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Voiture augmentée, homme diminué ?
Le développement rapide de la voiture électrique vient généralement avec un corollaire, celui de la voiture autonome. Le mouvement, popularisé par Tesla et rapidement suivi par d’autres constructeurs, est, à l’instar des interfaces tout-à-l’écran dont nous avons déjà parlé, indissociable de la voiture électrique, même s’il concerne aussi nombre de voitures thermiques, et peut-être même la majorité.
Il faut dire que l’électrique réunit toutes les conditions pour une gestion optimisée de la conduite autonome : dosage ultra-précis de la puissance, progressivité, pas de boîte de vitesses à gérer, frein moteur puissant, ainsi qu’une réactivité inégalable. Bref, une voiture électrique semble taillée sur mesure pour les algorithmes de la conduite assistée. En tout cas un peu mieux qu’une thermique.
Le problème, c’est que la tendance naturelle de l’homo sapiens à la fainéantise risque d’avoir des conséquences à terme sur sa capacité à réellement conduire, et donc maîtriser un engin roulant, voire à simplement reprendre la main sur ce dernier en cas de besoin inattendu.
Quand on évoque le sujet des assistances à la conduite en matière d’automobile, je ne peux m’empêcher de penser aux rapports d’analyse des circonstances de la tragédie du crash du vol Air France AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris le 1er juin 2009. Parmi les causes évoquées, il fut question de la difficulté pour les pilotes à reprendre la main sur l’avion en perdition du fait d’un manque de maîtrise des commandes manuelles, et des comportements à adopter en de telles circonstances. La formation était alors pointée du doigt, notamment en ce qu’elle pouvait donner l’impression que l’Airbus était capable de gérer en pilotage automatique toutes les situations, et de rattraper les erreurs. Pour caricaturer (la réalité est évidemment bien plus complexe), à lire les différents rapports sur ce drame, on avait le sentiment que les pilotes étaient devenus des opérateurs de commandes automatiques incapables de reprendre un aéronef en commandes manuelles.
Serait-ce ce qui nous pend au nez en notre qualité de pauvres conducteurs automobiles sur le plancher des vaches ? Quand on lit certaines prédictions, comme « Un jour, il sera absolument interdit aux êtres humains de conduire », on ne peut que s’interroger.
Il n’est pas besoin d’être un grand scientifique pour savoir par expérience que quand on n’utilise pas certaines de nos capacités – intellectuelles, physiques, cognitives – pendant quelque temps, celles-ci s’émoussent, au point qu’il faut pratiquement les rééduquer quand nous en avons besoin. Ceux qui pratiquent un instrument de musique ou un geste sportif régulièrement et qui font un break, puis reprennent, savent de quoi il est question. Bien sûr on ne perd pas tout, mais il y a une période de réappropriation.
Par conséquent, si nous nous habituons à nous en remettre aux fonctionnalités avancées de conduite autonome que proposent ou promettent certaines voitures, serons-nous en mesure de reprendre la main quand les algorithmes seront incapables de gérer une situation ? Ou est-ce le « sens de l’histoire » de s’en remettre complètement à l’intelligence artificielle de la voiture, et dans ce cas, les auto-écoles seront-elles encore nécessaires ?
Bref, saurons-nous encore conduire, et surtout, est-ce que cela sera encore utile ? Est-ce qu’un conducteur habitué à la boîte automatique depuis vingt ans est à l’aise pour un démarrage en côte en boîte manuelle dans une artère surpeuplée ? Est-ce qu’un conducteur habitué au doux confort rassurant des systèmes d’assistance au freinage et d’évitement d’obstacles saura éviter un crash sans ces derniers ? Pensera-t-il seulement à enfoncer la pédale au feu rouge ?
Des cas extrêmes, certes, et il y a peu de chances pour que l’on revienne en arrière, mais il y a ces fois où vous devez louer une voiture, ou utiliser la voiture d’un autre, pas forcément aussi évoluée que la vôtre. Il y a aussi ces fois où l’on doit désactiver les aides pour se sortir d’une situation compliquée. Dernier exemple personnel à la montagne, où j’étais très heureux de pouvoir désactiver l’antipatinage pour sortir ma voiture (propulsion) d’un parking en pente verglacé en dosant un filet de gaz du pied droit pour sortir au couple, ce que l’assistance électronique était incapable de faire. Est-ce qu’un conducteur biberonné aux assistances tous azimuts aurait pu le faire ? Pas sûr.
La statistique plaide (malheureusement pour celles et ceux qui aiment encore conduire et maîtriser physiquement une voiture) en faveur de ce scénario, puisqu’on estime que 95 % des accidents de la route sont dus à une erreur humaine. Le problème étant que le sujet ne souffre pas de situations intermédiaires : soit l’homme conduit, soit la machine, mais la coexistence des deux paraît difficilement soutenable. Autrement dit, la voiture autonome sera réellement efficace et viable quand… plus personne ne conduira.
Ça envoie du rêve, n’est-ce pas ?
Alors certes, nous sommes loin de ce scénario quelque peu dystopique, et nous allons connaître une longue période de transition. Mais nous sommes peut-être à la veille d’un bouleversement profond.
Peut-être qu’en 2100, plus personne ne saura ce que signifiait « conduire une voiture ». Ou alors on peut aussi envisager le scénario inverse : la voiture intégralement autonome est un leurre absolu, et n’existera jamais. Et on s’en souviendra dans quelques années comme de la 3D pour les téléviseurs, une promesse technologique ratée ayant rejoint le cimetière des fausses innovations.
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Focus sur Tesla24 septembre 2024
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