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Pour certains radicaux, la voiture électrique est une arnaque écologique qui ne sauvera pas la planète.
Vous pensiez que la voiture électrique allait réconcilier l’écologie politique avec l’automobile et les déplacements individuels ? L’espoir fait vivre. Maintenant que l’Union Européenne a réglé son compte au thermique avec une sentence qui sera exécutée en 2035, certains puristes de l’environnement, qui ne reculent que rarement devant la surenchère, ont semble-t-il décidé d’avoir la peau de l’électrique.
Car la voiture, quelque soit son mode de propulsion, reste l’ennemi à abattre, coûte que coûte.
Alors certes, ceci se fait à pas feutrés, et l’on sent que les anti-bagnole retiennent un peu leurs coups, mais la petite musique se fait déjà entendre. Celle qui consiste à dire que l’électrique n’est pas la solution, que le remède est peut-être pire que le mal, et que la cure ultime à toute cette gabegie forcément dévastatrice serait d’arrêter de prendre sa voiture. Et donc d’arrêter d’en fabriquer.
C’est simple finalement, on se demande vraiment pourquoi personne n’y avait pensé avant.
Bien sûr, je force un peu le trait, mais c’est un peu l’idée qui ressort quand je parcours certaines déclarations et revendications récentes autour de la voiture électrique.
En substance, la voiture électrique serait au final aussi néfaste que la voiture thermique, et ne ferait que déporter le problème que les déplacements individuels motorisés posent en termes d’environnement. C’est peut-être vrai, en partie, mais comme personne ne pourra empêcher quelques milliards d’humains de prendre le volant, il faudra faire avec. Et dans ce cas, autant le faire avec une énergie un peu moins polluante que le pétrole, non ?
Mais que reproche-t-on désormais à la voiture électrique ? Un peu tout en fait, dans une sorte de gloubi-boulga où tous les griefs sont alignés et mélangés sans grande cohérence. Allez, je vous la fais courte : trop puissante, trop lourde, trop luxueuse, trop consommatrice d’énergie, de ressources naturelles, de « terres rares » (je mets des guillemets car elles ne sont pas rares, en réalité), trop émettrice de particules fines par les pneumatiques (alors qu’elle n’en émettent pratiquement plus aucune par les freins), trop SUV, trop Elon Musk, trop réservée aux riches. Bref, pas sobre et pas décroissante, soit un concentré de tout ce que l’on reproche généralement au capitalisme.
Il en faut beaucoup moins que cela pour énerver un écolo, que l’on aurait pourtant plutôt vu en allié naturel dans la transition énergétique, naïfs que nous sommes.
Conséquence, et c’est peut-être le plus navrant, les fanatiques de la contrainte, de la norme, de la régulation et de la taxe ont décidé de s’attaquer bille en tête au sujet, alors que le marché est encore balbutiant et qu’il mériterait certainement que l’on patiente un peu afin de le laisser se consolider. D’attendre avant de commencer à vouloir légiférer tous azimuts, au risque de lui couper les pattes alors qu’il vient juste de commencer à mettre un pied devant l’autre. Mais non, chez certains c’est une seconde nature : « Si ça bouge, taxez-le. Si ça continue à bouger, régulez-le. Si ça s’arrête de bouger, subventionnez-le. »
Un exemple ? Le vénérable WWF, dont j’apprécie les travaux quand il s’occupe de protéger la vie sauvage et les petites bêtes, s’est fendu d’un rapport accusant à peu près la voiture électrique de tous les maux de la planète. Certes, cette étude pointe non pas l’ensemble des voitures électriques, mais seulement les SUV. Il s’agit donc d’une frappe chirurgicale. Sauf que le WWF ne précise jamais ce qu’il entend par SUV, préférant s’en prendre – peut-être à raison – au poids des voitures. L’organisme suggère donc au gouvernement français de prendre des mesures pour « dé-SUViser le marché électrique » et de « décourager la vente des modèles électriques les plus lourds en instaurant un malus poids spécifique à ces modèles et prenant en compte le poids associé à une batterie électrique d’une capacité suffisante pour couvrir l’essentiel des besoins de déplacement des Français. » Dit comme cela, c’est vague, même si de prime abord cela parait être une requête de bon sens.
