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Christophe Sébastien, c’est le Monsieur développement durable et mobilité électrique de la centrale EDF de Civaux (86). Son engagement au service des véhicules branchés va bien plus loin que ça, et son expérience le rend précieux pour l’organisation de bien des événements dédiés.
Je le savais en lui proposant le jeu de l’interview : impossible de faire le tour en un seul article de toutes les actions réalisées ou en cours par Christophe Sébastien autour de la mobilité électrique. Conseiller technique pour Astragam qui produit une borne accélérée 22 kW tri-standard en courant continu, acteur de l’animation du Nouvelle Aquitaine mobilité électrique qui se tiendra les 9 et 10 juin prochains à Montmorillon (86), sollicité par Tour véhicules électriques lors du passage des rallyes dans la région, promoteur VE auprès des collaborateurs EDF, etc. : ses connaissances dans le domaine sont reconnues, recherchées et appréciées.
Dans le présent article, il nous raconte la montée en puissance des véhicules électriques à la centrale de Civaux, puis donnera son avis sur le maillage français en bornes de recharge, l’impact de Tesla dans le départ de la 5e vague branchée, et le souhait de l’Inde d’adosser sur son territoire le développement de la mobilité électrique à l’échange des batteries lorsqu’elles sont vidées de leur énergie.
« Je suis arrivé suite à une mutation sur le site de Civaux, en qualité d’acheteur, alors qu’il était encore en construction », nous confie Christophe Sébastien. « Dès 1996, je procédais à une première commande de véhicules électriques, une flotte de 11 exemplaires composée de Renault Express et Citroën AX, dont la dernière a été offerte à un lycée en 2015 », poursuit-il.
Bien sûr, il a vu chez EDF des engins encore moins courants : une Renault Super 5 Five au labo des Renardières en Seine-et-Marne, le premier modèle de Cleanova sur base Kangoo, et un Berlingo by Ventury un temps exploité à la centrale. « Avec le plan de déplacements d’entreprise mis en place en 2010, la nouvelle vague VE est arrivée à la centrale de Civaux. Toute la flotte du site, composée de 30 véhicules qui servent tous les jours, est électrique. Nous avons des Citroën C-Zero et Berlingo, Renault Zoé et Kangoo, Nissan Leaf et e-NV200 », détaille-t-il, en soulignant qu’un seul Kangoo a été acheté car le modèle « n’accepte pas la recharge rapide, qui peut-être parfois nécessaire dans certains cas ».
D’ailleurs, sur place, 3 bornes rapides protocole CHAdeMO ont été installées, accessibles à tous les électromobiliens. A celles-ci s’ajoutent une borne accélérée Astragam 22 kW CC tri-standard et la première borne V2G (vehicle to grid) 10 kW CC à connecteur CHAdeMO.
A la centrale de Civaux, le personnel n’est pas insensible à l’action et aux efforts fournis par Christophe Sébastien en faveur de la mobilité électrique.
« En 2010, alors que nous étions en train de renouveler la flotte du site, un groupe de 70 volontaires s’est constitué souhaitant essayer tous les véhicules électriques du marché, recevoir des informations sur le sujet et bénéficier de promotions à l’acquisition ».
Le remplacement des véhicules diesel en service à la centrale a pris un peu plus de temps. Pourquoi ? Tout simplement parce que notre interviewé à eu la bonne idée de prêter les modèles électriques dès leur arrivé aux personnes qui souhaitaient essayer un VE.
« Chacun a pu disposer d’une voiture électrique pendant une semaine complète, la prêter à son ou sa conjoint(e), emmener les enfants à l’école avec, aller au cinéma ou au restaurant, etc. », révèle Christophe Sébastien. « Seule contrainte : remplir un questionnaire en fin d’essai », ajoute-t-il. « Pour la Citroën C-Zero, ont été remontées l’absence de montre ou d’éclairage du sélecteur de marche, et la sensibilité au vent latéral », cite-t-il en exemple. « Mais globalement, les agents du site ont trouvé géniales les voitures électriques », modère-t-il. Après cette période, tous ces engins ont pris leur service à la centrale en remplacement des diesel sortants.
