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Ou comment l’électrique coréenne entend faire rimer électricité et sportivité.
Les déclarations triomphalistes ne sont normalement pas la spécialité des constructeurs coréens. Pourtant, au début de notre visite au centre européen de recherche et de développement de Hyundai-Kia à Rüsselsheim, près de Francfort (Allemagne), les pontes se laissent aller à quelques fanfaronnades :
« Nous voulons définir un nouveau standard en matière de haute performance, explique l’Allemand Till Wartenberg, patron de la branche sportive N et des sports mécaniques chez Hyundai. « La voiture que nous vous présentons aujourd’hui doit être super et nous sommes confiants – pas arrogants mais confiants – dans le fait que nous sommes en mesure de donner corps à ces promesses ».
La voiture ? Il s’agit de la très attendue Hyundai Ioniq 5 N. Le SUV coréen (ou s’agit-il d’une super-compacte de 4,72 m ?) va s’enrichir l’an prochain d’une version ultra-sportive supposée réconcilier les mordus de pilotage avec la mobilité électrique.
À lire aussiPrise en mains – Hyundai Ioniq 5 N : fausse boîte de vitesses, mais vraies sensations !Pour se mouvoir vite et bien, la version ultra-sportive de la Ioniq 5 compte sur deux machines synchrones à aimants permanents situés sur les essieux avant et arrière. Jusqu’ici, c’est du classique dans le monde des VE hautes-performances. Cette chaîne de puissance est partagée avec la Kia EV6 GT.
Mais le groupe coréen apporte quelques évolutions significatives. L’inverter (onduleur) transformant le courant continu (DC) de la batterie en courant alternatif (CA) pour alimenter le véhicule a été conçu avec deux « étages ». En conduite quotidienne, le premier « étage » traite le gros des besoins pour privilégier l’efficience.
Quand ils travaillent de concert, ils peuvent ainsi gérer davantage de tension et donc de puissance sans augmenter l’ampérage et, à partir de là, la température des composants. Selon nos informations, la tension nominale de la Ioniq 5 N s’établit juste en dessous de 700 volts (et peut aller au-dessus et en-dessous de cette barre en fonction de l’usage).
Avec le même dispositif, la Kia EV6 GT revendique déjà 575 ch et 740 Nm de couple. Sur la Hyundai Ioniq 5 N, la puissance en crête cumulée s’établit à 650 ch lorsque vous activez – pour dix secondes – le Grin Boost, bouton présent sur le volant ajoutant une quarantaine de chevaux.
Le refroidissement des rotors a également été renforcé pour accepter les contraintes liées à la vitesse de rotation inhabituelle, culminant à 21 000 tr/min. Avec ce régime démentiel – la plupart des moteurs de VE actuels culminent entre 8 000 et 15 000 tr/min – la Ioniq 5 N propose une allonge suffisante pour atteindre 258 km/h.
Ce « régime » élevé explique aussi pourquoi elle se contente d’un simple réducteur et se passe de la boîte de vitesse à deux rapports présente sur la machine arrière des Porsche Taycan et Audi e-Tron GT. Plafonnées à 16 000 tr/min, les berlines allemandes doivent ainsi passer la seconde autour de 100 km/h pour cumuler départ de dragster et vitesse de pointe autobahnesque. Sur la Hyundai, l’absence de ce dispositif permet de réduire le coût et le poids de la chaîne de puissance.
Et pourtant, vous pouvez passer des rapports. Ou plutôt, le système « N e-shift » vous propose de transformer les palettes de régénération, situées derrière le volant, en commande de boîte de vitesse virtuelle. Lorsque vous activez cette fonction, l’électronique reproduit le caractère d’une boîte à double embrayage à 8 rapports. Le niveau de couple et de puissance sont ajustées en direct pour mimer le caractère d’un moteur thermique avec ses belles courbes en paraboles. On est loin des plateaux habituels des VE.
Lors de notre court essai, nous avons ainsi fait connaissance avec ce dispositif. On ressent le couple « en bas » et où l’on prend plaisir à aller monter dans les tours pour obtenir les accélérations avant de passer au rapport suivant d’un coup de palette. Tout ceci est évidemment 100 % virtuel. Les machines synchrones, bridées par l’unité de contrôle électronique, tournent à leur rythme sans « décrocher » des roues. Comme nous l’avons vu auparavant, la Hyundai n’a pas besoin de changer de rapport.
