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Photo : Elijah O’Donnell – Pexels
Depuis quelques années, on assiste à une désurbanisation des grandes métropoles européennes. Un mouvement de fond favorable au développement de la voiture électrique ?
Environ 44% des français résident en habitat collectif, ce qui représente potentiellement un marché de 8 millions de places de parking à équiper de bornes de recharge. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, cela reste encore un point de friction important pour celles et ceux qui souhaiteraient passer à l’électrique.
De fait, si l’on voulait caricaturer un peu, il serait assez facile d’en déduire que 44% de nos compatriotes (dont je fais partie, au cas où) sont d’emblée exclus du marché de la voiture électrique. Ce qui est pour le moment presque le cas, car dans la réalité, seulement 2% des copropriétés sont équipées d’infrastructures de recharge. Ce qui ne veut pas dire pour autant que chaque place de parking dispose de son point de charge, loin de là.
Cependant, tous les urbains ne sont pas pour autant privés d’électricité automobile. Hormis le droit à la prise, pour les résidences sans parking (souvent en centre-ville historique) il existe des solutions, qui vont de l’abonnement à un parking public équipé de bornes de recharge, à la recharge de proximité sur des bornes de quartier, y compris dans le sous-sol de la supérette du coin. Bien sûr cela coûte beaucoup plus cher qu’une recharge domestique, et devant cette différence, on peut effectivement affirmer que les français ne sont pas égaux en ce qui concerne la possibilité de rouler en électrique.
Pour les 56% restants, c’est en revanche open bar, et c’est peut-être parmi ces derniers que les constructeurs – et le gouvernement – recruteront les quelque 15 millions d’électromobilistes prévus à l’horizon 2030. De là à penser qu’il va y avoir dans ce pays une fracture électromobile croissante…
Cela étant, il semblerait que quelques signaux fournis par les études statistiques et sociologiques laissent à penser que les choses évoluent favorablement. En effet, de nombreuses études démographiques montrent que les Français sont de plus en plus nombreux à quitter les grandes villes. A commencer par Paris bien sûr, mais toutes les grandes métropoles semblent concernées.
Un phénomène qui a été mis en lumière par la crise du Covid, pendant laquelle celles et ceux qui ont expérimenté les joies de l’enfermement familial dans un trois pièces avec vue sur cour ont sérieusement reconsidéré leur façon d’envisager la vie et les avantages de la ville. Cela étant, le mouvement était déjà enclenché avant la pandémie, qui n’a fait que l’accélérer pendant quelques mois. Mais il s’agirait bien d’un mouvement de fond, tel que les villes américaines l’ont déjà connu dans les années 70/90, où certains downtowns sont devenus des ville-fantômes destinés à seulement héberger des bureaux, des commerces et quelques restaurants souvent vides après 20h.
Ces derniers mois, l’exode urbain s’est accéléré, d’après les données de l’INSEE. Pour l’année 2022, Paris enregistre trois fois plus de départs que d’arrivées, faisant de la capitale française la région la plus touchée par ce mouvement, une tendance qui ne cesse de croître depuis 2018. Quant aux grandes métropoles françaises, de plus de 700 000 habitants en dehors de Paris, elles subissent également une diminution de leur population, mais à un rythme moins rapide : les arrivées représentent 85% des départs, ce qui signifie qu’elles se dépeuplent aussi, mais plus lentement.
Quel rapport avec la voiture électrique ? Comme indiqué plus haut, il semblerait que celle-ci soit surtout prisée par les résidents en habitat individuel. Pour des raisons pratiques, donc, mais aussi probablement économiques liées au pouvoir d’achat. Et aussi parce qu’on a davantage besoin d’une voiture quand on habite en périphérie ou à la campagne qu’en centre-ville. Ce qui n’est pas incompatible avec l’électrique, contrairement aux idées reçues. Quant aux citadins, nombre d’entre eux se passent tout simplement de voiture, si les infrastructures le permettent, comme les transports en commun ou les voies cyclables.