Il était une fois, en juin 2012, une fameuse histoire de déstockage de C-Zero chez Citroën… Environ 200 exemplaires ont été proposés en location à 90 euros sur 23 mois. En même pas une demi-journée, tous avaient trouvé preneur.
« Nous avons été informés très tôt de l’opération : elle était réservée aux particuliers, et 22 agents de notre centrale ont pu profiter de l’offre », chiffre-t-il.
« Une nouvelle vague, plus ouverte, mais à 149 euros, a suivi : 12 ont été acquises pour le site de Civaux, et 12 autres, à nouveau par des agents », complète-t-il. « Je m’occupe de la rédaction d’un petit journal interne d’actualités, envoyé à tous les collaborateurs du site, mais aussi à une importante liste d’abonnés de l’extérieur : j’y consigne les informations importantes en matière de mobilité électrique, en m’appuyant parfois sur les articles bien réalisés d’Automobile Propre », avoue notre interlocuteur.
Grâce aux actions de Christophe Sébastien, le groupe de volontaires s’est agrandit, franchissant un premier palier de 100 personnes, au rythme d’une continuelle progression.
« Ils m’ont demandé d’intervenir auprès des constructeurs pour bénéficier de tarifs préférentiels dans le cadre d’achats groupés », se rappelle-t-il. « Il faut savoir que même si nous ne sommes pas en région parisienne, notre employeur, estimant que nous résidons dans un territoire plutôt isolé nous amenant à effectuer de nombreux déplacements, attribue une prime qui représente environ 50% des frais de carburant aux 800 collaborateurs de la centrale de Civaux », pose-t-il.
« C’est peut-être un peu dommage qu’une enveloppe aussi importante parte directement chez un pétrolier alors que nous produisons de l’énergie exploitable pour la mobilité », plaide-t-il. C’est pourquoi un marché a été conclu avec les agents prêts à s’équiper d’une voiture électrique. « En échange de la suppression des indemnités kilométriques, ils pouvaient choisir une Renault ou une Nissan électrique, mise à disposition pendant 3 ans », indique-t-il, précisant que « les contrats LLD sont cependant au nom d’EDF ».
« Dès que nous avons proposé l’offre en VE, une soixantaine de volontaires se sont rapidement fait connaître », témoigne Christophe Sébastien.
« Ils ont fait essayer leurs voitures électriques à des collègues qui maintenant souhaitent aussi en avoir une », se réjouit-il. Sur le parking de la centrale de Civaux, tous les mois, 4 ou 5 VE de plus trouvent leur place. « Aujourd’hui, ce sont 150 véhicules électriques qui se garent autour de la centrale chaque jour : les 30 de la flotte de l’entreprise, 20 de prestataires de service, et une centaine utilisés personnellement par des agents », détaille notre interlocuteur qui s’amuse à dire : « Nous bénéficions à le centrale d’un taux de pénétration en véhicules électriques quasiment identique à celui de la Norvège ! ».
Encore avec un petit peu de malice, il commente : « Avoir sur sa fiche de salaire une ligne avec des indemnités kilométriques, c’est très bien, mais toucher les clés d’une voiture électrique dont on a choisi le modèle, la couleur et les options, c’est comme recevoir un cadeau de Noël ! ». Bien entendu, lui-même, son épouse et son fils de 27 ans roulent en VE : 2 Nissan Leaf et une Citroën C-Zero.
Désormais, Christophe Sébastien va porter la bonne parole branchée à l’extérieur, aussi bien dans des centrales que sur d’autres sites EDF. « Nous sommes en train de mûrir une offre au niveau national », s’enthousiasme-t-il. « Je diffuse la culture et l’entreprise aide ses collaborateurs à s’équiper en VE », témoigne-t-il.
