Cet électromobiliste semble prendre beaucoup de plaisir

Le plaisir de conduire serait mort avec l’avènement de la voiture électrique, dit-on. En fait, s’il est différent en certains points, il est bien toujours présent.

Avec l’arrivée des beaux jours (hum…) et des week-ends à rallonge c’est aussi le retour des grandes migrations estivales et des balades de découverte parfois motorisées.

Des rituels que certains n’envisagent pas autrement qu’au volant de leur monture préférée, que ce soit pour des raisons pratiques, ou plus simplement pour le plaisir de conduire, de flâner et de découvrir en toute indépendance, sans les contraintes – et parfois les désagréments – des transports en commun.

Ce qui nous amène au sujet souvent débattu du plaisir automobile, vous savez, ce petit truc un peu perso voire légèrement égoïste qui fait que nombre de nos contemporains ne lâcheront pour rien au monde leur voiture. Or, si l’on en croit certains, plaisir de conduite et voiture électrique seraient totalement incompatibles, car la base de ce plaisir serait justement constituée par le rugissement d’un bon vieux moteur thermique et des sensations procurées par les montées de rapports de la boîte de vitesse, fut-elle mécanique, automatique ou robotisée avec palettes au volant.

Bon, ne soyons pas de mauvaise foi, il faut admettre qu’il y a une part de vérité dans ces assertions. Vroum vroum, pour faire simple.

Mais de là à dire que le plaisir automobile a disparu avec l’électrique, c’est aussi quelque peu exagéré. Certes, le plaisir n’est pas le même, mais il y a des points communs, et d’autres sources de satisfaction, nouvelles et inconnues en thermique. Mine de rien, si le sujet peut paraître aussi léger qu’une brise matinale de mai après six mois de flotte, il est en fait sérieux, car c’est l’un des arguments principaux que mettent en avant les réfractaires à la voiture électrique.

Voyons en quoi conduire une voiture électrique peut être également une grosse source de kif, comme disent les jeunes de 45 ans.

La puissance instantanée

C’est évidemment le premier truc qui vient à l’esprit (et sous le pied droit). Même si l’on met de côté certains monstres que sont rapidement devenues les électriques (Model S Plaid, Taycan Turbo S, Model 3 Performance, Ioniq 5N…), qui laissent sur place à peu près tout ce qui roule sur terre – en tout cas dans les premières secondes d’une accélération ou d’une reprise – la plupart des voitures électriques ont aujourd’hui ce petit plus au démarrage qui procure le frisson que seules des thermiques beaucoup plus huppées peuvent fournir. On parle notamment du couple instantané et de l’arrivée immédiate de la cavalerie au moindre effleurement de la pédale, sans à-coup et sans latence, même sur une Zoé ou une MG4 de base. Cette réactivité, une fois comprise et domptée, est une vraie source jamais tarie de satisfaction, que ce soit pour s’amuser, mais aussi et surtout en termes de confort de conduite et même de sécurité. Pour situer un peu, et sans aller chercher une Rimac Nevera, sachez que – hormis peut-être une Dacia Srping – n’importe quelle électrique familiale, même d’entrée de gamme, accélère à peu près comme une Golf GTI, qui a longtemps été la référence absolue de la sportivité “accessible”.

Le moteur connecté au cerveau

Un peu dans le même registre, il y a un truc que l’on ne peut connaitre et comprendre que lorsque l’on a conduit une électrique pendant quelques dizaines de kilomètres et que l’on commence à faire corps avec la machine. “Faire corps” étant ici l’expression exacte puisque l’absence totale de latence et l’instantanéité de la réaction de l’accélérateur ont pour résultat cette sensation unique que votre cerveau est directement connecté au moteur, sans intermédiaire. C’est une caractéristique assez particulière, notamment chez Tesla, qui est probablement la marque qui gère le mieux et le plus finement cette relation sans friction cerveau-pédale-moteur, une sensation assez difficile à expliquer tant qu’on n’y a pas goûté. Une indéniable source de plaisir liée à une réactivité comptée en millisecondes, à tel point que lorsque vous reprenez ensuite une thermique, même la plus performante, moderne et bien réglée, appuyer sur l’accélérateur vous donne cette impression bizarre de “lag”, comme si votre pied droit pataugeait dans une sorte de grosse éponge. Bon, j’exagère un peu, mais c’est l’idée.