Le but est bel est bien ludique. Et la réalisation assez réussie, avec des subtilités améliorant le rendu pour le conducteur ou la conductrice. L’étagement est parfaitement conforme à une sportive thermique, avec un vrai-faux compte-tours présent sur l’instrumentation, culminant juste en-dessous de 7 000 tr/min. Par ailleurs, on ressent les coupures d’accélération au passages des pseudo-rapports. A l’approche du régime maximal virtuel, des barres jaunes s’affichent sur le tableau de bord. Si l’on persiste, un vrai-faux rupteur vient couper le vrai-faux allumage.
L’effet est saisissant.
Surtout quand il est couplé avec le vrai-faux son de moteur. Vromomomomom : la Ioniq 5 N évoque aussi les sportives thermiques avec son ronronnement artificiel. Le système est nommé « N Active Sound + » dans la nomenclature officielle de la marque. Le ramdam sort des huit haut-parleurs – fournis par Bose – placés dans l’habitacle.
Ils sont complétés par deux caissons supplémentaires visant l’extérieur, situés sous le capot avant et en amont du parechoc arrière. Pour l’extérieur, le son n’est diffusé qu’au-dessus de la barre des 50 km/h. Ceci n’est pas une demande réglementaire – l’Abarth 500e fait son tapage à l’arrêt – mais un choix de la marque afin d’éviter les fâcheries avec le voisinage.
À lire aussiReportage – Abarth 500e : un générateur de bruit de moteur artificiel inutile donc indispensable ?Le conducteur ou la conductrice peuvent déconnecter le dispositif, sélectionner le volume et choisir entre trois sonorités distinctes. La première est un son évoquant un moteur thermique ; avec une coloration de V6. Les deux autres sont des bruits futuristes dont l’un est clairement inspiré par le son des avions de chasse.
« Les demandes sont différentes entre l’Europe et la Corée du Sud, nous explique Dr. Oliver Jung, l’un des responsables de la conception sonore de la Ioniq 5 N. Nous sommes très habitués aux sons de moteurs thermiques quand d’autres marchés veulent davantage de créativité, avec un côté jeu vidéo ».
Le résultat ? A nos oreilles, cela reste imparfait. Pas d’air qui tremble ou de crépitement convaincant pour tromper le passant, même si les retours d’échappement sont simulés. Le rendu serait sans doute meilleur dans un casque audio… que nous ne recommandons pas lorsque l’on se trouve au volant du véhicule.
Moteurs : synchrones à aimants permanents (AV et AR)
Transmission : réducteur, 1 rapport + marche AR, rapports simulés via N-shift
Puissance maxi (kW/ch) : 650 (avec Grin Boost)
Couple (Nm) : 740
Batterie : nickel-manganèse-cobalt
Capacité (kWh) : 84,0 (nette)
Temps de recharge rapide : 10 à 80 % en 18 minutes
Poids à vide (kg) : 2 250
Long.xLarg.xHaut. (m) : 4,71 x 1,94 x 1,54
Diamètre de braquage (m) : n.c.
Empattement (m) : 3,0
Vitesse maxi (km/h) : 258
0 à 100 km/h (s) : 3,4
Pneus de série (AV/AR) : 275/35R21
Pneus de l’essai (AV/AR) : Pirelli PZero
En revanche, le dispositif prend vie lorsque l’on se trouve au volant en train de changer de rapport. Dans ce cas de figure, on oublie très vite la texture artificielle de ce son et l’on s’amuse à faire feuler… les haut-parleurs.
C’est d’ailleurs ce qui fait la différence avec les dispositifs sonores montés sur les Abarth 500e et Ford Mustang Mach-E. Sur la Hyundai, le bruit nous aide à retrouver nos repères lors des changements de rapports. Sur ses concurrentes, il simule un bruit qui s’élève vers l’aigu très rapidement, à l’accélération, sans rupture ni changement, perdant tout effet waouh après 50 km/h.
Au-delà des sensations, la principale limite à une utilisation « vénère » d’une voiture électrique demeure la gestion de la température des batteries. Au-delà de 60 à 70°C, les protections en plastique séparant anodes et cathodes risquent de fondre, avec tous les risques de court-circuit imaginables.
Les vidéos des tentatives de record sur le Nürburging – le mètre-étalon chez les « têtes de pétrole » – traduisent le problème en images. Ainsi voit-on le développeur Lars Kern contraint de lâcher l’accélérateur bien avant la fin de la longue ligne droite au volant de la Porsche Taycan Turbo S lors de son « run » de l’an dernier. Même constat pour Andreas Simonsen aux commandes de la Tesla Model S Plaid.
