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Objet de tous les espoirs pour réduire radicalement les émissions de CO2 liées à nos déplacements en voiture, les alternatives au pétrole ne sont pas encore passées au stade de l’industrialisation. Le ciel est-il en train de se dégager ?
En Europe, la part des émissions de CO2 liée au transport ne cesse d’augmenter, et est évaluée à 24% de nos émissions globales. Cette part est estimée à 15% rien que pour le transport individuel. C’est dire si les attentes qui pèsent sur le développement des carburants alternatifs sont grandes.
Entre le diesel synthétique, le méthanol, le kérosène de synthèse et les biocarburants, les recherches se concentrent sur un large éventail de solutions. Les pistes sont nombreuses, et le potentiel énorme. On estime en effet que les émissions de CO2 d’origine fossile des véhicules à moteur thermique pourraient être progressivement abaissées jusqu’à 90 % dans les années à venir, si ces solutions étaient développées à grande échelle. Or l’Europe vient de décider de réduire les émissions liées au transport routier de 37,5 % à l’horizon 2030.
Mais, pour être développées à l’échelle industrielle, ces alternatives au pétrole doivent idéalement être compatibles avec le réseau de distribution existant. Elles doivent aussi pouvoir être utilisées dans les moteurs à combustion actuels, avoir un impact environnemental le plus faible possible, et pouvoir concurrencer le pétrole au niveau du prix.
Le décollage de la voiture électrique étant encore trop timide (moins de 1% du parc automobile actuel), les carburants alternatifs doivent en outre pouvoir être rapidement mis en œuvre.
Aujourd’hui, toutes ces solutions sont encore trop chères à produire. Mais avec le tarissement progressif des puits de pétrole et le renchérissement de l’or noir qui devrait en découler, il se peut que le coût de l’investissement pour produire ces nouveaux carburants puisse être rentable dans un avenir pas si lointain.
Les industries allemandes qui testent différents formes de carburant de synthèse n’avancent pas de prix à l’heure actuelle. Cependant, selon l’équipementier Bosch, il serait possible à terme d’atteindre pour ces carburants des coûts hors taxe de l’ordre de 1,00 à 1,40€ le litre. Encore trop cher par rapport au diesel classique, mais qui peut prédire l’évolution des prix pétroliers?
Chaque type de carburant présente ses avantages et inconvénients. Nous avons choisi de nous pencher sur certains d’entre eux, sans que cet aperçu soit exhaustif.
L’e-diesel est un gazole synthétique qui permet aux moteurs thermiques conventionnels de fonctionner quasiment sans rejeter de CO2.
Bosch expérimente la fabrication de ce carburant synthétique déjà en Norvège et en Allemagne. Le précédé est coûteux et complexe, mais la technologie semble prometteuse. Les avantages sont en effet nombreux : moins de suies à la combustion, et il n’est pas nécessaire de changer tout le réseau d’approvisionnement, ni les technologies de motorisation actuelles. Des acteurs majeurs de l’industrie chimique, pétrolière, mais aussi automobile comme le groupe Audi se sont d’ores et déjà engagés dans cette voie.
Audi a d’ailleurs décidé en 2018 de passer à la vitesse supérieure. Cette année, la marque automobile allemande a inauguré un complexe chimique expérimental à Laufenburg, dans le canton d’Aargau en Suisse. La production de cette usine pilote suisse est bien sûre modeste: 400.000 litres d’e-diesel par an. Une goutte de carburant dans un océan de 33 millions de tonnes de diesel consommés chaque année rien qu’en France. Mais le constructeur allemand Audi (associé à Ineratec et à Energiedienst AG dans ce projet) place beaucoup d’espoir dans ce carburant produit à partir de CO2 qui pourrait faire rouler des voitures presque «neutres en carbone» en conservant les moteurs thermiques classiques.
Quel est le procédé ? Grâce à une source d’électricité hydroélectrique, l’usine produit de l’oxygène et de l’hydrogène à partir de l’eau via un procédé d’électrolyse. Dans une seconde étape, l’usine séquestre du CO2 provenant de l’atmosphère ou de biogaz. L’hydrogène et le CO2 sont mélangés à haute température en recourant à un procédé innovant, pour produire au choix de l’essence, du gazole, du gaz ou même du kérosène. De telle sorte que, après combustion du diesel synthétique – qui dégage par ailleurs moins de suie –, le bilan CO2 rejeté reste neutre en bout d’échappement.
