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Grâce à leur batterie, les voitures électriques peuvent offrir bien plus que de la mobilité. Branchées, elles sont capables de stabiliser le réseau et faire économiser de l’argent à son utilisateur. Usées, elles sont réutilisables pour stocker de l’électricité d’origine renouvelable. Sur l’île portugaise de Porto Santo, Renault expérimente à petite échelle ces fonctions alternatives du véhicule électrique.
Un caillou de 42 kilomètres carrés émergé de l’océan Atlantique au climat venteux et ensoleillé. Un peu moins de 5500 habitants, le triple en été et une compagnie d’électricité locale qui cherche à réduire sa dépendance au diesel. L’île de Porto Santo est un territoire idéal pour tester le réseau électrique du futur. Renault a saisi l’opportunité en y installant deux sites de stockage stationnaire utilisant des batteries usagées de Zoé et Kangoo et plusieurs bornes de recharge bidirectionnelles « véhicule to grid » (V2G).
Le constructeur français a vendu trois batteries « seconde vie » de Zoé 22 kWh à Bouygues Energies Services pour lancer un premier local de stockage. Les packs proviendraient de véhicules utilisés sur l’île proche de Madère après leur remplacement par la nouvelle batterie de 41 kWh. Le système de très petite échelle peut délivrer une puissance maximale de 36 kW (3 x 12 kW). Les accumulateurs, simplement placés à la verticale sur des racks mobiles, sont reliés à une armoire de gestion et conversion du courant ABB et supervisés par EEM, la compagnie locale d’électricité.
Selon Renault, l’installation est capable d’alimenter 50 foyers pendant 30 minutes. Mais au-delà du stockage d’énergie d’origine renouvelable, elle permettrait surtout de stabiliser le réseau en équilibrant son voltage et sa fréquence. Isolée, l’île de Porto Santo produit l’immense majorité de son électricité à partir d’une centrale au diesel de 16 MW. Seulement 15% du courant provient de sources propres : une éolienne de 660 kW et deux centrales solaires de 2,3 et 3 MW. Si la puissance installée permet théoriquement de couvrir 100% des besoins domestiques de l’île, leur intermittence complique fortement leur intégration au réseau.
« Il suffit d’un nuage pour que la puissance des fermes solaires chute brutalement et déstabilise le réseau » explique un ingénieur d’EEM. Les générateurs au diesel doivent ainsi fonctionner en permanence et la puissance des sites solaires et de l’éolienne bridée pour éviter le blackout. Pour réduire sa dépendance au coûteux et polluant hydrocarbure et maximiser l’utilisation des énergies renouvelables, EEM compte donc sur les véhicules électriques et le stockage par batterie stationnaire.
Sur un second site que nous n’avons pas pu visiter, Renault a fourni 8 batteries de Kangoo 33 kWh. Le système peut délivrer une puissance de 96 kW. Il s’ajoutera au vaste projet de stockage stationnaire prévu par EEM, qui exploitera des batteries neuves pour une capacité totale de 3 MWH. Contrairement à l’île de Madère, l’opérateur ne peut en effet pas aménager de station de pompage-turbinage (STEP) en raison du faible relief. Avec les batteries, l’opérateur espère ainsi fournir 85% d’électricité d’origine renouvelable à terme.
Pour atteindre cet objectif, EEM compte aussi sur la recharge bidirectionnelle des véhicules électriques. Un système appelé « V2G » qui attire de plus en plus l’attention des constructeurs automobiles et fournisseurs d’électricité. La grande capacité de stockage de leur batterie permet effectivement de mieux gérer les réseaux d’électricité. Lors de pics de consommation, les voitures branchées peuvent soulager le système et éviter d’exploiter les centrales polluantes. Puis, lorsque la production d’électricité renouvelable est plus élevée que la consommation, elle peuvent la stocker et éviter son gaspillage, un phénomène fréquent sur l’île de Porto Santo.
Sur l’île, Renault a donc confié 15 Zoé et 6 Kangoo à des particuliers, taxis et complexes hôteliers ainsi qu’à la police locale et aux employés d’EEM pour expérimenter la recharge « intelligente ». Pour ces véhicules, 40 bornes publiques et privées connectées permettent de piloter la recharge afin de consommer un maximum d’électricité d’origine renouvelable. La recharge est automatiquement lancée lorsque vent et soleil produisent une grande quantité d’énergie, actuellement peu utilisée. Deux autres Zoé spécialement modifiées testent la recharge bidirectionnelle en V2G. Sur un site privé d’EEM, deux bornes compatibles ont été installées. Elles sont gérées par The Mobility House, qui récolte les données de production et de consommation du réseau et la disponibilité des voitures en charge.
Avec ces informations, l’opérateur peut puiser ou alimenter la batterie lorsque c’est nécessaire : pour stocker de l’énergie propre et l’injecter lors de pics de consommation. A l’essai actuellement, le V2G pourrait à terme être source de revenus pour le propriétaire du véhicule en compensation du service rendu et de l’usure de sa batterie. Les deux Zoé expérimentales utilisées à Porto Santo ont été spécialement modifiées pour être compatibles avec le V2G. Un convertisseur a été placé dans le sous-coffre pour transformer le courant continu de la batterie en courant alternatif injectable dans le réseau.
Le V2G n’impose cependant pas la présence d’un convertisseur spécifique à bord du véhicule, il s’agit là d’un choix propre à Renault. En effet, la recharge bidirectionnelle peut également fonctionner directement en courant continu. Dans ce cas, la borne de recharge convertit elle-même l’électricité. Une solution qui permet de réduire le coût et la complexité des véhicules. L’île de Porto Santo devra choisir. Si elle généralise l’installation de bornes de recharge V2G en courant alternatif, elle risque de ne pas pouvoir utiliser cette technologie avec d’autres véhicules électriques compatibles avec le V2G en courant continu.
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