquences en termes environnementaux car davantage de points de charge signifie davantage de coûts environnementaux dus à la fabrication des bornes et des stations, davantage de matériaux, et une artificialisation accrue des sols pour implanter les stations et déployer le câblage. Aune époque où le débat sur la loi ZAN fait rage, la question mérite d’être posée. On nous répondra que les stations de recharge s’installent essentiellement sur des sites où le sol est déjà artificialisé (parkings, aires de service… ), mais ce n’est pas toujours le cas.
D’autre part, même si nous n’y sommes pas encore, la prévision à l’horizon 2035 en France mise sur 15 millions de voitures électriques en circulation. Imaginons que toutes ces voitures soient équipées de petites batteries. Certes, les recharges seraient plus courtes, mais elles seraient aussi plus nombreuses, et souvent aux mêmes heures et aux mêmes périodes dans l’année. Il faudrait donc davantage adapter le dimensionnement du réseau de fourniture d’énergie qu’avec un parc de grosses batteries, ce qui ne serait probablement pas neutre non plus en termes environnementaux.
Enfin, avec des tarifs de recharge rapide sur les grands axes de circulation qui pourrait subir régulièrement des augmentations, bénéficier d’une plus grande autonomie est un gage d’économies, puisque l’on s’arrangera pour charger à 100% en heures creuses à la maison – si toutefois c’est possible – de façon à éviter un ou deux arrêts coûteux chez Ionity ou autre. Avec un kWh entre trois et quatre fois moins cher à domicile, il parait légitime de préférer une plus grande batterie afin de stocker un maximum d’électrons à bas coût avant de partir.
Alors, vertueuses les petites batteries ? Peut-être pas autant que l’on pourrait l’imaginer, mais un dernier argument plaide quand même en leur faveur : l’autonomie d’une voiture ne diminue pas en proportion de la réduction de la capacité de la batterie. Ainsi, une Tesla Model 3 Autonomie Standard affiche une autonomie de 513 km avec une batterie de 57 kWh nets, alors que la version Grande Autonomie atteint 625 km avec une batterie de 75 kWh. Autrement dit, avec une batterie d’une capacité inférieure de 31%, la Model 3 Standard ne rend que 21% d’autonomie. Il y a donc un delta d’efficience de 10% favorable à la petite batterie.
Ce qui nous ramène inlassablement à la question de l’efficience. Une petite batterie, oui, mais dans une auto assez efficiente pour fournir l’autonomie d’une voiture avec une grande batterie. Alors l’obsédé de l’autonomie et l’obsédé de l’écologie seront enfin réconciliés
Et qui sait s’ils ne partageront pas un café… pendant une recharge.
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