Le Groupe Bosch croit plutôt à une solution hybride qui combinerait moteur électrique et moteur thermique à essence synthétique. Mais pas avant 2050 !
La synthétisation du méthanol est une des méthodes les plus prometteuses car l’alcool méthylique, autre nom pour le méthanol, présente notamment l’avantage de pouvoir être synthétisé à partir de nombreuses énergies primaires : simplement à partir de biomasse, ou de CO2 et d’hydrogène, mais aussi et surtout à partir de CO2, d’eau, et d’excédents d’électricité renouvelable (production supérieure à la demande instantanée du réseau) produite par des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques.
Le méthanol est liquide et donc facilement stockable. Il peut être distribué via des stations-service existantes, et utilisé pur dans des moteurs essence adaptés à cet effet, ou mélangé à de l’essence comme c’est le cas à hauteur de 15 % pour le M15 distribué en Chine. Mieux, il peut aussi être transformé en essence de synthèse via le procédé MTG (Methanol To Gasoline), ou en un composé capable de se substituer au gazole comme l’Oxymethylene ether (OME) ou le Dimethyl ether (DME).
Les premiers biocarburants ont été longtemps controversés. Leur fabrication pose en effet de graves questions sur la préservation de l’environnement, étant donné qu’ils rentrent directement en concurrence avec l’occupation de terres agricoles pour la production alimentaire.
C’est pour cette raison qu’il est peu probable que l’éthanol et le biodiesel apportent un jour une contribution décisive à l’approvisionnement en carburants, malgré des mesures d’encouragement. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) considère que, d’ici à 2030, les biocarburants prendront une part de 4 à 7 % à l’échelle mondiale.
Les carburants de 1e génération peuvent être fabriqués à partir d’une gamme diversifiée de produits agricoles : canne à sucre, betterave, céréales, colza, maïs, tournesol, arachide, palme, soja. En Europe centrale, le plus connu des biodiesels est l’ester méthylique de colza (EMC).
L’avantage écologique de l’EMC est fort controversé, du fait notamment de l’emploi substantiel d’engrais qui émettent, entre autres, le NO (ou gaz hilarant), un gaz à effet de serre, et du fait de sa production grande consommatrice d’énergie. Il faut savoir que, si la combustion du biodiesel permet une réduction des émissions de certains polluants (notamment les particules), il génère par ailleurs une augmentation d’autres polluants (par exemple, les oxydes d’azote).
Leur développement n’est plus davantage soutenu, mais ils entrent encore dans la composition du gazole routier, à hauteur de 7%.
Les biocarburants de la 2e génération sont produits à partir de végétaux non alimentaires, c’est-à-dire de biomasse lignocellulosique : déchets agricoles, résidus forestiers, bois, miscanthus, etc.
Quant aux carburants de la 3e génération, ils ne sont plus basés sur l’exploitation de matières végétales. Les recherchent se concentrent sur un biocarburant à base d’algues (les « algocarburants »).
L’idée d’utiliser des microalgues provient du fait que ces organismes contiennent des acides gras à haut contenu énergétique. Ils sont riches en triglycérides, qui permet de produire du biodiesel ou du biokérosène. Les espoirs sont donc réels de produire un carburant peu émetteur de CO2 qui puisse servir tant aux véhicules qu’aux avions et aux navires.
Les recherches sont soutenues et visent d’ici 2025 une production quotidienne de 10 000 barils de biocarburant à base d’algues.
Comme pour les autres types de carburants alternatifs, c’est le coût de production qui constitue toujours un frein important. Les premières estimations parlent d’un coût de 300 $/baril (1 baril = 159 litres), soit environ 1,65 € le litre. Mais, comme dit plus haut, l’évolution du prix du pétrole pourrait très bien rendre cette alternative de plus en plus attractive.
Les algocarburants libèrent du CO2, mais celui-ci a été récemment prélevé dans l’atmosphère, puisque l’algue est transformée en biocarburant en à peine 2 jours.
Le principal avantage des algues réside dans leur rendement à l’hectare : au moins 30 fois supérieur aux oléagineux. Les microalgues pourraient produire 100 fois plus de litres d’huile par hectare que le palmier à huile, et 200 fois plus que le colza.
Actuellement, plus de 200 projets de recherche sont en cours de développement à travers le monde, majoritairement aux E-U, mais également en France.
Les algocarburants offrent un grand potentiel, permettront de nombreuses créations d’emplois, mais les promesses ne se réaliseront que si les politiques délient les cordons de la bourse pour soutenir la filière.
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