Sauf que le WWF fixe le seuil de poids à ne pas dépasser à 1 600 kilos. Ce qui n’a pas beaucoup de sens. D’une part parce que dans l’état actuel des voitures électriques disponibles sur le marché, un petit tour sur les fiches techniques montre que pratiquement aucune ne pèse moins de 1 600 kilos. D’autre part parce que cibler les SUV comme seul critère discriminant ne veut pas dire grand chose. Un exemple ? La Dacia Spring peut être considérée comme un SUV, certes compact, et elle pèse moins d’une tonne à vide. Un autre exemple ? La Jeep Avenger, un vrai SUV cette fois, ne pèse que 1 615 kilos. Alors qu’une Tesla Model S Plaid, qui n’est pas un SUV, pèse plus de deux tonnes. Loin de nous l’idée de défendre les SUV, dont nous ne sommes pas friands, mais il s’agit simplement de rester cohérent et lisible. Cibler les SUV est évidemment politiquement facile, mais c’est aussi un peu la définition de la démagogie. A fortiori quand le terme « SUV » ne correspond plus à grand chose en 2023.
Rappelons également que si les voitures sont plus lourdes aujourd’hui, ce n’est pas seulement parce qu’elles sont électriques et qu’elles embarquent de grosses batteries. C’est aussi parce que lors des trois dernières décennies, les politiques de sécurité routière ont imposé des structures et équipements de sécurité successifs et cumulatifs qui ont largement pesé sur leur embonpoint.
Autre publication, celle de l’ingénieur et essayiste Laurent Castaignède, qui, dans son dernier ouvrage « La ruée vers la voiture électrique : Entre miracle et désastre » parle carrément d’un « electric gate ». L’auteur n’en est pas à ses premières saillies parfois un peu excessives contre l’automobile, et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y va toujours pas avec le dos de la cuillère, puisque pour lui les voitures de plus d’une tonne et demie devraient voir leur vitesse limitée à… 90 km/h. On appréciera le sens de la nuance de ce type d’assertion. Et surtout on ne voit pas très bien le rapport. Et bien sûr, même si ce n’est pas précisé, on a bien compris que les électriques font partie du lot. L’homme – qui a aussi des arguments intéressants, notamment sur la question de la souveraineté des états en regard des besoins en énergie – est convaincu quant à lui que la voiture électrique ne résoudra absolument pas la question de la pollution, et qu’elle aura même un effet inverse, celui de faire baisser la pression sur l’approvisionnement en pétrole, et donc d’en augmenter la consommation. Hum…
Et je ne vous parlerai pas d’une autre théorie qui se fait jour depuis quelque temps, selon laquelle il faudrait lutter contre les batteries qui se rechargent trop vite (si si) car tirant trop de ressources du réseau dans une période de temps trop concentrée.
Il y aurait de nombreux autres exemples du sens de la mesure de certains quand il s’agit d’empêcher l’électromobiliste de tourner en rond.
Donc, en résumé, la voiture électrique, d’accord, mais à condition qu’elle avance à peine plus vite qu’un vélo, qu’elle ait une batterie anémique autorisant tout juste un aller-retour des gueux chez Leclerc, et qu’elle pèse à peu près le poids d’une charrette à bras vide.
C’est une conception du progrès, disons, un peu particulière.
Avec d’un côté les anti-VE viscéraux tendance complotiste qui se comptent plutôt du côté de certains tenants du thermique – et donc des amoureux de la bagnole à l’ancienne -, et les écolos radicaux – qui la détestent -, même si nous n’avons rien contre l’idée d’une certaine sobriété, nous sommes de fait pris en tenaille entre deux extrêmes, qui à notre humble avis ne font ni l’une ni l’autre avancer la cause de la décarbonation des transports.
Quand l’idéologie l’emporte sur le rationnel, tout le monde perd.
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