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Après une première itération civilisée, le Ford Mustang Mach-E se décline désormais en version GT. Comme la célèbre sportive américaine, cette version apporte toute l’indécence que promet la calandre au cheval sauvage !
Bien que quelques constructeurs lancent leur bouquet final comme pour annoncer la fin d’une époque, la voiture électrique n’ouvre finalement pas sur un chapitre inédit. Il s’agit avant tout d’une continuité. Certes bien différente, mais d’une continuité quand même. Et les fabricants en sont parfaitement convaincus : pour mieux assurer le trait d’union avec le futur passé de la marque, la Porsche Taycan a adopté un incongru badge Turbo S ! De quoi faire bondir les puristes, qui se calmeront toutefois avec le temps.
Du côté de chez Ford, la stratégie est quasi similaire : pour annoncer son premier véhicule électrique, la marque à l’ovale bleu a décidé de lui offrir le nom de la plus mythique auto de son histoire, sinon de l’histoire automobile : la Mustang ! Syncope chez les puristes qui, face à l’incompréhension, ont été jusqu’à lancer une pétition afin de pousser Ford à revenir sur son choix, c’est dire !
Mais ils n’avaient pas tout à fait tort : car en devenant un SUV (ce qui a fini d’achever les plus fanatiques), le Mustang Mach-E n’égalait pas même la Mustang Ecoboost, le vilain petit canard de la famille aux yeux de la masse (pas forcément inintéressant ceci dit). Rangé derrière un sourire narquois, Ford continue sur sa lancée et revient maintenant à ses fondamentaux : le Mustang Mach-E se décline en version GT, comme la vraie Mustang GT à moteur V8. Le pari est risqué ici, puisque Ford, comme Porsche avec les Taycan Turbo et Turbo S, fait maintenant le choix de reprendre le badge ultime de la gamme Mustang (hors versions spéciales et Shelby). Mais la marque américaine y voit une juste évolution des choses, qui veut assurer la transition schizophrène avec l’ancien monde. Et de l’ancien monde, elle en reprend bien des codes.
Il n’est donc plus question de V8 ici, mais cette version a toujours un gros cœur. Dans sa version GT, le Mustang Mach-E propose un moteur électrique sur chaque train roulant, pour une puissance totale de 487 ch et 860 Nm de couple. C’est 136 ch et 280 Nm (!) de plus que la version Extended Range AWD, avec laquelle elle partage la batterie Lithium-Ion de 98,7 kWh, dont 88 kWh de capacité nette.
Sans roulements de tambours, le Mach-E GT éclate le chrono et écrase les passagers dans le dossier des sièges spécifiques (faussement baquets et à la coque arrière en plastique dur qui ne résistera pas aux enfants) : car si sa vitesse de pointe ne gagne que 20 km/h pour plafonner à 200 km/h, son 0-100 km/h est autrement plus explosif avec une valeur de 3,7 s contre 5,1 s dans sa version plus calme. Sans surprise donc, ce n’est pas en haut du tachymètre que le Mach-E se montrera le plus impressionnant, mais bien aux plus basses vitesses, où la mécanique déverse tout son couple instantanément.
D’autant qu’au-delà de 110-120 km/h, la poussée n’est plus aussi exceptionnelle qu’espérée au point d’éprouver, par effet de contraste après avoir abusé de l’accélérateur ou par échauffement de la batterie, la sensation d’une puissance bridée. Et inutile d’aller fouiller dans les menus du grand écran central de 15,5 pouces pour activer les modes les plus sportifs (Whisper pour Eco, Active pour normal et Untamed pour Sport) : les valeurs de reprises sur le 80-120 km/h sont parfaitement similaires, et ce quelle que soit la configuration choisie. D’un chrono de 2,94 s en mode Whisper, nous avons relevé un temps de 2,86 s en Untamed. Soit une très maigre différence seulement gagnée au début de l’accélération, où le « coup de pied » de la mécanique est à peine plus prononcé. Sans plus. De quoi penser que la puissance disponible n’évolue pas au fil des modes, d’autant que l’autonomie calculée par l’ordinateur de bord est toujours la même.