Le silence

Là on est clairement sur un sujet à débat. Car pour le petrolhead (ou bagnolard, en français), le bruit – ou plutôt, le son – fait partie du package qui met les poils. C’est d’ailleurs l’un des reproches qui sont faits à l’encontre de l’électrique : on n’entend rien, ou alors juste un bruit d’aspirateur ou de mixer, selon l’inspiration. C’est vrai et faux. Vrai car un moteur électrique n’émet pratiquement aucun son (ma Tesla est beaucoup moins bruyante que mon aspirateur), mais c’est faux car il y a tous les autres bruits périphériques, principalement ceux de roulement et de frottement de l’air. Mais ce n’est pas tout, nous savons que nombre de constructeurs se penchent aujourd’hui sur l’acoustique et la signature sonore de leurs engins. D’une part pour appliquer la réglementation AVAS, mais aussi et surtout pour tenter de redonner une identité “palpable” à leurs modèles. C’est ainsi que les grandes marques travaillent avec des musiciens réputés, voire stars, pour travailler sur le son de leurs voitures. C’est le cas avec BMW qui a confié la tâche, avec un certain succès semble-t-il, à Hans Zimmer, mais aussi Renault avec Jean-Michel Jarre. Pour ma part, je considère que l’Electric Sport Sound de la Porsche Taycan est une petite symphonie, et encore, nous n’avons rien entendu tant que nous n’aurons pas pris les commandes de l’extra-terrestre Hyundai Ioniq 5 N…

L’absence de vibrations

Certes, une voiture qui vibre c’est sympa, ça envoie des signaux et des chatouilles positives dans la moelle épinière, mais après 500 kilomètres ou 3 heures de conduite il faut reconnaître que c’est un peu lassant, pour ne pas dire fatiguant. Alors certes, les véhicules thermiques modernes ont accompli d’énormes progrès en la matière, et certains sont aussi doux qu’un tapis volant, mais ce n’est pas encore la cas pour tous, notamment du côté des petits diesels. L’absence de vibrations en électrique est un confort qui s’apprécie sur la durée, sans se faire remarquer, au calme.

La conduite one pedal

Voilà une caractéristique propre aux voitures électriques, et qui est née récemment avec elles, même si elles n’en sont malheureusement pas encore toutes équipées. Cet élément de confort participe tellement au plaisir de conduire une électrique que certains en ont désormais fait l’un de leurs principaux critères d’achat. Au point que même si la meilleure des électriques ne le propose pas, ils ne l’achèteront pas. Il est vrai que quand on y a goûté, on peut difficilement se passer de cette fonctionnalité qui consiste à freiner fortement la voiture au lever de pied, jusqu’à l’arrêt complet. Une fois la courte période d’apprentissage et d’adaptation acquise, l’électromobiliste ne touche pratiquement plus jamais la pédale de frein. Autre effet positif, une moindre usure de ces derniers, et donc pratiquement aucune émission de particules fines au “freinage”.

L’écoconduite

Euh pardon ? Comment ce truc d’écolo-bobo peut-il fabriquer du plaisir ? Réponse : en fait, là on n’est plus vraiment dans le viscéral mais plutôt dans le cérébral, à savoir l’amusement que peut procurer le fait de parcourir le plus de kilomètres entre deux recharges, sans pour autant se trainer. Chacun a sa méthode, mais le point commun réside dans le côté ludique du challenge. Or l’on sait que le jeu procure sa petite dose de dopamine, pourquoi en serait-il différemment quand on joue avec l’autonomie de sa monture ? Même les grandes marques s’y mettent dans le cadre de compétitions d’un nouveau genre. Et d’ailleurs, à l’époque où il y avait encore des ravitaillements en course, ne disait-on pas que les meilleurs pilotes de F1 étaient ceux qui géraient le mieux leur consommation ? Le pire c’est qu’ils semblaient aimer ça !

Bye bye le plein aux stations-service

Là on n’est plus vraiment dans le plaisir de conduire à proprement parler, mais dans le plaisir de voyager en électrique. Si vous faites partie de cette catégorie de la population qui procrastine dangereusement en repoussant toujours plus tard ce moment maudit où il va falloir passer à la pompe, vous êtes mûr pour le 100% électrique. Ne plus fréquenter ces lieux de perdition malodorants et surpeuplés est un plaisir qui se savoure dans la durée, et encore plus lors des grands chassés-croisés estivaux. Alors bien sûr, il faut aussi recharger sa batterie, mais le temps masqué existe, et comme dirait l’autre, ça se gère.

Alors non, le plaisir automobile n’est pas mort avec l’électrique, même si l’électromobiliste est un peu pris en tenaille entre le partisan de l’éternel pétrolier et l’écologisme politique qui voudrait foutre tout ce petit monde dans des transports collectifs. Non seulement il n’est pas mort, mais il revit avec des codes parfois communs, parfois différents.

Pas convaincus ? Essayez une (bonne) électrique, et on en reparle.