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La voiture électrique va-t-elle tuer Ford ?

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Avec ses voitures électriques, Ford perd des sommes colossales. Et cela ne va pas s’arranger de sitôt. De quoi mettre en danger la marque ?

39.995 $ : c’est le prix de base de la Mustang Mach-E de l’autre côté de l’Atlantique. 48.000 $ : c’est la somme astronomique que Ford a perdu sur chaque voiture électrique vendue en 2024. Model e, la division électrique du constructeur, a en effet enregistré une perte d’un peu plus de 5 milliards de dollars l’année dernière, pour seulement 105.000 ventes.

Toutefois, si la firme américaine peut être pointée du doigt, c’est parce qu’elle a fait le choix de séparer les résultats financiers de ses modèles électriques. Avec dans le but inverse de montrer que les autres activités se portent très bien… et donc ne pas dévaloriser ces dernières avec les comptes dans le rouge de Model e. Ford Blue, la division des voitures thermiques/hybrides, c’est 5,2 milliards de gains en 2024. Et que dire de Ford Pro (les utilitaires), avec 9 milliards de gains !

Si l’électrique a un résultat rouge cramoisi, c’est parce que c’est une technologie naissante à l’échelle de l’industrie automobile, qui demande de très gros investissements pour son développement. Ce qui plombe donc le résultat et indique que la voiture électrique n’est pas rentable.

La stratégie de séparer les comptes avec Model e le met crûment en évidence, pendant que de nombreux concurrents continuent de n’avoir qu’un seul résultat financier général. Le bilan global de Ford reste donc positif. Mais la situation de la marque peut quand même susciter l’inquiétude.

Des ventes d’électriques très loin des objectifs

Alors que la demande mondiale de modèles électriques progresse d’année en année, les livraisons de Ford baissent, avec 105.000 ventes d’électriques en 2024 contre 116.000 en 2023. Surtout, le constructeur est très loin de ses objectifs initiaux. En 2022, il comptait atteindre les 600.000 véhicules électriques produits en 2023 et les deux millions dès 2026 !

L’année dernière, Ford a vendu aux Etats-Unis 31.510 exemplaires du F-150 Lightning, la version électrique de son pick-up star. L’objectif de production de 2023 était de 170.000 modèles ! Plus grave, la Mustang Mach-E est aussi loin des niveaux attendus. L’objectif 2023 était de 270.000 par an. En 2024, 51.745 exemplaires ont été livrés aux Etats-Unis. En Europe, c’était 16.193 !

Alors que les ventes de « Ford Blue » étaient à 2,8 millions d’unités en 2024, la part de l’électrique est donc très faible chez Ford, preuve d’un réel retard dans le domaine. Une situation guère acceptable de la part d’un mastodonte de l’industrie automobile, véritable modèle chez les constructeurs généralistes, en étant capable de proposer aussi bien une citadine qu’une muscle-car.

Ford est à l’origine d’une révolution industrielle avec la célèbre Model T au début du 20e siècle, mais s’est laissé complètement déborder par Tesla et les chinois sur la nouvelle révolution de conception et de production des automobiles au 21e siècle. Le constructeur a bien évoqué des projets de modèles électriques plus accessibles, surement largement inspirés des méthodes Tesla et chinoises, mais cela reste très flou. La concurrence n’attend pas, les clients n’attendent plus.

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En danger en Chine et en Europe

Son retard commence à poser problème. Peut-être pas encore en Amérique du Nord, son principal débouché, et même encore moins depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le nouveau Président américain ne comptant pas favoriser la vente de véhicules électriques.

C’est en revanche un souci en Chine, où les constructeur locaux ont pris une telle avance sur l’électrique que Jim Farley, patron de Ford, n’a pas hésité à dire qu’ils étaient devenus une menace existentielle pour les autres constructeurs. D’ailleurs, en Chine, il devient de plus en plus difficile pour les européens et américains d’exister, et ce marché, autrefois vu comme l’eldorado, commence à se refermer.

