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De nombreux constructeurs modifient encore des modèles thermiques pour en faire des électriques. État des lieux de cet autre marché du recyclage.
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, dit-on. Il semblerait que certains constructeurs automobiles aient pris cet ancestral dicton de nos campagnes à leur compte pour assurer leur transition vers l’électrique. Je traduis : plutôt que de lancer des modèles totalement nouveaux et inédits, nombre d’entre eux ont choisi – pour le moment en tout cas – d’électrifier certains exemplaires de leur gamme existante, en remplaçant les éléments thermiques par l’électrique. Un peu comme on évide un avocat pour le remplir de crevettes mayonnaise. D’accord, on va arrêter là les métaphores culinaires, revenez.
Une pratique industrielle et commerciale qui concerne en fait surtout les constructeurs historiques, et parmi eux principalement les européens et quelques américains.
Il faut dire qu’en ces temps de marche forcée vers l’électrification de l’automobile, tout est allé très vite, surtout au cours des cinq dernières années. Or, pour pouvoir satisfaire la demande rapidement, il parait assez logique et compréhensible que ces mastodontes industriels aient d’abord adopté une stratégie prudente de conversion des modèles existants avant de se lancer dans la conception de gammes entièrement nouvelles quand on sait les investissements et le temps nécessaire requis pour franchir cette étape. D’autant plus qu’avant de construire une nouvelle gamme, il faut normalement concevoir une nouvelle plateforme, voire une nouvelle usine. Donc débourser quelques milliards. D’ailleurs, certains l’ont fait avec un certain succès, et n’ont pas à rougir de leur stratégie finalement gagnante de recyclage de modèles thermiques existants en 100% électriques. C’est par exemple le cas de Peugeot avec la e-208. D’autres en revanche, accusent le coup et constatent que certaines thermiques ne sont vraiment pas faites pour devenir électriques.
Et puis entre les deux, il y a les constructeurs qui adoptent une politique « hybride », à savoir développer de nouveaux modèles sur une nouvelle plateforme, tout en les inscrivant dans une continuité de gammes et de nomenclature issue de leur historique thermique. C’est le cas d’Audi, entre autres, qui va conserver la dénomination (et le look, un peu, aussi) des gammes A4 et suivantes pour sa future lignée 100% électrique.
A l’opposé de cette stratégie, on trouve essentiellement des constructeurs chinois, ce qui se conçoit puisque pour la plupart ce sont de nouveaux entrants pure players sans historique thermique, et aussi les coréens. Quant aux japonais, il est difficile de décrypter pour le moment leur stratégie tant l’offre reste encore très clairsemée. Mais il y a aussi certains constructeurs européens, et pas des moindres. Ainsi, Mercedes a fait le pari dès le départ de lancer de nouveaux modèles sur une nouvelle plateforme 100% électrique avec la gamme EQ. Idem pour Porsche avec le Taycan, Audi avec la gamme e-tron ou encore VW avec les ID.3 et ID.4. Ou encore Jaguar avec la I-PACE. Renault s’y est mis à sa façon également en précurseur avec la Zoé, puis la dernière Mégane E-TECH sur la plateforme CMF-EV, même si le constructeur français garde aussi dans sa gamme la Twingo E-TECH, version électrique d’un modèle d’origine thermique, en attendant les futures R5 et 4L.
Bref, ça part dans tous les sens. En attendant que tout ce petit monde ait développé ses plateformes 100% électriques, ce qui ne devrait tarder, procédons à un petit état des lieux des rois du recyclage.
Commençons par un french paradox, celui de la marque au lion, qui propose entre autres une e-208 conçue et construite sur une plateforme mixte thermique/électrique e-CMP. De l’extérieur, rien ne semble distinguer la 208 thermique de sa petite sœur électrique, ce qui n’empêche pas cette dernière de rencontrer un succès commercial et d’être adoubée par les spécialistes comme une vraie réussite dans le monde sans pitié de l’électrique. Idem pour sa cousine DS 3 E-TENSE, disponible aussi en essence et diesel.
Autre paradoxe, mais cette fois à l’inverse, celui de la Fiat 500e, qui reprend de très près le design de son alter ego thermique, ce qui laisserait penser qu’elle est bâtie sur la même plateforme, alors que pas du tout. Celle-ci est en fait développée sur une plateforme dédiée à l’électrique issue du groupe FCA (Fiat).
Si le constructeur bavarois innove avec l’iX, son premier modèle électrique bâti sur la plateforme dédiée GEN 5, les BMW i4 et iX3 sont en revanche des déclinaisons électriques de modèles existants, série 4 et X3, construites sur la plateforme commune CLAR. Là aussi, BM démontre que l’on peut encore faire de bonnes électriques sur une plateforme initialement prévue pour le thermique.
Même en se convertissant à l’électrique, une voiture aussi mythique se devait d’assurer la continuité de sa lignée, notamment en termes de look et d’ambiance intérieure. C’est donc le choix qui a été opéré par le constructeur dont les premières versions de Mini électrique reposaient sur la plateforme des versions thermiques. Mais cela va changer avec l’arrivée de la nouvelle gamme en 2024, développée sur une plate-forme adaptée à l’électrique, fruit d’une collaboration avec le chinois Great Wall Motors.
La marque suédoise produit entre autre une gamme de SUV compacts XC40 parmi lesquels des modèles thermiques, hybrides et 100% électriques. Là aussi, difficile de distinguer à l’œil nu une version thermique d’une électrique, si ce n’est la mention « Recharge » extrudée sur le pilier latéral arrière de l’engin. Et pour cause, Volvo utilise la plateforme modulaire CMA mise au point par sa maison-mère chinoise Geely. Pour le moment, donc, aucun « vrai » nouveau modèle électrique chez Volvo, mais uniquement une courte gamme déclinée du thermique.
La Ford Mustang Mach-E brouille les pistes à plusieurs égards. Tout d’abord avec son nom, hommage à une célèbre lignée, même si ce clin d’œil a pu faire hurler certains puristes. Ensuite parce qu’il s’agit en effet d’un tout nouveau modèle qui marque les vrais débuts de l’électrification du géant américain. Alors, nouvelle plateforme pour nouvelle voiture ? Pas vraiment. En fait, la Mach-E est développée sur sur la plateforme GE2 (Global Electrified 2), dérivée de la plate-forme C2 utilisée par la Focus de quatrième génération. Du vieux-neuf avec du vieux, en quelque sorte.
Quant au F-150 Lightning, il est pour le moment conçu sur la même plateforme que son fameux cousin thermique, auquel il ressemble d’ailleurs comme deux électrons. Mais cela pourrait changer dès 2025, date à laquelle Ford lancerait déjà son successeur, bâti lui sur une plateforme dédiée 100% électrique.
Il y a sûrement d’autres exemples, peut-être un peu moins connus, de modèles 100% électriques dérivés avec plus ou moins de bonheur du thermique. Laissons encore quelques années aux constructeurs historiques pour qu’ils aient tous déployé leurs plateformes dédiées à l’électrique, ce qui devrait au passage stimuler l’innovation et les nouveautés dans le secteur.
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