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Mercedes ouvre une usine de recyclage de batteries, mais est-ce vraiment nécessaire ?

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La marque à l’étoile vient d’inaugurer en grande pompe sa toute première usine pour recycler les batteries de ses modèles électriques. Mais c’est peut-être un peu trop tôt.

« Et les batteries, on y pense, aux batteries ? On ne les recycle pas, on ne sait pas faire, rien n’est prévu, c’est une catastrophe écologique ! » Si vous êtes un propriétaire de véhicule sans émission ou si vous vous intéressez suffisamment au sujet pour faire partie de nos lecteurs réguliers, vous avez fortement déjà entendu cette petite chanson, souvent en provenance de la même personne s’appelant immanquablement Jean-Paul et assurant parallèlement que les voitures électriques n’aiment rien tant que la combustion spontanée et qu’il a besoin de faire 1 200 km d’une traite comme avec sa Passat TDI.

Une usine située à quelques kilomètres de la frontière française

Eh bien vous disposerez dorénavant d’un solide argument sous la forme d’une usine Mercedes dédiée au recyclage des batteries de voitures électriques qui vient d’être inaugurée à Kuppenheim, au sud de l’Allemagne, sur le site qui produit par ailleurs depuis 2009 des pièces de carrosserie, notamment pour le GLA. Comme c’est aussi à seulement 60 km de Strasbourg où se trouve notre rédaction, assister à la cérémonie en présence de personnalités comme Ola Källenius, président du conseil d’administration de Mercedes-Benz Group AG, Thekla Walker, ministre de l’Environnement, du Climat et de l’Énergie du Bade-Wurtemberg ou encore Olaf Scholz, chancelier fédéral, a été l’occasion parfaite pour aller dégourdir les roues de la Seat Mii Electric sur l’autobahn et découvrir ainsi son limiteur à 135 km/h, vitesse à laquelle la consommation moyenne s’établit à 17,8 kWh/100 km pour les curieux.

Un processus complexe, mais maîtrisé et propre

Selon la marque à l’étoile, il s’agit de la première usine de recyclage de batteries en Europe dotée d’un processus intégré mécanique et hydrométallurgique, ce qui lui permettrait d’être aussi le premier constructeur automobile au monde à boucler la chaine de recyclage des batteries, créant ainsi une véritable économie circulaire. Après l’inauguration, une visite du site comptant 100 employés était organisée pour nous permettre de découvrir son fonctionnement excessivement complexe. Que les nombreux professeurs de physique-chimie professionnels ou amateurs se cachant parmi vous me pardonnent, mais voilà comme on peut vulgariser le traitement qui dure deux jours : le module de batterie, forcément de chimie lithium-ion aujourd’hui, commence par être broyé puis lavé, avant que différentes façons de trier mécaniquement se succèdent. Des séparations par de l’air soufflé puis par électromagnétisme mettent d’abord de côté les plastiques, le cuivre et l’aluminium, ainsi que le fer. Ce qui reste est alors séché, moulu et filtré pour obtenir de la black mass que l’on peut traduire par matière noire à la seule condition de ne pas confondre cette dernière avec la notion d’astrophysique homonyme. Vient ensuite le traitement chimique qui débute par un lessivage à l’eau et à l’acide sulfurique qui, après un nouveau filtrage, isole le graphite.  On neutralise ce qui reste avec de l’ammoniaque et du péroxyde d’hydrogène, on extrait les solvants et on peut alors récupérer les sulfates de cuivre, de cobalt, de manganèse, de nickel et de lithium.

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Grâce à ces méthodes novatrices, le taux de récupération prévu dépasserait, selon Mercedes, les 96 %, contre moins de 80 % pour les techniques plus traditionnelles comme la pyrométallurgie, très polluante qui plus est. Quant aux moins de 4 % restants, ils sont constitués d’électrolytes. Grâce, de plus, à l’utilisation exclusive d’énergie verte fournie par les panneaux solaires recouvrant les 6 800 m² de toit pour atteindre des températures de processus ne dépassant pas les 80°C, l’avantage écologique est considérable par rapport à se fournir à nouveau en matière première « neuve ». La marque à l’étoile peine à mettre un chiffre dessus, mais cela entraînerait déjà une réduction de l’ordre de 70 % rien que pour les émissions de CO2. Pas plus de volubilité côté économique, mais c’est aussi très intéressant sur cet aspect, suffisamment en tout cas pour faire sortir de terre ce bâtiment dont la construction a coûté « un nombre à deux chiffres de millions d’euros, mais moins de 50 ». Débrouillez-vous avec ça.

Pourquoi si peu ?

Parlons maintenant de volume. Et c’est là que le tableau jusqu’ici idyllique se ternit puisque la capacité annuelle de traitement est de 2 500 tonnes et que les matériaux récupérés permettront de produire environ 50 000 modules de batterie. Cela peut paraître considérable, mais quand on sait que Mercedes a vendu près de 4 000 voitures électriques rien qu’en France depuis le début de l’année et qu’il faut jusqu’à 10 modules pour équiper une EQE et 12 pour une EQS, on se rend compte qu’on est encore très loin du quasi-cercle vertueux que permettrait ce taux de récupération de 96 %. Pourquoi si peu, donc ?

La réponse est très simple : parce qu’il n’y a pas encore suffisamment de batteries à recycler. Oui, Jean-Paul soulève, sans véritable surprise, un problème qui n’a aujourd’hui rien de critique, et c’est pourtant bien plus simple à expliquer que le processus de recyclage sur lequel j’ai perdu les quelques neurones qui me restent ci-dessus. Parce qu’avant d’être broyé à Kuppenheim, un module a déjà connu plusieurs vies. Il peut déjà être passé d’une voiture accidentée à une voiture en panne en service après-vente. Après cette première carrière à déplacer un véhicule qui dure un minimum de 8 à 10 ans, vient une seconde, cette fois-ci sédentaire, avec une reconversion professionnelle en système de stockage d’énergie, dont Mercedes n’en fait pas (ou plus) un usage commercial, se le réservant en interne. Et ce n’est qu’après qu’arrivera cette étape ultime de la réincarnation. Remontez le temps dans les archives d’Automobile Propre et vous vous rendrez compte que l’actualité de Mercedes dans la voiture électrique il y a plus de 15 ans n’était pas particulièrement fournie, comme pour la totalité, ou presque, des constructeurs automobiles. Les modules qui alimentent aujourd’hui l’usine sont donc aujourd’hui majoritairement des exceptions qui n’ont pas suivi le CV que l’on attend normalement d’eux pour une raison ou pour une autre, et il n’y en a donc pas beaucoup.

Mercedes se tient en tout cas prêt à monter en cadence, annonçant ne nécessiter que 18 mois pour dupliquer cette première usine et ne s’interdisant pas d’effectuer le recyclage de batteries de chimie différente, comme les LFP. Quant à proposer ses services à d’autres constructeurs automobiles, ce n’est officiellement pas encore à l’ordre du jour. En attendant, le premier module utilisant des composants recyclés se retrouvera dans une Mercedes électrique neuve dès cette année.

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