Ford est aussi en danger en Europe. S’il n’y a pas de quotas de ventes de voitures électriques, la réglementation CAFE fixe un seuil de CO2 à ne pas dépasser pour les ventes de voitures dans l’Union. Ce qui induit indirectement une part minimale d’électriques, plus forte cette année avec un nouveau tour de vis pour la CAFE.

Ne pas atteindre les normes CAFE, c’est devoir acheter des crédits carbone à Tesla, et donc ajouter de la dépense qui plombe toujours plus les comptes. Et on l’a vu, la voiture électrique est un gouffre financier chez Ford. Model e, c’est donc 5 milliards de dollars de pertes en 2024, c’était déjà 4,7 milliards en 2023. Et le constructeur a déjà annoncé la couleur pour 2025, où il s’attend à dépasser encore les 5 milliards de pertes. L’addition commence à être salée chez l’ovale bleu.

Début poussif de l’Explorer

Et, dans le même temps, le reste de ses activités pourrait être plombé par la guerre commerciale lancée par Donald Trump. Celui-ci compte renforcer les droits de douane sur les importations du Mexique et du Canada, puis a annoncé un projet de tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium.

Jim Farlay s’inquiète : « Le président Trump a beaucoup parlé de rendre l’industrie automobile américaine plus forte, de produire davantage ici, d’innover davantage« . Mais, « jusqu’à présent, tout ce que nous constatons, ce sont beaucoup de coûts et beaucoup de chaos« .

Sur les différents continents, Ford est clairement sous pression. En Europe, alors que les ventes de Mustang Mach-E sont à un bas niveau, la marque joue gros avec de nouveaux SUV davantage pensés pour nous, à commencer par l’Explorer et son dérivé coupé Capri, qui reprennent la base du Volkswagen ID.4. Livré depuis l’automne dernier, l’Explorer a compté pour 15.000 livraisons en 2024 en Europe.

Reste que pour compenser des pays où les ventes d’électriques sont faibles, la France est mise à contribution. L’objectif de Ford dans l’Hexagone en 2025 est de passer de 6 à 26 % pour l’électrique ! Problème, en janvier, le bilan de l’électrique chez nous n’est que de 7,8 %. Les débuts de l’Explorer sont poussifs, avec seulement 129 immatriculations le mois dernier. Le constructeur espère un sursaut avec l’arrivée du Puma électrique, aux prix agressifs, puisqu’il commence chez nous à 33.990 € hors bonus.

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Choix radicaux

Toutefois, pour arriver à la part d’électrique souhaitée, une astuce sera la baisse des ventes de thermiques. En Europe, Ford a fait des choix radicaux. Le constructeur a ainsi mis purement et simplement fin à deux de ses best-sellers thermiques, la Fiesta et la Focus. Imaginez Renault arrêter la Clio ! Résultat, les ventes en Europe ont chuté de 17 % en 2024. Surtout, ce sont deux modèles qui faisaient gagner de l’argent.

Mi-2024, la marque annonçait quand même l’abandon de son objectif d’être 100 % électrique en Europe dès 2030. Elle devrait ainsi lancer un nouveau SUV compact hybride prochainement. Toutefois, elle a quand même terminé la transformation de son site historique de Cologne pour le spécialiser dans la production d’électriques, moyennant un investissement de deux milliards d’euros. Mais à peine la production des Explorer et Capri lancée, elle a été réduite…

On finit par se demander si le constructeur croit encore en son avenir sur notre continent. L’idée d’un départ peut vite être balayée, tant notamment le constructeur pèse lourd sur le très lucratif business des véhicules utilitaires chez nous. Mais pour le reste, Ford va rationaliser son offre autour de quelques véhicules et devra faire avec une gamme incomplète.

Des pertes colossales qui vont commencer à peser sur l’entreprise, des ventes qui ne décollent pas, aucun projet accessible et rentable clairement annoncé… En peu de temps, la marche, certes forcée, vers l’électrique a fait de Ford un colosse aux pieds d’argile.

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