« Les grosses craintes, c’est l’autonomie et la fréquence du ravitaillement en énergie quand aujourd’hui ils ne font le plein du réservoir qu’une fois tous les 15 jours ; pour ce dernier point, je les tranquillise en leur disant qu’ils vont devoir brancher leur voiture sans doute toutes les nuits mais que ça se fera de façon naturelle et sans mobiliser de temps », rapporte-t-il.
« De toute façon, c’est en essayant dans leur quotidien un véhicule électrique qu’ils trouveront eux-mêmes les réponses à leurs questions », est-il persuadé.« Pour l’autonomie, le seuil psychologique de confort est de 300-320 kilomètres », assure-t-il, listant les modèles de citadines et compactes déjà commercialisées ou à venir qui répondent à cette exigence : « Opel Ampera-e, Renault Zoé, Nissan Leaf, Tesla Model 3, BMW i3 rex ». Selon lui, si les pionniers de la mobilité électrique savaient supporter nombre de contraintes pour rouler branchés, le grand public qui s’intéresse désormais à la question ne veut pas en entendre parler, et notamment des arrêts prolongés pour recharger les batteries.
Actuellement, des négociations sont en cours entre EDF et les constructeurs BMW, Volkswagen et Opel, pour proposer aux agents leurs modèles électriques. « La philosophie actuelle de l’entreprise est de rendre accessible aux agents, au moins à l’essai, les 10 voitures qui dominent le marché, ainsi que les nouvelles à venir », dévoile Christophe Sébastien, qui ajoute : « Soit c’est possible directement avec les constructeurs, soit avec de grands loueurs comme Alphabet ». Il fixe un objectif : « En 2020, 50% des véhicules garés sur la parking de la centrale seront électriques ».
« Il faut penser tri-standard », commence notre interlocuteur pour aborder l’épineux sujet du maillage français en bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Son image : « Il serait aberrant d’imaginer être obligé d’aller avec une voiture à essence dans une station plutôt qu’une autre au prétexte que toutes ne sont pas équipées pour le ravitaillement de tous les modèles ; pour les voitures électriques, ça devrait être pareil ! ».
Pour assurer son propos, il cite en exemple : « Nous sommes en mobilité électrique comme au début de la téléphonie mobile ! Mais ça évolue : même la future Renault Zoé va se mettre au standard Combo ! ».
Selon Christophe Sébastien, qui joue pour Astragam le rôle de conseiller technique, « en matière de recharge, on aura besoin de courant continu ».
La borne Connexion 22 du fabricant implanté à Civaux, équipée des 3 connecteurs Combo2, CHAdeMO et type 2, exploite justement un tel flux pour ravitailler au mieux un maximum des véhicules électriques du marché : Pas plus de 25 minutes pour recharger à 80% une C-ZiMiOn (Citroën C-Zéro, Peugeot iOn, Mitsubishi i-MiEV), 40 pour une Volkswagen e-up!, 45 pour une BMW i3 22 kWh, 50 pour les Nissan Leaf 24 kWh et e-NV200, Peugeot Partner et Citroën Berlingo, Volkswagen e-Golf, ou 65 pour un Kia Soul EV. C’est tout de même mieux que 5 ou 6 heures, et plus !
Si notre interviewé préconise l’utilisation d’un tel équipement, c’est à la fois pour son universalité d’usage, mais aussi parce qu’il évite les déséquilibres du réseau électrique. « Quelle est la durée moyenne du temps passé à faire ses courses dans un supermarché ? », demande-t-il. « C’est 51 minutes : le temps idéal pour recharger les batteries en accéléré », répond-il. « Avec une borne rapide, il faudrait idéalement interrompre ses achats pour débrancher et déplacer son véhicule afin de libérer la place pour un autre », justifie-t-il. Supermarché ou zones commerciales, les stations accélérées tri-standard sont les plus adaptées.
Si notre interlocuteur hisse la recharge accélérée en courant continu au sommet de ses préférences pour un usage à destination des particuliers, il témoigne qu’à la centrale son exploitation est également satisfaisante. Et notamment lors des astreintes des agents : « Dans ces cas, nous pouvons être appelés à tout moment pour une intervention dans une zone de 35-40 kilomètres au maximum autour du site. L’urgence fait que nous oublions alors les principes de l’éco-conduite. De retour, nous ne serons la plupart du temps jamais sollicité avant au moins une heure, ce qui permet de retrouver la pleine capacité des batteries avec une recharge via la borne Connexion 22 que nous avons sur place ».
