La suite de votre contenu après cette annonce
Fin 2015, nous donnions la parole à Christophe, grand habitué des forums et blogs où l’on parle de véhicules électriques, afin de présenter son utilisation de Régionlib. Fin août, le service d’autopartage fermera définitivement ses portes : il ne serait pas rentable. Derrière la communication officielle, reproduite plus ou moins fidèlement dans un quotidien, se cache sans doute une raison plus difficile à défendre.
Christophe est certainement l’abonné Régionlib qui correspond le mieux au profil que cherchent à capter les opérateurs de services de location de véhicules électriques en autopartage. Très soucieux de son impact sur l’environnement, il tient une comptabilité de l’impact carbone de son foyer. C’est cette démarche qui lui avait fait choisir de s’abonner à Régionlib, afin de bénéficier d’une voiture faiblement émissive lors de ses besoins en déplacements non satisfaits par la marche ou le train. Pas seulement, car notre interviewé est aussi un militant. En novembre 2015, il nous révélait : « J’ai adhéré à Régionlib mi-2013 pour encourager et aider au développement du service ». Une attitude qu’il aura conservé jusqu’au bout, payant sur ses propres deniers la location d’une Zoé d’autopartage pour la rendre visible au Vendée énergie tour. C’est dire si l’ingénieur dans le bâtiment n’est pas prêt d’avaler la première explication venue pour justifier la fermeture d’un service autour duquel il a bâti son autonomie.
Pour rappel, ouvert aux particuliers par la Région Poitou-Charentes en 2013, Régionlib proposait à ses abonnés une trentaine de voitures électriques réparties à Niort (79), Saintes (17) et Châtellerault (86), et accessibles en libre-service 24/7.
« Proposait », car même si le service est encore exploitable en juillet-août, des voitures ont déjà été retirées dans les stations. Les Mia, en particulier, ont été restituées à la Région. Le ticket d’accès à l’autopartage branché coûtait 5 euros, avec une facturation au quart d’heure de l’utilisation d’un VE, à raison de 6 euros l’heure, kilométrage illimité. Toutefois, de 9 à 24 heures d’affilée, un forfait de 51 euros était appliqué. En 2 ans, Christophe a parcouru lui-même plus de 7.000 kilomètres en 90 réservations.
Un article publié dans La Nouvelle République de mercredi dernier, 6 juillet 2016, chiffrait à environ 70 les abonnés actuels : respectivement 59 pour Niort, 10 à Saintes, et 2 à Châtellerault. « Pas mal pour un service qui n’a pas bénéficié d’une publicité suffisante et qui est finalement trop peu connu des habitants du territoire ! », souligne Christophe, précisant que derrière un abonnement peut se cacher plusieurs utilisateurs du même foyer, comme, par exemple, sa compagne et lui-même.
« Trop peu, ont estimé les actionnaires qui, après avoir calculé que le dispositif ne serait jamais rentable – 500.000 euros par an dont 90% supportés par la région – ont décidé le 8 juin de ne pas le reconduire en septembre », commente le rédacteur de l’article. C’est là que le doute s’installe définitivement.
En étudiant les comptes de la société publique locale « Poitou-Charentes Autopartage », on remarque que ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Si effectivement la SPL a bénéficié de presque 590.000 euros d’aides en subventions d’investissement, c’est sur 3 exercices : 268.631 euros pour celui (sur 21 mois) clos le 31 décembre 2013, 167.234 pour celui à fin 2014, 151.515 euros pour le suivant. Ce qui n’est pas du tout la même chose ! Erreur du journaliste ou du liquidateur interrogé, qui n’est autre que Benoît Roussey, ex-directeur de Régionlib ? Possible et très certainement. Mais l’étude de la comptabilité, que s’est procuré Automobile Propre, révèle une situation loin d’être catastrophique, ni même préoccupante d’ailleurs.
Fin 2013, la SPL accuse des pertes de 114.131 euros, reportées sur l’exercice suivant. Avec un résultat de 82.856 euros, 2014 éponge une grande partie du chiffre, mais un nouveau report de 31.275 euros est nécessaire. A la clôture de 2015, un résultat de 23.937 euros permet encore de diminuer le delta à 7.338 euros. Tout cela, alors même que les subventions diminuent, mais aussi les dettes fournisseurs et les dettes fiscales & sociales, passant respectivement de 335.871 et 108.769 euros fin 2014, à 162.024 et 47.851 euros au 31 décembre 2015. Sans plus d’éléments pour 2016, il semble probable que le prochain report à nouveau aurait pu être positif.
Pour comparaison, le service d’autopartage Otolis à Poitiers, avec des voitures thermiques, est parvenu à l’équilibre financier en 5 ans. Et tout le monde était content ! L’évolution de Régionlib paraissait donc cohérente et plutôt encourageante. Si l’on gratte encore un peu, on trouve d’autres motifs d’être confiant, dont une excellente trésorerie disponible, de 222.800 euros, contre 109.700 l’année précédente.
Sur son site, Régionlib évoque plutôt un manque d’intérêt des habitants du territoire : « Créé en 2012 et porté par la société publique locale Poitou-Charentes Autopartage, l’expérience Régionlib a permis de tester des formes nouvelles de mobilité, mais n’a pas semblé correspondre à un besoin suffisant ».