Il y a aussi l’idée selon laquelle nous tournerions progressivement le dos à la « civilisation de l’automobile » pour aller vers plus de sobriété, moins de déplacements individuels et davantage de partage. L’argument ici est que les milléniaux (nés entre 1981 et 1996) et la génération Z (nés entre 1997 et 2012) n’ont pas la même affection pour les voitures que les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964). Les deux premières cohortes sont censées être désireuses d’adopter le covoiturage, les vélos, les trottinettes, l’autopartage et les transports en commun. Un autre pilier de la thèse du « pic automobile » dépassé est que l’urbanisation diminue le besoin de voitures, en particulier le besoin de parcourir de longues distances en voiture. Cependant, les données montrent que la tendance à l’urbanisation serait en train de se terminer, alors que la migration nette vers les zones non métropolitaines et rurales a commencé. Bien que cette tendance ait été brièvement accélérée par les confinements, la migration nette vers les codes postaux ruraux et ex-urbains est revenue à la tendance « observée avant la pandémie ». Comme l’a souligné un chercheur en 2022, la tendance à la désurbanisation pourrait « devenir plus courante » si les milléniaux et la génération Z estiment plus attirante la vie en banlieue et dans les petites villes.
C’est pourtant l’inverse qui pourrait se produire. Si la population entame un mouvement significatif d’exode urbain et de réappropriation des « territoires » (pour parler comme un ministre qui n’ose pas dire « province »), cela ne plaide pas en faveur de l’abandon de l’automobile. Ou en tout cas pas tout de suite. Cela pourrait en revanche largement favoriser l’adoption de l’électromobilité, car quand on vit loin des villes, on n’a jamais trouvé mieux que la voiture pour les trajets pratiques du quotidien, que ce soit pour aller faire ses courses, emmener les enfants à l’école et aux activités, et, souvent, se rendre à son travail. Et tant qu’à le faire, autant le faire en mode zéro émission. Seul le dernier volet sur les trajets domicile-travail pourrait être remis en question par un développement des infrastructures de transport, le vélo ou le covoiturage. Ou le télétravail. Cela étant, si ce dernier a connu un fort développement avec le Covid, il semble déjà en régression.
Les experts du secteur sont nombreux à souhaiter que le marché de la voiture électrique s’oriente sur des voitures légères équipées de petites batteries à l’autonomie « suffisante ». Malheureusement, la réalité est comme souvent toute autre. Les voitures électriques les plus populaires sont souvent équipées de grosses batteries pour offrir l’autonomie que les consommateurs anxieux souhaitent, et cela parce que les tendances mondiales montrent que les acheteurs veulent des gros SUV. A ce sujet, il faut savoir que la part mondiale des SUV est passée de 15 % de tous les nouveaux véhicules il y a deux décennies à un tiers aujourd’hui, et à plus de la moitié aux États-Unis. Mais selon l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie), « cette tendance pourrait être freinée en adoptant des politiques décourageant les véhicules dotés de batteries extrêmement grandes, par exemple en liant les incitations à la taille des batteries ou, à plus long terme, en taxant les VE dotés de grosses batteries. »
Les consommateurs devront également être persuadés, voire contraints (aïe aïe aïe), de conduire moins en général et de voyager davantage en bus, à vélo, en train, en covoiturage ou à pied, et de posséder moins de voitures en premier lieu. Comme l’a déclaré l’AIE dans l’objectif de neutralité carbone : le nombre de ménages mondiaux sans voiture doit passer de 45 % aujourd’hui à 70 % d’ici 2050, inversant ainsi une tendance à la hausse séculaire de la propriété.
Alors, l’évolution annoncée des modes de vie et de l’habitat plaident-ils en faveur du développement de la voiture électrique ? C’est possible, probable même. Mais il faudra peut-être que le marché se segmente davantage pour s’adapter aux usages. Cela ne sera plus la voiture de monsieur et la voiture de madame, mais une micro-car pour le quotidien et une routière pour les moyens et grands déplacements. Ce qui au final ne fera peut-être pas moins de voitures, mais des voitures à l’utilisation plus réfléchie, et mieux optimisée.
Sources :
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