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« Vers 1900, les voitures électriques dépassaient en nombre les véhicules à essence ou à vapeur », expliquait Leslie Kendall, curateur du Petersen Automotive Museum de Los Angeles, lors d’une interview consultable dans l’excellent ouvrage de Luc Debraine intitulé « Les voitures électriques : un futur pour l’automobile ». Je vous propose de pivoter dans un monde parallèle où les constructeurs auraient fait le choix de la mobilité électrique dès la fin du XIXe siècle.
A la fin du XIXe siècle, toutes les directions technologiques étaient suivies pour trouver le meilleur compromis en mobilité individuelle susceptible de s’affranchir de la traction animale. Les véhicules électriques, à vapeur ou au pétrole partageaient le pavé et les cerveaux bouillonnants avec des solutions plus ou moins sérieuses : eau ou air comprimé, gaz, système de balanciers, pédales ou leviers, moteur à ressorts, etc. Il fallait simplement pouvoir aller plus vite, plus loin, avec des engins relativement fiables qui, accessoirement, devaient pouvoir aussi être pilotés par les femmes. Ecologie et sécurité ne faisaient pas encore vraiment partie du cahier des charges de l’engin idéal !
Sur le fil du changement de siècle, le public s’enthousiasme facilement pour les records et défis mis en scène dans un peu tous les domaines, notamment par les maisons d’édition journalistiques de l’époque. Bicyclettes, avions… et automobiles ont déjà leurs sympathisants. Rien d’étonnant à ce que Le Petit Parisien, un quotidien alors très en vogue, lance en 1894 un Paris-Rouen pour voitures autotractées. Sur la centaine de concurrents inscrits, on ne compte que 4 engins électriques, contre 31 à vapeur, et autant alimentés au pétrole.
En revanche, au concours des « voitures de places » qui a eu lieu en 1898, organisé par l’Automobile Club de France, 11 des 12 véhicules participants sont électriques. C’est que les « taxis » branchés se développent particulièrement bien dans la Capitale, à cette époque.
Entre ces 2 épreuves, celle qui fera basculer pour longtemps l’automobile dans l’huile de dinosaure : le fameux Paris-Bordeaux-Paris de 1895. Pour un tel périple, les engins à pétrole répondront le mieux à l’exigence d’aller plus vite et plus loin. Les modèles à vapeur sont handicapés par le temps nécessaire pour chauffer l’eau. Le constructeur Jeantaud, seul à avoir inscrit un véhicule électrique, ira bien jusqu’à Bordeaux avec, grâce à des batteries de rechange disposées tous les 40 kilomètres. Mais il n’effectuera pas le trajet retour. Son exploit, rendu plus épique encore du fait d’un véhicule fragilisé lors des essais, n’a toutefois pas pu placer la technologie branchée comme une sérieuse rivale à la motorisation thermique.
A partir de là, même si le véhicule électrique a encore deux ou trois petites choses à prouver, notamment en franchissant le premier la barre symbolique des 100 km/h, en 1899, grâce à Camille Jenatzy et sa « Jamais contente », il ne pourra pas rivaliser avec les voitures à pétrole !
S’il n’y avait pas eu d’épreuves de rapidité alors que l’automobile commençait à investir les rues et chemins, les véhicules électriques auraient bénéficié de plus de temps pour être plus efficaces et surtout pour se répandre à travers les usages où leurs limites ne sont pas bloquantes. Les progrès techniques et technologiques auraient finalement imposé le VE, devenu capable d’avaler de longs parcours. Si, aujourd’hui, quelques constructeurs essayaient d’introduire sur le marché les voitures à essence ou au gazole, qui en voudrait ? Comment imaginer mettre en place des structures lourdes de ravitaillement par la mer puis la route ? Comment se satisfaire d’engins qui sèment sur leur passage un poison mortel tout en rendant impossibles les discussions dans les rues ?
Et si la déclaration de Félix Faure avait été prise plus au sérieux lors de l’inauguration du premier salon automobile de Paris, en 1898 ! En particulier lorsqu’il a taxé la voiture de « sentir mauvais ». Si des voix crédibles s’étaient élevées à sa suite pour dénoncer un très probable scandale écologique et de santé publique ! Sans doute que les constructeurs auraient été incités à approfondir leurs recherches sur les motorisations les moins « sales » ! Aujourd’hui, notre monde serait sans doute tout différent, et finalement bien en avance sur la gestion globale de l’énergie au niveau mondial.
Rien qu’en France, les émissions à l’échappement des véhicules sont responsables de plusieurs dizaines de milliers de décès chaque année. Selon l’OMS, ce sont 42.000 à 45.000 décès prématurés qui seraient annuellement causés par l’ozone et les particules fines. Dans un monde branché, idéalement arrivé à une maturité écologique en matière de production de l’énergie, les problèmes respiratoires et neurologiques seraient bien moins fréquents. Certaines personnes dites fragiles aujourd’hui n’auraient sans doute aucune inquiétude de santé à ce niveau. Combien d’êtres chers que nous avons perdus seraient encore à nos côtés ? Et combien de personnes, handicapées, auraient une vie normale ?
Avec des déplacements permis par des véhicules alimentés de sources renouvelables depuis les premières décennies du XXe siècle, où en serait notre monde aujourd’hui au sujet du réchauffement climatique ? Difficile à dire précisément ! On peut juste imaginer que, si les gaz d’échappement ont un poids majeur dans ce fléau, alors nous ne devrions pas connaître actuellement les catastrophes « naturelles » qui se multiplient à travers la planète depuis des années, jetant des régions entières sur les routes de l’exode.
Concernant les catastrophes à l’acheminement (pétroliers échoués, pipelines percés), à l’extraction ou au stockage (explosion et gigantesques incendies sur sites, zones d’habitation sinistrées), est-il possible d’imaginer pire sans le pétrole ?