Sur cette dernière vidéo, on aperçoit d’ailleurs sur l’instrumentation un nombre qui semble correspondre à la température de la batterie. Elle passe de 21°C en début de tour à 66°C après une vingtaine de kilomètres « à fond les ballons ». Les cellules apprécient très moyennement ce type de traitement. Si vous persistez à ferrailler, ces véhicules basculent rapidement vers un mode dégradé limitant sévèrement la puissance et sifflant la fin de la récré.
Pour contourner la difficulté, Hyundai semble avoir emprunté deux routes. La première est logique : renforcer le refroidissement. La Ioniq 5 N bénéficie d’ouvertures actives supplémentaires sur le bouclier avant, mais aussi de l’adoption d’un hardware plus costaud côté radiateurs (architecture revue, chillers…). A cela s’ajoute l’architecture 800 volts de la plateforme E-GMP, partagée avec la Kia EV6. Elle permet également de baisser l’ampérage et donc les températures des composants, comme nous l’avons précisé auparavant.
La deuxième route est électronique. La Coréenne dispose d’un système de préconditionnement choisissant la température la plus adaptée en amont (avant un 0 à 100 km/h ou plusieurs tours de circuit). Surtout, dans le dédale des personnalisations disponibles sur l’écran central, la marque a prévu un choix entre le mode « sprint » ou « endurance ». Ce dernier bride la puissance générée par les moteurs PSM (oh…) afin d’augmenter le temps de jeu sur circuit (ah !). « Notre voiture est la première à notre connaissance à pouvoir réaliser deux tours du Nürburgring à grande vitesse sans dégradation de la performance » souligne face à nous Tyrone Johnson, responsable du développement de la Ioniq 5 N.
Oui, mais tourne-t-on alors au petit trot ? « L’écart est marginal car la puissance est réduite d’environ 10 %, confie cet ex-Ford RS débauché par Hyundai en 2019. Nous estimons que sur un tour du Nürburgring, soit une vingtaine de kilomètres, la différence s’établit à 2,5 secondes ». Une paille en somme, autorisant une quarantaine de bornes sans inquiétude sur piste. D’autant que deux tours du tracé allemand correspondent à six boucles de Spa-Francorchamps ou dix rotations à Dijon-Prenois. Une distance suffisante pour bien suer au volant avant de retrouver la voie des stands.
Malgré nos demandes taquines et (très) répétées, les responsables du développement de la Ioniq 5 N n’ont pas voulu nous communiquer de chrono sur la boucle nord du Nürburging. « Le but n’est pas le chrono mais le plaisir » tempère l’ingénieur. Dommage, l’engin a pourtant bouclé plus de 10 000 kilomètres sur la fameuse piste de l’Eifel. La nature massive du Ioniq 5 n’aide sans doute pas dans les vallons allemands : la Coréenne reste sans doute en retrait d’une trentaine de secondes par rapport à la barre des 7’30’’ approchée par les Porsche Taycan Turbo S et Tesla Model S Plaid.
Le développement de l’engin été mené conjointement par les bureaux d’étude de Namyang (Corée du sud) et Rüsselsheim (Allemagne). « L’Asie a beaucoup travaillé sur la chaîne de puissance et le refroidissement, nous explique le patron du développement et auteur d’une belle lignée de Ford Focus RS, l’Europe s’est penchée sur l’aérodynamique. La suspension et les réglages ont été réalisés en commun ».
Pour encaisser les contraintes liées à un tel niveau de puissance, le châssis a logiquement fait l’objet de bien des modifications. Premièrement, la rigidité a été accrue. « Nous avons rajouté des points de soudure et des renforts de caisse » nous précise le germano-américain Tyrone Johnson. Comme sa sœur conventionnelle, la Ioniq 5 N sort des chaînes d’Ulsan (Corée du sud), l’une des plus grandes usines automobiles du monde.
Le poids de l’engin a été stabilisé à 2 250 kg. C’est évidemment lourd par rapport à une sportive thermique ; à titre de comparaison l’actuelle BMW M3 pointe à 1 635 kg sans son conducteur. Mais cela n’a rien de scandaleux vis-à-vis d’une Porsche Taycan GTS d’un peu moins de 600 ch avec ses 2 295 kg à vide, avec une batterie de 93 kWh contre 84 kWh ici il est vrai.
Evidemment, une masse supérieure à deux tonnes, le sous-virage guette. Heureusement, les maxi pneus Pirelli PZero (275/35R21) devraient apporter un surcroît de grip. Et Hyundai appelle également l’électronique à la rescousse. Pour rendre le pilotage de l’engin plus « fun », de nombreux modes sont prévus (drag, drift…). Sur l’écran central 12 pouces, on peut moduler la puissance entre moteurs synchrones avant et arrière pour affirmer le caractère de la voiture selon 11 positions (sécurisant ou sur-vireur). L’électronique prévoit aussi la gestion des transferts de masse au freinage pour aider l’engin à pivoter de manière plus légère.