Parce que les projets parfois un peu fou d’Elon Musk auraient tendance à discréditer sa faculté à rendre possible ce que d’autres considèrent comme ne l’étant pas, voire même à le pointer du doigt comme dangereux, il est important de régulièrement rappeler que Tesla et Elon Musk ont une part considérable dans l’installation durable de la 5e vague de véhicules branchés dans le monde.
« C’est un précurseur qui a essuyé les plâtres et en a pris plein dans la g… », abonde Christophe Sébastien. « Il y a encore quelques années, Daimler soutenait que les véhicules électriques, ça ne marcherait pas ; La Model S est plus vendue que la Mercedes Classe S qu’elle concurrence ; maintenant, Daimler et sa marque à l’étoile ont des projets ambitieux pour la mobilité électrique ! », résume-t-il. « Les grands constructeurs ont été obligés de se rendre à l’évidence, sous l’impulsion d’Elon Musk », rappelle-t-il.
« La vision d’Elon Musk a été excellente : commencer avec un roadster très cher à destination des peoples, puis récupérer la technologie pour fabriquer des grosses voitures réservées à des personnes qui en ont les moyens, et arriver maintenant à l’étape de produire de gros volumes d’une compacte qui va profiter de la baisse des coûts à plusieurs niveaux », retrace Christophe Sébastien, qui trouve décalé le discours parfois ambiant chez Renault selon lequel le Losange aurait, lui, pris par le bon bout la question de la mobilité électrique en la proposant d’emblée sur une citadine grand public.
« Il ne faudrait pas oublier que souvent les innovations parviennent aux voitures plus populaires en ayant d’abord été implantées sur de gros modèles », lance-t-il en citant, pour exemple, l’ABS, qui équipera dès 1978 les Mercedes Classe S et BMW série 7. Il avertit : « Tesla a du souci à se faire et devra revoir les finitions de ses modèles, car les constructeurs allemands vont maintenant mettre le paquet pour faire la différence ».
Ce que notre interlocuteur apprécie chez Tesla, c’est sa grande réactivité : « Là où il ne prend que 3 semaines pour installer un superchargeur sur un parking d’hypermarché, il faudrait parfois 2 ans à d’autres pour mener à bien le chantier à grande puissance électrique ».
Le gouvernement indien prévoit que le vaste pays ne commercialisera plus sur son territoire que des véhicules électriques en 2030. Pour la recharge, il privilégie le remplacement des batteries à la manière du Quick Drop du projet Better Place qui avait embarqué en son temps Renault avec sa Fluence Z.E. adaptée.
Qu’en pense Christophe Sébastien ? Notre interviewé met déjà en garde contre une illusion qui perdure : « L’opération de remplacement des batteries nécessite une vingtaine de minutes du fait du travail sous haute tension : c’est loin des 2 minutes souvent promises ». Pour lui, ce système est difficile à mettre en place dans un marché concurrentiel : « Les batteries ont aujourd’hui des tailles et des formes différentes, parfois implantées en plusieurs packs dans le châssis pour une bonne répartition des masses ; en outre, les constructeurs aiment bien conserver la maîtrise de cet équipement », analyse-t-il. « En Inde, on ne réfléchit cependant pas selon les mêmes logiques et les mêmes cultures que dans nos pays : le projet du gouvernement indien pourrait être viable si tous les électromobiliens du territoire roulent avec la même voiture électrique ! », projette-t-il.
Automobile Propre et moi-même remercions chaleureusement Christophe Sébastien pour son accueil, sa réactivité, et son souci de nous faciliter la production de notre article. Nous lui souhaitons une bonne continuation dans ses projets, et lui redonnerons certainement la parole à l’occasion, tellement il est présent sur divers frontsen rapport avec la mobilité électrique.
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