Moins de besoins en soins, chambres d’hôpital, et arrêts de travail, ce sont de colossales économies réalisées sur la santé et potentiellement mobilisables pour d’autres causes, comme les retraites, ou les difficultés à (re)trouver un travail. Selon le rapport intitulé « Pollution de l’air : le coût de l’inaction », rendu en 2015 par une commission d’enquête du Sénat, le traitement des maladies, la mortalité prématurée, et l’absentéisme causés par la pollution de l’air auraient un coût sanitaire annuel en France compris dans une fourchette de 68 à 97 milliards d’euros. S’y ajouterait un volet non sanitaire de 4,3 milliards, comprenant les dépenses en prévention, les dégradations subies par les bâtiments et la baisse des rendements agricoles.
Les moyens engagés pour réduire l’impact de l’activité humaine sur le réchauffement climatique coûtent aussi beaucoup d’argent. Là, aussi, il faut parler d’une mobilisation en milliards d’euros, dans l’urgence.
Autre bouffée d’oxygène : avec une énergie produite localement, totalement débarrassée du pétrole et du charbon, la France, comme bien d’autres pays dans le monde, disposerait d’une balance économique internationale plus équilibrée, et sans doute excédentaire.
Et que dire des dépenses engagées pour lutter contre les effets des pluies acides et redonner aux bâtiments une apparence correcte après des dizaines d’années à recevoir les suies émises par les moteurs thermiques ?
Au niveau des ménages, ne pas avoir à faire régulièrement le plein des réservoirs avec un coûteux carburant permettrait de disposer d’une manne à redistribuer dans les autres postes du budget familial : vacances, loisirs, éducation, équipement, logement, etc. Utopique ? Pourquoi, parce que l’Etat aurait taxé l’électricité pour recharger les batteries des voitures comme il l’a fait pour l’essence et le gazole ? Peut-être, mais pas sûr, puisque la généralisation de la mobilité électrique lui permettrait d’échapper aux colossales dépenses balayées dans le point précédent.
Paris, mais aussi nombres de grandes villes françaises et de capitales et mégapoles dans le monde seraient plus agréable à vivre et visiter s’il n’y avait pas cet incessant brouhaha causé par les véhicules thermiques en mouvement, à l’accélération et au freinage. Avec les nouvelles motorisations, cette nuisance a tendance à se réduire. Mais combien de décennies perdues à ne pas pouvoir suivre paisiblement une discussion sur les trottoirs des grandes artères ? Et combien de citadins ont préféré, pour fuir un monde déshumanisé par le bruit étourdissant des machines, rejoindre les espaces ruraux qui se sont autrefois désertifiés ?
Aujourd’hui, la voiture électrique peine à convaincre du fait d’une autonomie qui semble trop contraignante. Si elle s’était imposée ainsi au début du XXe siècle, ce discours n’aurait jamais existé. A la limite, les déplacements sur de longues distances auraient été réalisés en train. Mais plus probablement, les VE disposerait d’une autonomie de plus de 500 kilomètres. Puisque Tesla sait faire avec sa Model S, pourquoi les constructeurs automobiles qui auraient travaillé sur le sujet depuis plus de 100 ans ne pourraient-ils pas aujourd’hui proposer à un prix abordable des véhicules électriques à haut rayon d’action ?
Les détracteurs de la voiture branchée l’attaque sur son impact négatif sur la planète du fait de ses besoins en lithium pour les batteries, mais aussi en terres rares et graphite pour les moteurs. En serions nous là aujourd’hui avec plus de 100 ans de recherches et développement appliqués à un parc roulant très vaste ? Non, bien sûr ! Les supercondensateurs équiperaient déjà les véhicules électriques depuis longtemps, et auraient peut-être déjà cédé la place à des technologies encore plus vertueuses et efficaces. Quant aux terres rares les plus problématiques à obtenir, elles sont déjà absentes de nombreux modèles électriques actuels !
L’extraction et l’acheminement du pétrole ont semé la pagaille à travers le monde. On ne compte plus les nations divisées par les pétrodollars et les crimes réalisés en leurs noms. Pour autant, il convient de rester prudent sur les conséquences positives sur la stabilité géopolitique dans un monde qui aurait pris très tôt le virage de la mobilité électrique. Quels seraient et auraient été depuis un siècle les besoins en substances difficilement exploitables et localisées dans une poignées de régions dans le monde ? Impossible à dire, tout simplement parce que nous ne pouvons pas avoir une idée des innovations exploitées pour la mobilité électrique sur un siècle. Mais aussi parce que des tensions existent bel et bien aujourd’hui dans des zones d’extraction des terres rares, par exemple. Elles sont davantage la conséquence de politiques imposées par des régimes dictatoriaux que de la nature même du produit à négocier.
Centrales nucléaires, au charbon, ou au pétrole ? Avec un parc automobile électrique naissant à l’aube du XXe siècle, les nouveaux besoins en énergie pouvaient être satisfaits plus progressivement, laissant suffisamment de temps en recherches et développement pour n’exploiter que des sources propres et renouvelables. Le stockage de l’électricité ne serait d’ailleurs sans doute plus un problème depuis longtemps. Les solutions en cours de devenir ou marginalement déjà appliquées formeraient la norme actuelle, associées à d’autres idées inconnues de notre monde fossile d’aujourd’hui. Nul doute que la voiture électrique serait connectée depuis longtemps aux réseaux intelligents qui paraissent bien utopiques à la plupart des automobilistes !
Le sujet étant très vaste et loin d’être bouclé, à vous, lecteurs d’Automobile Propre, de prolonger cette vision d’un monde branché depuis les origines de l’automobile !
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