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Le collectif « La Ronce » va lancer une opération de dégonflage des pneus de SUV, un segment régulièrement pointé du doigt qui serait vecteur de la hausse des émissions de CO2 en France. Est-ce un mythe écolo ou une vraie tendance ? Automobile Propre revient sur ce phénomène.
Si vous avez un SUV, surveillez vos pneus ce mercredi 14 octobre. Sur Youtube, le collectif la Ronce veut faire dégonfler les pneus (pas crever), parmi « 5 gestes pour la planète » (52.000 vues à l’écriture de l’article). Ceci s’inscrit dans la suite d’une étude de la WWF, montrant l’impact sur le CO2 et le budget des Français. Tout récemment, le gouvernement a discuté puis rejeté l’idée d’un malus sur le poids, et d’une interdiction de la publicité de SUV.
Ce n’est pas la première fois qu’Automobile-Propre aborde la question des SUV. Guillaume Porcher avait attaqué cette catégorie de véhicules en 2018, et l’Agence Internationale de l’Énergie les considérait comme annulant les bienfaits des voitures électriques.
Les SUV ne datent pas d’hier. Le Range Rover se considère comme le premier du genre en 1970, mais c’est davantage dans les années 90 qu’ils sont apparus. Le Toyota RAV4 fut l’un des plus populaires, tandis que le Mercedes ML a ouvert la voie dans le premium, suivi du BMW X5. Ils sont des 4×4 civilisés, pas forcément 4 roues motrices, mais jouant toujours sur le côté baroudeur. Puis vinrent des modèles plus accessibles, remplaçant d’autres. Ce fut presque une spécificité américaine, championne du genre, mais cela a conquis l’Europe.
Il faut remonter à 2007 pour trouver le déclencheur : le lancement du Nissan Qashqai. La marque japonaise faisait le pari de lancer un SUV (certains diront crossover), en place de la traditionnelle berline Almera. Ce fut un succès, car le Qashqai est devenu un carton, alors que l’Almera était anecdotique face à ses rivales. Depuis, la recette a été copiée, par Nissan lui-même avec le Juke mais aussi par Renault avec le Dacia Duster venu démocratiser le genre en 2010.
Les premières victimes ont été les monospaces. Surélevés, plus grands que les berlines ou citadines, les SUV séduisent davantage les familles. Or, leur modularité est quasi systématiquement inférieure, avec un gain en dimensions, et donc en poids et consommation au passage. Il ne faut pas être aérodynamicien, un véhicule plus haut résiste plus à l’air, alors que le surpoids demande plus d’énergie.
Beaucoup de constructeurs nous racontent que les SUVs ont remplacé les monospaces. C’est vrai en partie. Toutefois en 2020, ils représentent 40% des ventes ! Jamais dans l’histoire, les monospaces n’ont représenté 40 % du marché. FranceInfo a d’ailleurs compilé les données européennes de l’ACEA, dans un graphique interactif (voir ci-dessous). Dans celui-ci, on observe que les monospaces ont atteint un pic de 2,68 millions d’unités en 2006. En France, le pic semble atteint en 2007 avec 354.000 unités, où les C4 Picasso et Scénic figuraient au Top 5. Mais ils ne constituaient que 17% des ventes cette année-là. Cela est moins de moitié de la part actuelle des SUV dont les volumes ont quintuplé en 10 ans (2009-2019). Sur le graphique, on observe sans peine que l’explosion des SUV a fait décroître tous les autres segments : citadines (-28%), compactes (-19%), berlines (-32%), luxe (-37%) et multi-usages (-40%).
Les associations, élus ou collectifs sont de plus en plus nombreux à se battre contre les SUV. Représentant aujourd’hui 4 ventes sur 10, ils inondent les routes mais aussi les rues des villes, et la hausse ne fait que continuer (+7% en 2019).
Pour certains, ils représentent toutefois un réel besoin. Pour des questions d’accessibilité dans certaines régions mais aussi d’habitabilité pour les grandes familles (les monospaces disparaissent aussi). G. Porcher le disait, ce ne sont pas forcément les clients qui demandent, mais les marques qui font tout pour les vendre : surenchères d’arguments, publicité omniprésente… Et il faut rappeler que chaque vendeur subit une pression du chiffre, un SUV apportant davantage de marge qu’une vulgaire citadine ou qu’une berline du même segment !
Bien sûr, le SUV ne tue pas la planète à lui tout seul. Mais il inscrit une nouvelle tendance néfaste dans l’automobile qui tend à augmenter les émissions de CO2 ces dernières années (voire graphique de JATO Dynamics). Si des constructeurs rejetteront la faute sur le diesel-bashing (moins émissif que l’essence en CO2, mais plus en NOx et compagnie), il n’empêche que le SUV participe largement à ce résultat.
Beaucoup de marques nous ont légitimé l’idée d’utiliser les SUV comme base pour leurs premiers modèles électriques. Principal argument : le fait qu’ils peuvent accueillir plus facilement des batteries. Ainsi, nous avons vu fleurir d’abord les Jaguar I-Pace, Mercedes-Benz EQC ou Audi e-tron. Mais outre les batteries et autonomies, c’est surtout une question de rentabilité qui pèse, afin de rattraper plus rapidement les dépenses de recherche et développement.
Mais que vaut cet argument face à une Renault ZOE pouvant se targuer d’afficher 395 km d’autonomie, soit plus qu’un Audi e-tron 50 Quattro pesant 1 tonne de plus (2.490 vs 1.475) dont la capacité batterie est bien supérieure (71 VS 52 kWh) ? Et que dire de laTesla Model 3 dont l’autonomie est 10% supérieure à celle du Model Y qui partage pourtant les mêmes composants ? Le mécanisme est pourtant simple : plus un véhicule est imposant, plus il doit embarquer de batterie pour une autonomie identique.
Pour agir dans notre monde, trois piliers doivent bouger. Aujourd’hui, le gouvernement applique un bonus/malus, mais rien ne cible directement le SUV. Les constructeurs, réalisant de belles marges sur ce type de voiture, n’ont pas intérêt à s’en débarrasser. Il reste donc le client, qu’il faut sensibiliser. C’est justement ce que tente de faire La Ronce avec une action extrême que nous ne défendons pas. Mais l’idée est claire : tout le monde n’a pas besoin d’un SUV.
Malgré un maximum de clients conscients voire de « consomm’acteurs », les constructeurs doivent aussi jouer le jeu. Ils ont la responsabilité de proposer des modèles correspondants aux clients : plus légers, plus aérodynamiques et donc plus efficients et plus accessibles financièrement. Les gouvernements et collectivités doivent aussi serrer la vis pour freiner cette tendance contre-productive. Il existe déjà des Zones à Faibles Emissions pour limiter l’entrée aux véhicules les plus polluants. Pourquoi ne pas faire un système similaire pour bannir les gros véhicules comme cela se fait déjà au Japon avec les Kei-Cars ?
Pour compléter cet article, nous vous invitons à consulter le dossier « SUV qui peut » du média Les Jours, ainsi que l’étude WWF (environnement et budget) d’octobre 2020.
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