Même constat avec les réglages châssis, aux frontières trop peu marquées d’un mode à l’autre. C’est notamment le cas de la suspension adaptative MagneRide, proposée exclusivement sur la GT, qui digère toutes les aspérités de la route. Bien que suffisamment ferme pour maintenir la caisse, elle trouve toujours le bon compromis confort/efficacité. Si bien qu’on imagine assez facilement ce mastodonte de 2,3 tonnes avec près de 300 kg de moins sur la balance. Remarquable !
Mais la physique obéissant à ses lois au fur et à mesure que l’on chatouille le Code de la route, la masse reprend vite le dessus : les freinages lors des conduites enlevées donnent des sueurs froides au conducteur, débarrassé de l’idée d’être assis sur le poids de près de deux Volkswagen e-Up !. D’autant que la pédale de frein présente une course morte importante à l’attaque, un dosage typé on/off et un lâcher de mâchoires peu progressif. Soit autant de paramètres qui compliquent les freinages appuyés, qui mettent à mal le système Brembo composé de disques de 362 mm et 316 mm ainsi que d’étriers à quatre pistons aux quatre coins.
Il faudra aussi prendre le temps de comprendre la direction, à la consistance artificielle et au centrage vigoureux. Question d’habitude, d’autant qu’elle arrive à se montrer au final plus naturelle sur le mode le plus sportif et dès que le rythme s’accélère. Tant mieux car, comme toutes les Mustang qui se respectent, le Mach-E GT a cette étonnante ambition de vouloir transformer en largeur ses 4,74 m de long !
Et c’est surtout le cas avec les Pirelli P Zero, qui n’assurent du grip qu’à la bonne température et sur chaussée sèche, puisqu’ils se sont montrés parfaitement incompatibles avec les chaussées humides rencontrées lors de notre essai. Lors des freinages appuyés en entrée de courbe dans ces conditions, le train arrière présente un effet sac à dos inédit en raison de l’inertie, mettant en porte-à-faux les gardes fous électroniques alors déboussolés, qui se mettent à réagir brutalement. Les glisses pour amuser la galerie sont possibles, mais elles seront rarement propres pour être appréciées.
Mais le Mach-E GT promet plus de sport avec le mode Untamed Plus, une de ses spécificités, qui débride les béquilles électroniques et favorise le train arrière. Cependant, si le conducteur habituel de Ford Mustang sait ce qu’il l’attend, ce n’est pas forcément le cas des familles qui feront le choix du de ce SUV par passion. Ford en est conscient et ce mode de conduite, qui indique explicitement qu’il doit être réservé pour un usage sur piste, était verrouillé sur nos modèles d’essai. C’est sans doute sur ce dernier mode que les performances pourraient se montrer plus consistantes et la répartition du couple davantage portée sur le train arrière.
Pour s’offrir un aperçu de ses capacités une fois libéré de ses chaînes, c’est donc avec les aides en sommeil (elles veillent toujours au grain pour limiter les [gros] excès) que le Mach-E GT est le plus naturel pour être mené comme une Mustang. Et de trop vive par son rappel et collante lors de certaines remises des gaz, pardon, des watts, la direction trouve alors ici les qualités de ses défauts : sa consistance, davantage variable par ses effets de couple que par l’influence des modes de conduite, ainsi que sa réactivité, permettent d’entretenir des glisses comme il n’a presque jamais été possible dans un SUV de ce gabarit. Et dans une électrique aussi. Ce qui n’est pas sans poser quelques cas de conscience, alors déculpabilisée à bord d’une Mustang GT qui ne pollue pas.
Mais l’interrogation est plus difficilement surmontable à la lecture des données de consommations. Entrons directement dans le vif du sujet : en conduite sportive composée de relances très vigoureuses (et autant puériles) en mode Untamed, nous avons relevé une moyenne de 69 kWh/100 km ! Mea culpa, c’est un honteux record pour la rédaction d’Automobile Propre à ce jour. Mais quand on fait le choix d’une version GT, n’est-ce pas pour libérer les chevaux de temps à autre, en sortie de péages ou de virages ?
Au terme d’une conduite complètement schizophrène de plus d’une centaine de kilomètres, le tableau de bord a indiqué une valeur de 36 kWh/100 km. C’est à peine moins qu’un Audi e-Tron S Sportback essayé sur route et circuit, franchement moins marrant à conduire et d’une puissance totale conditionnée par le mode S (503 ch contre 435 ch en temps normal). Il n’y a que sur la route, sans trop insister sur l’accélérateur et en profitant du système One-Pedal aux ralentissements costauds ou du mode roue libre en Whisper, qu’il sera éventuellement possible d’atteindre les 20 kWh/100 km à bord du Mustang.
