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À l’ère de la voiture électrique, le nouveau plaisir de conduire s’appuiera aussi sur les algorithmes… et la façon dont ils nous noteront.
La vitesse, c’est dépassé. Les plus anciens se souviendront peut-être de ce slogan de la Délégation à la Sécurité Routière qui avait fleuri sur les écrans de publicité de la chaîne de télé unique dans les proverbiales années 70.
Avec l’avènement de l’électrique et des nouveaux modes de déplacement, on sentirait presque un petit fumet de remake de cet éloge de la lenteur. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes quand on connaît les performances de certaines voitures électriques, dont les plus calmes d’entre elles ridiculiseraient sans trop forcer n’importe quelle Golf GTI entre deux feux rouges.
Car, comme nous l’avons déjà vu, rouler électrique, c’est certes en avoir un peu sous le pied droit, mais c’est surtout – en tout cas pour certains électromobilistes – s’inscrire dans une nouvelle philosophie automobile, faite de conduite apaisée, de temps retrouvé, et de redécouverte des routes secondaires entre deux recharges sur la borne de la place du Marché, ou de la Mairie, bref la place Charles de Gaulle de tous les villages de France.
Rouler électrique, c’est donc avoir le pied léger pour ménager ses batteries, ce qui a le mérite d’induire des comportements vertueux en cascade, puisque c’est généralement bon pour l’environnement et pour sa sécurité et celle des autres.
Des comportements qui pourraient être accompagnés et encouragés par les constructeurs (et les assureurs ?) au travers de petits programmes embarqués incitant à améliorer sa conduite pour devenir champion de l’écoconduite.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’introduire de la ludification (ou gamification, comme vous préférez) dans notre rapport à la conduite automobile de façon à inciter à un comportement écoresponsable et sécuritaire au volant. L’idée n’est pas totalement nouvelle puisqu’elle avait émergé dès le début des années 2010 chez Toyota et Honda avec leurs premiers modèles hybrides. Toyota avait notamment lancé l’expérience Glass of water, qui consistait à poser un verre rempli d’eau sur le tableau de bord de sa voiture, et adopter une conduite assez douce pour ne pas que le liquide déborde. Une expérience dématérialisée à l’aide d’une application pour smartphone, qui reproduisait le verre d’eau sur écran, avec une géolocalisation GPS des points où le liquide était projeté hors du verre. Le tout, naturellement, accompagné d’un système de notation permettant d’évaluer le talent du conducteur pour l’écoconduite.
Par la suite, les constructeurs ont intégré directement ce genre de dispositif dans l’interface de leurs voitures. Un design ludique (ou « gameful design ») que l’on retrouvait dans le tableau de bord des premières Toyota Prius, affichant ainsi un graphique de sa consommation au cours des trente dernières minutes, avec une récompense représentée par un badge en cas de bons résultats. Certains constructeurs affichent des végétaux qui poussent en temps réel sur le tableau de bord lorsque la conduite est écoresponsable, comme des feuilles chez Honda ou des arbres chez Toyota.
Jouer et tenter de remporter des trophées est inhérent à la nature humaine. Quel que soit le dispositif, tout conducteur de voiture électrique ou hybride a déjà connu ce type d’incitation, et cette propension à se prendre au jeu pour obtenir les meilleurs scores, pour sa seule satisfaction, par simple amour du défi, car il n’y a rien à gagner concrètement.
Rien à gagner ? Plus si sûr. Vous les voyez venir : les assurances se penchent sur le sujet depuis déjà plusieurs années, et ont déjà déployé des dispositifs permettant de distinguer les bons et les mauvais conducteurs. Même si elles s’en défendent encore officiellement, il est évident que le scoring aura à terme une influence sur la couverture et le montant des primes. C’est le cas par exemple avec l’application Aviva Drive, lancée en 2018, qui invite à utiliser son smartphone comme dashcam, avec une application collectant les habitudes de conduite de l’utilisateur. Celui-ci reçoit tous les 300 km une note de 1 à 10 en fonction de sa qualité de conduite. On notera non sans une certaine ironie que les commentaires sont… désactivés sous la vidéo de présentation sur YouTube. Par peur des réactions négatives ou des trolls ? Mais non, voyons.
Mais revenons à l’électrique. La dernière annonce dans le domaine de l’incitation à l’écoconduite, ou plutôt à la conduite sûre, nous vient de Tesla, et elle n’est pas anodine. Le constructeur américain a récemment dévoilé son Safety Score. De quoi s’agit-il ? Pour faire simple, d’un dispositif qui donne une note à la conduite. Encore en version bêta, le Safety Score fournit aux conducteurs un retour sur le comportement de leur conduite et estime la probabilité que celle-ci puisse entraîner une éventuelle collision. Ainsi, sur une période d’évaluation de 30 jours, les propriétaires pourront prendre connaissance de leur score sur une échelle de 0 à 100 points. L’algorithme s’appuie sur cinq critères et n’est pas encore disponible hors USA, mais vous pouvez déjà voir son fonctionnement en détail sur cette page (passez sur la version US du site sinon vous arriverez sur une page d’erreur). Reste à savoir si ce score pourrait être opposable en cas d’accident, en servant de « circonstance atténuante » pour ceux qui ont la meilleure note, et aggravante pour les mauvais élèves.
Alors, le nouveau plaisir de conduire se déclinera-t-il lui aussi sous forme d’algorithmes et non plus dans notre capacité à pratiquer le talon pointe ? C’est probable. Mais gare aux effets de bord : un mode de conduite « énergique » n’est pas forcément synonyme de mauvaise conduite, et inversement conduire « mollement » n’est pas systématiquement un gage de sécurité. Ce sera peut-être la limite des algorithmes pour juger de notre comportement au volant. En tout cas jusqu’à ce que ces derniers apprennent et s’améliorent.
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