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La signature sonore, un enjeu technique et émotionnel pris très au sérieux par les constructeurs dans leur transition vers l’électrique.
Les voitures électriques ont la réputation d’être silencieuses, ou en tout cas plus silencieuses que les voitures thermiques, jusqu’à une certaine vitesse. Si l’on voit la question du point de vue du proverbial verre à moitié plein, on ne peut que se réjouir de cette perspective de vivre dans des villes devenues paisibles du fait de la disparition de la pollution sonore, causée en grande partie par la bagnole.
Tout d’abord, éliminons le petit mensonge du fameux silence de l’électrique. S’il est vrai que le moteur d’une voiture électrique n’émet que très peu de bruit, c’est oublier un peu vite que les émissions sonores d’un véhicule en mouvement sont loin de se limiter au seul bruit de son propulseur. Il faut ajouter dans le mix sonore de nombreux autres éléments, comme les bruits de roulement de la gomme sur l’asphalte, mais également les bruits aérodynamiques (surtout perceptibles de l’intérieur de l’habitacle il est vrai). Et ceux-ci sont toujours présents dans les voitures électriques, voire davantage, en raison des choix d’isolation faits pour gagner du poids afin de compenser celui des batteries.
Mais ce – relatif – silence ne va pas sans poser d’autres problèmes. On pense en priorité à la sécurité, notamment celle des usagers de la voirie qui comptent essentiellement sur leur ouïe pour se mouvoir en milieu urbain. Quand ils n’ont pas un casque audio vissé sur les oreilles.
En fait, une voiture électrique ou hybride n’émet pratiquement aucun son naturel en dessous d’une certaine vitesse, située à environ 20 km/h. C’est la raison pour laquelle le législateur a imposé aux constructeurs l’installation de l’AVAS (Acoustic Vehicle Alert Systems), un dispositif acoustique émettant un son d’au moins 56 décibels minimum jusqu’à 19 km/h sur toutes les voitures électriques et hybrides fabriquées à partir du 1er juillet 2019.
Nous qui rêvions de villes silencieuses, ça ne sera pas encore pour cette fois. La sécurité avant tout, même si on m’a toujours appris à me servir d’abord de mes yeux avant de traverser. Bref…
Mais la transition vers l’électrique et ses moteurs sans explosions pose aussi un défi aux constructeurs, et celui-ci est d’ordre « esthétique » : comment faire en sorte que leurs autos soient audibles, respectent la réglementation, tout en n’émettant pas un bruit d’aspirateur ? Reconnaissons que le bruit de soucoupe volante tout droit sortie des Envahisseurs de la petite Renault électrique – reconnaissable entre mille il est vrai – n’est pas le truc le plus sexy que l’on puisse entendre dans nos rues. Imaginez des milliers de modèles dotés du même buzzer qui circuleraient en ville en même temps…
Les marques automobiles se penchent activement sur la question afin, espérons-le, de sortir une griffe acoustique digne de ce nom. Car si l’enjeu paraît futile et basiquement sécuritaire de prime abord, il est en réalité fondamental, a fortiori dès que l’on monte en gamme. Dans le monde thermique, le son émis par un moteur participe très largement aux sensations de conduite, à la perception de sa propre conduite, et donc aussi d’une certaine façon à sa propre sécurité. Et même sans être adeptes du vroom vroom qui fait saigner les oreilles, de nombreux conducteurs y sont attachés. D’ailleurs, si l’on s’intéresse de près au sujet, on s’aperçoit que c’est un argument récurrent contre le passage a l’électrique : « une voiture qui ne fait pas de bruit est une voiture sans âme, quelle horreur. »
Les marques premium planchent déjà sur le sujet depuis quelques années. Ainsi BMW s’est offert les services de Hans Zimmer, rien que ça, pour travailler sur le son de ses gammes électriques (écoutez ça !), Audi prépare un système adaptatif annoncé comme extrêmement sophistiqué pour son e-tron GT dont la sortie est imminente, et Porsche propose (en option) sur sa Taycan l’Electric Sport Sound, qui, fidèle à la philosophie de la marque, n’est pas un son fake, mais tout simplement le son amplifié des moteurs électriques « éliminant les bruits parasites et magnifiant les sons émotionnels », retravaillé et diffusé via les haut-parleurs intérieurs et externes de la voiture, entre V8 feutré et vaisseau spatial. Tout un programme. Chez Mercedes on laissera le client choisir le son de sa voiture électrique parmi une gamme qui sera mise à jour et enrichie régulièrement. Pour ces marques, la signature sonore est un enjeu énorme, et elles entendent ne pas se rater en investissant gros dans le sujet.
Mais on sait que les technologies équipant les marques haut de gamme se démocratisent au fil du temps en s’étendant à tous les segments. Attendez-vous par conséquent à des systèmes similaires dans les VE moins huppés d’ici quelques années. Car toutes les marques se doteront tôt ou tard d’une cellule Sound Design.
Que l’on soit totalement hermétique à cette notion, ou au contraire sensible à la griffe sonore de sa voiture, il n’en demeure pas moins que le son émis par une automobile est un sujet passionnant qui mérite que l’on s’y attarde.
Il est question de sécurité, mais aussi de sensations et d’émotion, trois thèmes qui sont consubstantiels à l’histoire de l’automobile. Et il n’y a pas de raison pour que la transition électrique nous prive de cette dimension, puisque de toute façon le législateur a décidé que silence et auto n’étaient pas compatibles.
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