Voilà qui semble plus crédible que la raison de la rentabilité attribuée par l’article de La Nouvelle République. Une explication qui ne satisfait pourtant pas davantage Christophe. Lui a senti le vent tourner, avec le nouveau découpage régional en France. La région Poitou-Charentes est fondue dans un ensemble plus vaste, avec le Limousin et l’Aquitaine. Dans une interview accordée au même quotidien, et publiée le 22 février 2016, le président de la « Nouvelle Aquitaine », Alain Rousset, s’inquiétait d’une anomalie budgétaire spécifique en Poitou-Charentes pesant 132 millions d’euros de règlements en attente : « Ce qui, à mon avis, pose problème en Poitou-Charentes, c’est peut-être la multiplicité, sinon l’émiettement de toutes les actions qui ont été menées. Ce que nous découvrons là va nous amener à avoir des choix de politiques publiques plus accélérés que ce que je prévoyais ».
Doit-on trouver dans les propos d’Alain Rousset la véritable justification de la disparition de Régionlib ? Pour Christophe, le service d’autopartage branché représentait une exception régionale : « Soit il se généralisait à tout le territoire de la nouvelle collectivité, soit il disparaissait ».
Une idée qui a, comme beaucoup d’habitants du territoire de Poitou-Charentes, traversé l’esprit du rédacteur de l’article publié le 6 juillet dernier dans La Nouvelle République. Il pose franchement à l’ex-directeur de Régionlib la question : « Imaginée par Ségolène Royal, Régionlib a-t-elle été sacrifiée par la Nouvelle-Aquitaine ? ». Mais Benoît Roussey, qui conserve son poste à la Région, peut-il répondre autrement que : « Non, cette décision ne relève pas du ‘Poitou-Charentes basching’. Même avec la région Poitou-Charentes, l’expérience aurait été arrêtée ».
Début juin dernier, c’est donc avec une légitime appréhension que Christophe a participé au Vendée énergie tour au volant d’une Renault Zoé de Régionlib, pas vraiment étonné que les responsables du service d’autopartage ne s’approprient pas un minimum l’opération.
« Après avoir demandé l’autorisation pour participer à l’événement, j’ai reçu une enveloppe pour régler l’inscription fixée par le SyDEV, la location de la Zoé restant à ma charge. A aucun moment on ne m’a demandé de communiquer autour de l’événement, et mes photos n’ont pas été exploitées par Régionlib », témoigne-t-il. Un peu rageant quand on a scrupuleusement joué le son rôle d’ambassadeur du véhicule électrique et de Régionlib !
Heureusement, il conserve un souvenir inoubliable du VET : Le passage du Gois. C’est à l’AG du 8 juin 2016 que les actionnaires présents apprennent la dissolution programmée de Régionlib. Deux jours plus tard, Christophe reçoit un message lui indiquant que ses réservations de septembre et octobre sont annulées. L’une d’elles devait lui permettre de rejoindre le village du Vendée Globe, aux Sables-d’Olonne : « La Zoé que je devais prendre disposait du badge pour se recharger sur les bornes du département ».
Pour celui qui fait des efforts permanents afin de modérer l’impact de son quotidien sur l’environnement, la question se pose forcément : « Un service comme Régionlib doit-il être appréhendé sous la seule question de la rentabilité financière, quand on sait qu’il participe à moins libérer de pollution et de CO2 dans l’air ? ». Une question qui lui pèse d’autant plus sur la conscience que les médias ont relayé en juin dernier quelques chiffres inquiétants diffusés par l’Agence nationale de santé publique : 48.000 décès, dont 34.000 pourraient être évités, sont enregistrés en France à cause des émissions de particules fines.
Si les comptes révèlent une situation financière correcte, elle aurait encore pu être améliorée par une meilleure communication qui se serait immanquablement traduit par de nouveaux abonnés, notamment pour les vacances. « Et puis, avant de dissoudre un service novateur, on aurait pu réduire la voilure dans les stations peu exploitées », plaide Christophe. « Les gestionnaires de ces services comptent habituellement 1 voiture pour 10 abonnés : pas la peine d’en avoir 3 à Saintes pour 10 utilisateurs », recommande-t-il.
A Niort, où il réside, il ne ressent pas de volonté d’une véritable politique de réduction des nuisances apportées par la circulation : « Avec sa culture de l’automobile, Niort, sous l’influence de la nouvelle municipalité, a déprogrammé des projets majeurs et intéressants, comme les bus en sites propres. Les bouchons y sont très nombreux. Comment aurait-elle pu reprendre à son compte le principe de Régionlib, conformément aux dispositions de la loi NOTRe ? », déplore-t-il.
Chacun des abonnés à Régionlib va devoir trouver une autre solution pour ses déplacements. Pour Christophe, 2 possibilités : Renault Rent, ou acheter une micro-citadine.
Fin 2015, il chiffrait, sans compter l’énergie pour faire avancer le véhicule : « Entre l’assurance, le parking et l’entretien, j’y laisserais dans les 900 euros à l’année, soit 18 jours de location Régionlib ». Finalement, à 19 euros par jour, à condition de la récupérer après 8 heures et de la restituer avant 18, la Renault Zoé proposée par le Losange à Niort serait encore plus économique que le service d’autopartage. Mais elle ne sera certainement pas toujours disponible lors de ses propres besoins en déplacements. Et notre ingénieur n’est pas tout seul à envisager cette solution !
Automobile Propre et moi-même remercions Christophe d’avoir répondu immédiatement à notre sollicitation pour produire le présent article.
La suite de votre contenu après cette annonce
Notre Newsletter
Faites le plein d'infos, pas d'essence !
S'inscrire gratuitement