Ailleurs, les meilleures attentions du monde n’y feront rien : aux allures réglementaires sur l’autoroute, le SUV américain a présenté une consommation moyenne de 30 kWh/100 km à 130 km/h, et de 27 kWh/100 km à 110 km/h. Heureusement, sa grosse batterie de 88 kWh de capacité utile lui sauve la mise et une autonomie de 300 km peut alors être envisageable sur autoroute. Bien que nous n’ayons pas eu l’occasion de brancher cet exemplaire sur une borne rapide, ses performances de recharge ne devraient pas évoluer par rapport au modèle classique. Ce qui sous-entend que nous pouvons sans mal soustraire au bas mot 20 % de cette autonomie puisque la recharge totale est d’autant moins pertinente que le Mach-E dégringole à 11 kW de puissance dès que la jauge dépasse 80 % !
En matière d’équipements, ce Mach-E présente tous les atouts pour en profiter en famille avec un confort de bon aloi et un habitacle spacieux. La présentation reprend celle de la version AWD, mais apporte en plus des sièges et un volant Sport, le qualitatif système audio B&O avec barre de son dans la planche de bord ou le hayon mains libres. Celui-ci ouvre sur un coffre de 402 l (1 420 l avec la banquette à plat) compartimenté, où les câbles peuvent prendre place sous le plancher. Utile, mais le panneau d’un seul tenant pour y accéder n’est pas des plus pratiques, notamment sur la route des vacances avec le coffre chargé.
Et même si cela ne devrait pas être toujours le cas avec une électrique, c’est suffisamment rare pour le noter : le coffre se complète d’un espace de rangement supplémentaire sous le capot de 100 l entièrement utilisable. Toujours ancré dans ses références cinématographiques, Ford a même prévu un bouton d’ouverture depuis l’intérieur afin de permettre à un kidnappé (bon ou méchant, à vous de choisir) de prendre ses jambes à son cou. Ou plutôt de les enlever du cou, justement, puisqu’aucun humain ne pourra y être entreposé à moins d’être plié. Inutile donc, mais marrant.
Comparer ce SUV aux véritables coupés thermiques est incongru. Mais plus qu’un SUV électrique Mustang, cette version GT est assurément la Mustang des SUV électriques. Car c’est elle qui se rapproche le plus de la philosophie indécente de la sportive américaine : toujours portée sur les consommations, elle peut facilement être menée comme un Untamed (j’ai dit sauvage ?), en profitant d’une énorme quantité de couple. Et comme avec les Mustang, l’expérience peut rapidement se transformer en rodéo avec, parfois, des ruades pas facilement canalisables. Évidemment, on est encore loin du caractère à fleur de peau du coupé V8, mais le Mach-E GT n’a pas à rougir et pourrait presque se conduire « like you stole it ». On en redemande.
Reste que ce SUV est davantage un cheval de trait (une capacité de remorquage de 750 kg) qu’un cheval de course, bien qu’il se montre plus performant devant le chrono qu’une Mustang GT classique, il faudra s’y faire. Ce n’est pas tant sa vitesse de pointe peu élevée que ses accélérations complètement étouffées au-dessus des 120 km/h qui étonnent. Assurément, le Frank Bullitt moderne aura du mal à suivre le rythme d’une future Dodge eMuscle. Et la prudence est de mise lors des gros ralentissements sur les petites routes. Aussi, pour plus de sécurité (et de maturité) dans la conduite, nous imaginons que les Michelin Pilot Sport 4S se montreront plus à la hauteur.
Née pragmatique et vecteur d’un avenir meilleur, l’automobile propre (pas nous, la voiture) reprend ses bonnes vieilles habitudes et revient sur la scène sportive, où la performance fait bon marché des considérations vertueuses. Mais il faut bien pouvoir répondre à toutes les demandes d’une nouvelle génération de conducteur, et c’est ce que fait ce Ford Mustang Mach-E GT. Affiché à partir de 77 490 €, il est loin de l’image renvoyée par la plus célèbre des Pony Car. Mais il ne fait pas regretter les notes gutturales du V8 Coyote : la Mustang GT 5,0 l grimpe à 79 999 € avec son malus écologique, voire à 89 990 € dès l’année prochaine !
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