Par ailleurs, l’amortissement est transformé pour mieux maîtriser gite et roulis. Le matériel et le réglage employé sur la Ioniq 5 classique est très (trop ?) typé confort. A l’avant, le schéma McPherson est conservé, mais les rotules ont été modifiées. A l’arrière, la géométrie de la suspension multibras a été revue. On peut choisir différentes fermetés selon l’usage prévu dans les prochaines minutes (route, circuit, etc.). La colonne de direction a été remplacée pour offrir une réponse plus directe et davantage de sensibilité dans le volant. Lors de nos quelques kilomètres au volant, nous avons senti une très nette différence.
En parlant de freinage, Hyundai a choisi de ne pas lésiner, malgré l’apport de la régénération. Les disques mesurent 400 mm à l’avant et 360 mm à l’arrière, soit des dimensions comparables à la Hyundai i20 N engagée en championnat du monde des rallyes. Les étriers monoblocs à 4 pistons ne sont pas là pour faire joli. Des écopes spécifiques à la Ioniq 5 N refroidissent le système en cas d’usage intensif type circuit.
Ce freinage hydraulique est accompagné par une gestion totalement revue de la récupération d’énergie. Celle-ci est vue comme une part essentielle du système, y compris en pilotage sportif. « Nous estimons que la regen représente 80 à 90 % de l’effort de freinage sur route et 40 à 50 % sur circuit », indique Tyrone Johnson. Hyundai insiste d’ailleurs sur l’inutilité d’un montage carbone-céramique dans ces conditions, l’acier étant suffisant pour ce type d’effort et moins coûteux.
L’intervention du frein-moteur peut ainsi ralentir le véhicule jusqu’à 0,6 G. Soit l’équivalent d’un bon coup de tatane sur la pédale. Notre premier galop d’essai nous confirme que la cohabitation des deux systèmes – même via brake by wire – semble naturelle aux pied du ou de la pilote. Nous en saurons plus à l’occasion des vrais essais aux printemps 2024.
Hyundai a donné naissance à sa griffe sportive « N » en 2012. Objectif : rivaliser avec les officines M, AMG et autres RS des prestigieuses marques allemandes.
Le groupe Hyundai-Kia avait d’ailleurs recruté nombre d’ingénieurs issus de l’industrie d’Outre-Rhin. Le plus médiatique était celui d’Albert Biermann, ancien patron de la division « Motorsport » de BMW, chargé de faire infuser sa culture au sein du chaebol.
Depuis, cette marque a donné naissance à des véhicules comme la i30 N et la i20 N, ayant reçu un très bon accueil chez amateurs de talon-pointe. L’Elantra N connait aussi un beau succès d’estime, notamment grâce à ses victoires de catégorie aux 24 Heures du Nürburgring.
Pour l’anecdote, le choix s’est porté sur la lettre N pour rappeler le centre de recherche et de développement de Namyang, en Corée du sud, mais aussi le célèbre Nürburgring, où la marque a récemment ouvert un showroom.
Evidemment, à haute vitesse, la consommation énergétique grimpera à des niveaux faramineux. Pour se faire une idée, lors de notre bref essai sur autobahn marqué par quelques grosses accélérations, l’état de charge de la batterie a dégringolé de 70 à 60 % en 24 kilomètres à peine.
D’autant que les modifications portées amenuisent déjà l’efficience d’un modèle déjà peu doué en la matière : le Cx de la Ioniq 5 N s’établit à 0,311 contre 0,288 pour son homologue plus placide. Et la surface frontale maousse de ce véhicule (1,94 m de large et 1,58 m de hauteur) complique encore le tableau.
Rappelons que la tension élevée autorisée par la plateforme E-GMP autorise tout de même des puissances record, avec un 10 à 80 % effectué en 18 minutes. Hyundai compte d’ailleurs sur le développement des bornes rapides sur circuit pour permettre aux clients les plus pressés de revenir rapidement en piste.
Hyundai apporte également une réponse (partielle) sur ce modèle avec l’arrivée d’une nouvelle batterie nickel-manganèse-cobalt d’une capacité nette de 84 kWh. Ce pack devrait d’ailleurs rapidement être disponible sur d’autres modèles de la famille, allongeant l’autonomie théorique des Ioniq 5 et Ioniq 6 dans les mois à venir. D’ailleurs, la berline aero de la gamme pourrait prochainement bénéficier à son tour du « traitement N ». On n’est pas très loin d’un nouveau standard en matière de haute-performance.
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